Société / Économie

Le sapin de Noël résistera-t-il au Covid-19?

Temps de lecture : 3 min

Beaucoup envisagent le scénario du pire: couper les arbres verts pour ne finalement jamais pouvoir les vendre.

«La verdure qui rentre dans la maison, c'est le symbole de l'espoir.» | freestocks via Unsplash
«La verdure qui rentre dans la maison, c'est le symbole de l'espoir.» | freestocks via Unsplash

C'est une tradition qui a plus de dix ans. Chaque fin d'année dans les forêts du Morvan, Jean-Christophe Bonoron coupe son plus beau sapin pour l'offrir au président de la République. Pendant les fêtes de Noël, c'est donc un magnifique arbre d'une quinzaine de mètres de haut qui vient trôner dans la cour d'honneur du Palais de l'Élysée. Seulement, en cette année 2020, le Covid-19 fait partie des invité·es. Pour la première fois, Jean-Christophe Bonoron est contraint de se poser cette question: le sapin de l'Élysée va-t-il devoir rester dans ses forêts du Morvan?

Une période où «la maison change»

«On navigue à vue», explique Jean-Christophe Bonoron. Chaque Noël, il produit environ 50.000 sapins. Contrairement aux années précédentes, il a du mal à se dire que la saison a commencé pour de bon. «C'est en ce moment qu'on est censés réaliser notre chiffre d'affaires de l'année.» Beaucoup de commandes sont faites, mais le producteur envisage quand même le scénario du pire: couper les sapins pour ne finalement jamais pouvoir les vendre. «On a déjà des commandes annulées, notamment dans l'événementiel, dans les hôtels…»

Chaque année, ce sont six millions d'arbres qui viennent décorer les foyers dans l'hexagone. «Le sapin est essentiel pour le moral des français, assure Jean-Christophe Bonoron. Quand il y a des périodes difficiles, les gens se rattachent toujours aux valeurs essentielles. Le sapin de Noël en fait partie.» Mais pourquoi les Français et Françaises seraient-elles si attachées à leur sapin?

«Il est la preuve de tout ce que l'on attache autour de Noël», souligne Nadine Cretin, historienne et anthropologue. Auteure d'un chapitre dans le Oxford Handbook of Christmas, elle rappelle le lien particulier qu'entretiennent les Français·es avec Noël: «C'est un attachement à une tradition. Noël est une période différente où “la maison change” comme disent parfois les enfants.» Le sapin symbolise aussi cette période où l'on peut rompre avec la solitude: «Se retrouver autour du sapin, c'est un moment important, surtout pour les familles qui ne se voient qu'une fois par an», assure Jean-Christophe Bonoron.

Un symbole religieux devenu universel

La tradition du sapin n'a commencé à vraiment s'implanter en France qu'au XVIe siècle en Alsace, rappelle Nadine Cretin. L'arbre vert était alors considéré comme un symbole protestant: «Le sapin a longtemps été concurrent de la crèche, qui venait d'Italie, alors que lui venait plutôt d'Allemagne et d'Alsace. C'est pour ça qu'on lui a attribué la valeur de protestantisme. Mais aujourd'hui, ce n'est plus forcément un symbole confessionnel.»

Désormais, le sapin serait surtout un objet à forte valeur symbolique. «C'est un élément de notre culture. La verdure qui rentre dans la maison, c'est le symbole de l'espoir. On a pris un arbre qui reste vert pour rappeler la verdure à un moment où il n'y en a plus forcément. Et toutes ces décorations de Noël représentent le début de la nouvelle année.»

«Ces sapins, ils sont importants, notamment pour les personnes âgées.»
Marceau Kernanet, entrepreneur


Dans le Nord de la France, sur la Côte d'Opale, un duo de jeunes entrepreneurs tente de trouver des solutions. «Ces sapins, on sait qu'ils sont importants, notamment pour les personnes âgées, qui aiment bien faire Noël en famille, explique Marceau Kernanet. Est-ce que le sapin de Noël est un produit essentiel pour autant? Si les gens n'ont pas le droit de fêter Noël, la question se pose.»

Alors, avec son partenaire, Marceau a trouvé la parade. Pour que chacun et chacune puisse passer Noël avec son sapin, ils vont se charger eux-mêmes de la livraison. «Concrètement, on ne peut pas nous empêcher de livrer. On le fait dans le respect des règles sanitaires. Ce qu'on propose, c'est comme Uber Eats, mais version locale. Avec uniquement des sapins des Hauts-de-France.» Et les commandes s'enchaînent, d'après eux. Déjà plus de quarante en ce début de mois.

Un enjeu économique de taille

Marc-Antoine Petitjean, petit producteur de sapins dans le Jura, attend de son côté une directive claire du gouvernement. «À partir du 15 novembre, on commence la coupe. La mise en filet, la préparation.» Ce sont 80% des sapins achetés par les Français·es qui sont produits ici. Ce qui fait du sapin de Noël un véritable produit made in France.

Alors, pour lui, comme pour toute une partie de la profession, ce qui se joue dans les prochains jours, c'est leur gagne-pain de l'année. «Moi, c'est ça qui me fait vivre, alors je ne peux que dire que c'est essentiel, confie-t-il. Je n'ai pas souvenir que les producteurs de sapins aient connu une telle situation par le passé.» Le business du sapin de Noël représente un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros en moyenne. Considérés comme des produits essentiels par la loterie gouvernementale, les arbres pourront être vendus à partir du 20 novembre. Mais le marché suivra-t-il en cette période troublée?

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