Politique / Société

Pierre Laval, personnage le plus détesté de la France occupée, était fusillé il y a soixante-quinze ans

Temps de lecture : 13 min

Son parcours éclaire non seulement la période de l'Occupation, mais aussi la vie politique de la première partie du XXe siècle.

Pierre Laval, ancien vice-président du Conseil du gouvernement de Vichy, à l'aéroport du Bourget, le 2 août 1945. | AFP / ACME 
Pierre Laval, ancien vice-président du Conseil du gouvernement de Vichy, à l'aéroport du Bourget, le 2 août 1945. | AFP / ACME 

Peu de personnages de notre Histoire ont été aussi haïs que Pierre Laval, ancien Président du Conseil et numéro deux du régime de Vichy. Jugé en 1945, condamné à mort et exécuté le 15 octobre 1945, Laval incarne le refoulé d'un pays qui, des décennies durant, ne voulait plus entendre parler ni de l'Occupation ni de la Collaboration. C'est cette dernière que Laval avait souhaité incarner. Il s'identifia à elle et subit le même destin.

Pierre Laval lors de son procès, en octobre 1945. Condamné pour haute trahison, il sera fusillé quelques jours plus tard. | AFP

Peu à peu, Laval disparut de la mémoire collective même si un aréopage de fidèles, composé de son gendre le Comte René de Chambrun et de ses avocats Maître Baraduc et Maître Jaffré, auteurs de livres et opuscules, l'ont loué ou défendu.

Pour le grand public, Laval évoque peut-être la talentueuse interprétation de Jean Yanne dans le Pétain de Jean Marbœuf, inspiré du livre de Marc Ferro consacré au chef de l'État français. Christophe Malavoy interpréta lui aussi Laval, mais face à ses juges dans le docu-fiction d'Yves Boisset. Les biographies écrites par Fred Kupferman puis Jean-Paul Cointet ont été éclairant sur la véritable nature de Laval. Enfin, en 2018, Renaud Meltz publiait une magistrale biographie.

Une jeunesse pauvre et auvergnate

Pierre Laval naît à Châteldon, un petit village d'Auvergne, un jour de juin 1883. Ses parents sont les aubergistes du village. Ni riches ni véritablement pauvres, leur établissement est le point de ralliement des paysans du village et du canton.

Passant ses années d'études entre Clermont-Ferrand, Moulins, Lyon, Autun, Saint-Étienne puis Paris, il se passionne d'abord pour les sciences naturelles. Il obtient dans ce domaine une licence avant de bifurquer vers le droit, passeport pour la reconnaissance par sa future belle-famille, dont le père est maire de Châteldon et le fils, son futur beau-frère deviendra député SFIO. Ces années touchent au dénuement. L'argent manque pour acheter ses manuels comme pour se payer des souliers ne prenant pas la pluie; Laval emprunte de quoi subvenir à ces besoins immédiats. Les sciences naturelles et le droit, choisis comme matières principales successives par le jeune Laval, révèlent les deux seules passions de sa vie jusqu'à son issue à Fresnes: les animaux et la politique.

En arrivant à Paris, il commence une carrière d'avocat. Sa clientèle est des plus démunies. Il est l'avocat des pauvres, défendant ouvriers équarisseurs de La Villette ou enfants exploités. Souvent, il ne fait pas payer ses client·es qui, pour le remercier organisent des cagnottes, qui s'avèrent bien plus lucratives. Avocat du peuple et avocat très populaire, il reçoit ainsi d'importantes sommes d'argent qui lui permettent de vivre confortablement rue du Faubourg Saint-Denis à Paris. «Pedro», pour les ouvriers banlieusards du nord de Paris, devient extrêmement populaire.

Député socialiste SFIO en 1914

En épousant Eugénie Claussat, fille du maire et médecin socialiste du village, Laval fait à la fois un beau mariage et un mariage d'amour. Très tôt, il adhère au parti socialiste SFIO, fondé en 1905. Pierre Laval est socialiste. Il n'est pas éminemment jaurésien, il est plutôt influencé par le blanquisme. Avec d'autres élus, dont son propre beau-frère, il représente un pacifisme d'un genre particulier, consubstantiel à une forme de socialisme du terroir assez défiant envers les options mondiales d'une République éprise de son empire désormais mondial. Alors même que le socialisme tend à l'universalisme et que la IIIe République maquille l'Empire colonial français aux couleurs de l'universalisme tricolore, Laval penche pour la défense des petits, certes, mais des Français·es de métropole et des terroirs.

Il ne manifestera pas d'intérêt à l'égard des soldats coloniaux et, bien au contraire, finira par jeter la suspicion sur eux, souvent accusés par la population d'avoir pour fonction de réprimer les revendications et manifestations des populations ouvrières du département de la Seine. Cependant, Pierre Laval est alors, comme l'écrit Renaud Meltz, «l'homme du Carnet B». Le Carnet B, c'est le fichier qui recense défaitistes, pacifistes, révolutionnaires, tous suspects de jouer contre la revanche de la France.

Curieusement, c'est Joseph Caillaux qui acceptera de l'y faire inscrire. Pendant la Grande Guerre, Laval qui s'appesantit sur la vie quotidienne des plus humbles, penche assez spontanément pour Joseph Caillaux –figure radicale qui sera finalement jugée pour haute trahison. Cependant, quand le socialiste pacifiste Laval a le cœur qui bat la chamade pour Caillaux, le député de plus en plus roublard en pince pour le président Georges Clemenceau et son bras droit Georges Mandel.

Joseph Caillaux, en 1925 | Bibliothèque nationale de France via Wikicommons

Pacifiste mais national avant d'être internationaliste, il va manier l'ambigüité avec un art qui fera son succès ultérieur en se faisant plus ou moins mouchard de Clemenceau, mais en réclamant une paix négociée et en revendiquant l'élargissement de ses camarades pacifistes condamnés en 1919. L'ombre des fonds secrets planera ensuite sur cette période, donnant une explication plausible à la fortune de Laval. De cette époque, il gardera un lien avec Mandel. L'assassinat de ce dernier par la Milice en 1944 aura-t-il fait prendre conscience humainement et personnellement à Laval des crimes qu'il a alors couverts?

Pacifiste, en 1919, Laval reste surtout un socialiste du terroir, peu enclin au penchant républicain universaliste de la IIIe République. Il préfèrera ultérieurement voir le Japon envahir la Mandchourie et y instaurer le Mandchoukouo ou les Italiens fouler aux pieds les accords de Stresa, laisser ceux-ci envahir l'Éthiopie et abandonner le Négus, l'empereur éthiopien, hué à la SDN, que de voir la guerre en Europe. À partir de janvier 1936, Laval est écarté du pouvoir.

Aubervilliers, les affaires et l'homme d'État

Battu en 1919 aux élections législatives sous l'étiquette SFIO, il s'empare, à la faveur d'une élection municipale partielle en 1921, de la ville d'Aubervilliers et en restera maire jusqu'en 1944. Candidat contre les communistes, il a cependant louvoyé au Congrès de Tours et pris progressivement le large par rapport à la SFIO. À Aubervilliers, fort du soutien des corporations dont il a été l'avocat, de celui des Bougnats, Auvergnats immigrés à Paris au XIXe siècle, formant un réseau dense et influent, il obtient au soir du premier tour 45%. Après une campagne de second tour particulièrement musclée, il est élu et fera d'Aubervilliers à la fois une vitrine sociale enviée et une base arrière suffisamment solide pour engager sa marche vers le pouvoir.

Entretemps, Laval plonge dans le monde des affaires. Son train de vie augmente et il déménage à Villa Saïd dont, en bon Bougnat, il négocie fort bien le prix. Ses biographes –Cointet, Kupferman, Meltz– soulignent ses talents de profiteur de guerre. À l'avocat des pauvres, souvent non rémunéré, succède un avocat habile et âpre au gain. Sa vénalité ne cessera de se confirmer.

Il acquiert ainsi le journal Le Moniteur du Puy de Dôme, qui lui assurera un pied dans sa petite patrie natale. Par la suite, ses investissements dans les médias de Radio Lyon au Moniteur, souvent par prête-nom, en feront l'un des patrons de presse les plus importants du pays. Il devient l'un des principaux actionnaires de la Société de l'Énergie industrielle en 1937. Radio Lyon est, dès la fin des années 1920, le moteur d'une efficace propagande très lucrative (par ses annonces publicitaires) pour Laval.

On peut multiplier, jusqu'à l'Occupation, les prises de participation et les reventes d'entreprises qui vont procurer à Laval une fortune colossale, dont il placera une partie importante aux États-Unis. Laval devient riche mais ses mœurs changent peu. Costumes bleus plus ou moins bien taillés, éternelle cravate blanche, il n'affectionne que les bons vins et se détourne des mondanités. Riche, il n'est pas homme du monde et se flatte de se coucher à 21 heures. La richesse accumulée n'est ostentatoire que quand il s'agit d'habiller Josée, sa fille unique, devenue bientôt personnage de la presse mondaine.

Celle-ci contera scrupuleusement ses tenues acquises successivement. Au fil des années, argent public et renflouement de titres possédés par Laval vont se mêler. Selon les critères de notre époque, Laval aurait connu bien des démêlés avec la justice... Mais l'époque était autre.

Le maquignon disciple de Briand

Celui qui s'est éloigné du socialisme et de la SFIO, puis finalement de la gauche va se retrouver caution populaire de majorités de droite successives. Il a été élu sous la bannière du Cartel des gauches mais va s'efforcer de s'en libérer. Élu du Cartel, il devient ministre des Travaux Publics, l'impression qu'il y laisse est désastreuse. Incapable de fixer un cap politique en la matière, Laval apparaît comme le jouet de l'administration, voguant péniblement sur le flot d'enjeux qui semblent de loin le dépasser ou surtout l'indifférer. Plus tard, c'est dans le gouvernement Tardieu, en 1930, qu'il devient ministre du Travail. Jusqu'au début de 1936, il sera de tous les gouvernements.

C'est là, en pleine crise de 1929, alors que grondent en Europe les orages du nationalisme, que Laval va donner pleine mesure à son sens tacticien et à sa vision pacificiste. Président du Conseil en 1931, il fait une tournée internationale qui l'amène aux États-Unis pour rencontrer le président Hoover. C'est Josée, sa fille, et non Eugénie, sa femme, qui l'accompagne. L'accueil de New York est triomphal. Lui qui n'a jamais voyagé bien plus loin que Châteldon (hormis une mission lointaine pendant la Première Guerre mondiale) découvre le vaste monde. Il se rend à Berlin, là où le nazisme est aux portes du pouvoir.

Pour Laval, sa mission poursuit celle d'Aristide Briand. Si pendant le même temps, le président Laval s'occupe de la nourriture donnée à chaque bête de son élevage en Normandie (les mots à en-tête officielle témoignent du soin pris à chaque animal en particulier) celui-ci ne perd pas son objectif: la paix avant tout. Car, s'il est célébré aux États-Unis comme un économiste hors-pair dans la crise, Laval est pris par une course de vitesse.

Pierre Laval et Aristide Briand, en 1930. | STF / AFP

La fragilisation de l'œuvre de Briand, la dénatalité française, la montée des nationalismes vont faire de Laval un conciliateur impuissant, pris par les vertiges de son impuissance. Laval, héritier de Briand? Il est déjà contesté par les Jeunes Turcs du Parti Radical et les néosocialistes de Déat à la SFIO. Laval, au cours de ses exercices ministériels, n'aura de cesse de favoriser la paix jusqu'à être la victime du retour de feu des guerres d'Éthiopie. Certes, il aura conclu un accord avec Staline en 1935 favorisant la paix et conclu les accords de Stresa avec l'Italie, mais tout cela sera vite balayé.

Un clan bien encombrant

La famille Laval fonctionne comme une tribu restreinte, confite en adoration devant son grand homme. Si «Pedro» s'habille uniformément de bleu et porte son éternelle cravate blanche, sa fille unique Josée conte dans ses carnets ses acquisitions multiples de tenues et chandails aux couleurs chamarrées qu'elle affectionnera jusqu'au soir de sa vie.

Ses carnets révèlent le caractère fusionnel des relations avec son père et un art de vivre plutôt surprenant au moment où la France souffre des méfaits de l'Occupation. Si les soirées des Chambrun se poursuivent jusqu'aux années 1980, mêlant stars du show-business et personnel politique, Josée conte avec ravissement ses dîners avec Rudolf Schleier (diplomate nazi, proche d'Abetz) mais aussi l'actrice Arletty ou Sacha Guitry sans compter les Luchaire et leur fille Corinne ou bien les Dubonnet, propriétaires de la marque éponyme.

Hélène et Marcel Déat sont fréquemment conviés comme l'ambassadeur de France à Paris (poste original) Fernand de Brinon et son épouse, pourtant de confession juive. René de Chambrun assure l'équivalent de la direction de cabinet de son beau-père à Paris, pendant du rôle de Jean Jardin (surnommé le nain jaune) à Vichy. C'est dans le Train d'État entre Paris et Vichy qu'on traite quelques petits arrangements.

Munichois absent et pétainiste opportuniste

Depuis janvier 1936 c'est de Villa Saïd, de Châteldon et d'Aubervilliers, qu'il est rancunier envers Paris «qui l'a vomi». Il n'est même pas munichois. S'il marchande souvent avec Daladier (au détriment moral et historique de ce dernier), il réapparaît sur la scène politique nationale avec la chute de Reynaud, il va intriguer auprès du Maréchal Pétain. C'est avec le maire de Bordeaux où le gouvernement est rapatrié, qu'il noue alliance.

Philippe Pétain et Pierre Laval, à Vichy, en 1942. | International News Photos (INP) / AFP

À Bordeaux, il menace physiquement le président de la République Albert Lebrun afin qu'il ne quitte pas la métropole, sous le vernis du républicain apparaît désormais le factieux.

Rapatrié à Vichy, à vingt kilomètres de Châteldon, sans que cela soit de son fait, il s'impose comme numéro deux d'un nouveau régime en faisant voter les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. La scène dans le Pétain de Jean Marbœuf est immortalisée par Jean Yanne. Le maquignon, tout fiérot d'avoir «roulé» l'Assemblée nationale se rue vers son maître de rencontre, qui ne lui laisse pas la satisfaction des applaudissements de la foule. La collaboration de Laval commence par la petite porte –et finira à Fresnes.

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Collaborateur en chef victime des coteries pétainiste

Pétain et Laval ne s'apprécient guère. Cependant, Laval, le républicain, laisse tout passer, dont le Statut des Juifs, écrit par Raphaël Alibert, le garde des Sceaux, demandé par les zélateurs de la Révolution nationale naissante, accepté par la hiérarchie catholique et durci de la main du Maréchal Pétain. Laval facilitera la fuite de certains d'entre eux avec l'aide de son gendre Chambrun.

En revanche, quand sa fille recevra une missive du mari d'Irène Némirovsky, arrêtée par la gendarmerie à Issy-l'Évêque en Saône-et-Loire, rien n'y fera. Laval mettra à l'abri d'anciens collaborateurs mais n'en fera pas plus.

Cette période, marquée par la chasse aux francs-maçons, le voit inerte alors que sa belle-famille a été largement initiée dans des loges du Puy-de-Dôme. La soif du pouvoir se transforme en ivresse.

Surtout, la prétention à mener une politique qu'il estime avoir été mise entre parenthèses par son éviction du pouvoir l'éloigne de toute considération appuyée sur la raison. «Bougnaparte» poursuit donc sa logique de collaboration avec les forces de l'Axe. Il dit «non» au «parti unique» de Marcel Déat, fraîchement converti au fascisme (il aura connu en fait plusieurs conversions) et dans le même temps suscite non seulement la rencontre Pétain-Hitler à Montoire et une rencontre infructueuse entre le Führer et Franco en gare d'Hendaye. Furieux, il est assailli par son entourage dont Du Moulin de Labarthète et le Docteur Ménétrel, antisémite fanatique suspicieux à l'égard des penchants républicains supposés de Laval.

Finalement, après une scène d'anthologie où Pétain demande à son cabinet de signer des démissions individuelles, le 13 décembre 1940, le chef de l'État français retient celle de Pierre Laval. Dans les minutes qui suivent, Laval est arrêté.

Si certains souhaitent son exécution immédiate, il est finalement placé en résidence surveillée à Châteldon tandis que le collaborationniste Fernand Brinon est poussé canon au poing dans sa chambre d'hôtel de Vichy tandis que Déat, à Paris, est placé en garde à vue… Finalement Abetz, ambassadeur d'Allemagne, prend la route de Châteldon pour libérer son vieux partenaire et désormais protégé.

L'attente du retour et l'irréparable

Pendant de longs mois, Laval tergiverse. Doit-il partir aux États-Unis? Ou rester? Le sort est scellé lorsque le 27 août 1941, Paul Colette, un jeune royaliste proche de la Résistance ouvre le feu sur lui et Marcel Déat lors d'une prise d'armes de la Légion des volontaires français, phalange française sous uniforme allemand. Déat et Laval survivent. Dès lors, son retour est enclenché, d'autant plus que Chambrun et lui intoxiquent le monde politique en clamant la nécessité d'un retour aux affaires bien vu et bienvenu aux yeux de l'occupant. Laval se réconcilie avec Pétain en forêt de Randan puis revient aux affaires.

De cette période, fort documentée désormais, l'historien Laurent Joly dit: «Laval-Bousquet, c'est la collaboration politique et policière de 1942-1943: la répression anticommuniste, la livraison des juifs apatrides et étranger (ainsi que de leurs enfants, le plus souvent français), l'imposition du travail obligatoire, la chasse policière des réfractaires et la répression des maquis.»

Le 22 juin 1941, lors d'une allocution radiophonique, Pierre Laval dit souhaiter «la victoire de l'Allemagne car sans elle le bolchevisme s'installerait partout». Le 30 janvier 1943, la Milice Française est créée.

Parmi ses membres, Philippe Henriot, bientôt chargé de la communication et de la propagande du régime –ancien député de droite, il sera exécuté en juin 1944 à son ministère, rue de Solférino. Un autre, Paul Touvier, ancien souteneur, qui se cachera des années durant dans des couvents traditionnalistes. Laval, qui se voulait disciple de Briand, se fait complice du meurtre de dizaines de milliers de Juifs et Juives et prête-nom aux massacres de la Milice….

La fuite, Sigmaringen, Montjuich et la fin

La liste des forfaits de Laval, numéro deux de Pétain, peut s'étendre. Parti en Allemagne, après des pourparlers avec Herriot, qui déshonorent moins le premier qu'ils ne salissent devant l'Histoire le second, il atterrit à Sigmaringen, où il occupe un étage du château des Hohenzollern, fait des tours gourmands en cuisine et prépare en compagnie d'Eugénie sa défense à venir.

Il se réfère constamment à Caillaux pour entretenir l'illusion de son destin. Il tente de gagner la Suisse. En vain. Il parvient à monter à bord d'un Junker à destination de Barcelone. Là, interné à Montjuich, le fort dominant Barcelone, il hésite. Une lettre des Chambrun le pressant de ne pas rentrer ne lui parviendra pas. «Ulcéré» par la défense de Pétain qui, lui, est rentré, il choisit de s'expliquer en France. Il prend l'avion pour Innsbruck. Il aurait pu se réfugier dans l'Irlande de De Valera. Persuadé –sans doute par sa femme– qu'il saura se défendre, il atterrit le 2 août 1945 au Bourget.

Immédiatement incarcéré, cité le lendemain au procès Pétain, mais privé de ses documents, il va voir ensuite son procès bâclé par une instruction écourtée (le juge étant parti en vacances). Le déroulement du procès se passe de la pire manière: insultes et cris de ses partisan·es amènent au retrait de l'accusé.

Refusant de demander grâce mais réclamant la révision de son procès, Laval se sait perdu. Nul ne se saisit du sort des Juifs et Juives de France déportées avec l'aide de son bras doit, Bousquet, qui va l'accompagner pendant ses dernières heures. Son exécution tient de la boucherie. Laval tente de se supprimer au cyanure. La quantité est trop faible, la capsule est éventée. On le ranime, on le porte au poteau. On a fait patienter le peloton à coup d'alcool fort.

Laval aura seulement demandé au procureur Mornet de regarder l'exécution et d'avoir un regard pour ses avocats. Des décennies d'un grand mensonge commencent. La justice de 1945 l'a permis.

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