Culture

Mérovée a-t-il vraiment existé?

Temps de lecture : 2 min

La biographie de ce supposé roi des Francs est si pleine de zones d'ombre que certain·es ont fini par affirmer qu'il avait été inventé de toutes pièces.

Profil détouré d'une médaille unique représentant Mérovée. | Rinaldum via Wikimedia Commons – Montage Slate.fr
Profil détouré d'une médaille unique représentant Mérovée. | Rinaldum via Wikimedia Commons – Montage Slate.fr

Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d'autres, spécialistes du sujet, leur répondent.

La question du jour: «Mérovée a-t-il vraiment existé?»

La réponse d'Anthony Lapeyre:

Oui, avec peu de doutes. Fut-il roi des Francs? Difficile à dire. Fut-il le grand-père paternel de Clovis? Impossible à affirmer. Mais à coup sûr, c'est l'un de ses ascendants.

L'historien Christian Settipani a très bien expliqué les principes de création des prénoms des rois mérovingiens. Durant la période païenne, c'est-à-dire avant la conversion de Clovis, le roi porte un nom-totem qui signifie quelque chose. À chaque génération, on recombine ses éléments, en puisant parmi ceux des ancêtres.

Le nom de Clovis peut se rapprocher de celui de Clodion (suffixe) et de celui de Mérovée (pour la finale). Le premier fils de Clovis, alors que celui-ci est encore païen, se nomme Ingomer (on retrouve le -mer de Mérovée). Parmi ses autres fils, Clodomir (ou Clodomer) porte encore dans sa partie finale la trace de cette ascendance.

À partir de la conversion au catholicisme, les orthographes des prénoms se fixent et ces derniers deviennent héréditaires.

Curieusement, Chilpéric Ier, petit-fils de Clovis, va donner le nom de Mérovée à l'un des fils qu'il a eu avec son épouse Brunehaut. C'est une nouvelle preuve de la présence d'un Mérovée parmi ses ancêtres. On est vers 550, c'est-à-dire moins de 100 ans après la mort du grand-père présumé de Clovis. La mémoire ancestrale est donc encore bien vivante.

En appliquant les mêmes principes, on peut aussi considérer que Clovis a eu un Clodion parmi ses ancêtres, mais écarter totalement Pharamond dont on ne retrouve aucun élément onomastique chez les Mérovingiens.

Settipani est allé plus loin en proposant une généalogie très plausible des Mérovingiens, les faisant remonter à Richomer, consul et maître de la milice d'occident sous l'empereur Gratien.

La méthode de l'historien est séduisante, car elle permettrait aussi de relier les Mérovingiens au roi Franc Mérogaise, qui menaçait l'empire au début du IVe siècle, ainsi qu'à un autre Franc illustre, Claudius ou Clodius Sylvanus, qui prit la pourpre sous Constance II (ce qui expliquerait cette persistance du Clo- observée chez les Mérovingiens).

Respect sacré

Mérovée, Childéric et Clovis auraient aussi pu être parents du poète et maître de la milice Mérobaud, ce que déjà certains documents laissaient supposer, des cousins d'Eudoxie, femme de l'empereur Arcadius, nièce de Richomer, et sans doute les cousins de l'un des derniers hommes forts de l'empire finissant, le patrice Ricimer, dont l'historien allemand Helmut Castritius fait un petit-fils de Richomer.

Les Mérovingiens, dont les ancêtres sont entrés en Gaule au milieu du IVe siècle, apparaîtraient donc sous un nouveau jour. Ils ne seraient plus d'obscurs roitelets germaniques sortis de leur marécage, mais des membres d'une illustre famille de l'aristocratie romano-germanique apparentée aux empereurs théodosiens.

Même s'il s'agit d'un usurpateur, la présence d'un empereur parmi les ancêtres de Clovis expliquerait le respect sacré accordé à sa famille, bien mieux que la croyance en une origine mythologique et alambiquée évoquée par Frédégaire (l'accouplement de la femme de Clodion avec un quinotaure d'essence divine!).

Mais il ne s'agit là, bien sûr, que d'hypothèses aventureuses...

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