Je ne suis pas un théoricien de la décroissance, concept dont à dire vrai j'ignore tout. Il n'empêche: quand on en vient à la société de consommation et à ses sortilèges, je sens renaître sur mon crâne hélas chauve le souvenir de mes cheveux défunts qui d'indignation s'hérissent tout seuls. Prenez le désormais célèbre Black Friday ou Vendredi Fou pour ceux qui ont encore un vague respect pour la langue française. Qu'est-ce que c'est encore que cette bouillabaisse sortie tout droit des limbes de la nouvelle économie?
Quand comprendra-t-on que tout le malheur de l'espèce humaine réside dans le fait de vouloir posséder des choses dont elle n'a nul besoin? Que d'acquérir la dernière couillonnerie à la mode n'aura aucun effet positif sur votre santé mentale si ce n'est de pousser un cri d'effroi quand la fin du mois arrivée vous découvrirez l'étendue des dégâts? Que vivre dans la simplicité qui dieu merci n'a rien à voir avec le dénuement ou la mendicité est l'une des conditions au bonheur terrestre ou du moins à l'absence d'emmerdements, laquelle participe grandement à une certaine sensation de plénitude?
S'acheter un objet –peu importe lequel– pour se faire plaisir est une chose, commander de quoi obstruer l'entrée de votre immeuble en est une autre. Une télévision aussi plate soit-elle avec une définition d'image inégalée dans toute l'histoire de l'humanité restera une télé, à savoir une invention discutable dont le but ultime est de vous faire acheter d'autres télés et ce dans un renouvellement perpétuel destiné à engrosser le portefeuille de quelques grands manitous qui se foutent éperdument de vous et de vos aspirations au bien-être.
Et la même chose prévaut pour à peu près tous les objets du quotidien dont à grands coups de réclames trompeuses on nous somme (du verbe sommer, je somme, tu sommes, il somme...) de nous débarrasser comme si notre vie en dépendait. Et qui fait que les gens prennent des crédits, s'endettent, vivent au-dessus de leurs moyens, convaincus que leur bien-être passe par l'achat de biens de consommation dont ils n'ont pourtant nulle nécessité.
Ainsi, j'ai vu des gens bien disposés dans la vie s'enfoncer dans le malheur par la faute d'un nouvel aspirateur qui leur promettait mille merveilles comme de repasser leurs chemises et d'allumer le feu d'une cheminée qu'ils ne possédaient pas. J'en ai vu d'autres de bonne constitution perdre le fil de leur vie le jour où ils sont devenus propriétaires d'un ordinateur si sophistiqué que de l'allumer nécessitait d'être détenteur d'un diplôme en ingénierie appliquée. Et que dire de ma belle-mère qui, persuadée que son bonheur passe par l'achat compulsif de chemisiers, en possède tant qu'elle les entrepose dans des valises qui s'entassent dans sa salle de bain au point de rendre l'accès à sa baignoire hautement problématique?
Folie de l'époque où comme des moutons appâtés par l'odeur d'une herbe fraîchement tondue nous accourons sitôt annoncées des promotions qui bien souvent n'en sont pas.
Qu'importe, nous voilà frétillants à l'idée de réaliser une bonne affaire sans même se demander si de cette paire de skis, vendue à un prix affolant, nous avons besoin ou si ce plat à gratin offert pour l'achat d'un ventilateur de dernière génération nous serait d'une quelconque utilité considérant que vu ses dimensions il ne rentrerait même pas dans notre four, lequel nous a pourtant été cédé pour une bouchée de pain si nous tenions notre promesse de le régler avec une carte de crédit à l'enseigne du magasin gracieusement offerte aux nouveaux clients, aux anciens aussi à la condition expresse qu'ils repartent avec un canapé trois places payable en neuf fois sans frais?
Ainsi va le monde. De vendredi fou en vendredi fou, achevant de nous rendre encore plus fous que nous le sommes (du verbe être, je suis, tu es, il est..) déjà.
Je vous laisse.
Je dois aller récupérer ma dernière commande, une trottinette pour chat qui leur permet de se laver les dents tout en améliorant leur transit intestinal.
Une affaire en or.
Pour suivre l'actualité de ce blog, c'est par ici: Facebook-Un Juif en cavale