Basic Fit, Fitness Park, Neoness... Les salles de sport organisent la fronde contre leur fermeture autour d'un argument: le sport augmenterait la résistance au Covid. Depuis le 26 septembre, Paris, Lille, Toulouse, Saint-Étienne, Rennes, Rouen, Grenoble et Montpellier sont passées en «zone d'alerte renforcée» –certaines sont par la suite devenues «zones d'alerte maximale»–, contraignant les souleveurs et les souleveuses de fonte au repos. Une erreur pour la franchise Les Cercles de la Forme qui, dans son mail de communication sur sa fermeture, met en avant «des études scientifiques récentes» pour défendre la pratique sportive.
Capture d'écran du mail des Cercles de la Forme en date du 26 septembre.
«Aucune étude ne prouve que le sport protège tous ses adeptes, remarque Vincent Maréchal, professeur de virologie à Sorbonne Université. La seule chose certaine, c'est que les formes les plus graves de la maladie surviennent chez les personnes qui ont tendance à faire le moins de sport: les plus âgées et celles qui présentent des problèmes cardiovasculaires, de diabète ou d'obésité.»
Une équipe de recherche de l'Université de Virginie aux États-Unis a montré que l'activité physique pourrait prémunir contre des complications graves de maladies respiratoires, comme le syndrome de détresse respiratoire aiguë. Dans son étude publiée en mars 2020 dans la revue scientifique Redox Biology, elle a noté que l'activité physique produirait certains antioxydants activant des mécanismes de défense de l'organisme, notamment contre le Covid-19. Si le sport peut donc diminuer le risque de complications, il n'empêche toutefois pas de contracter la maladie.
Trop de sport nuit à la santé
La diminution des risques justifie-t-elle de se mettre au sport maintenant? Pas exactement. Pour Jean-Daniel Lelièvre, chef du service infectiologie à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne), «il ne faut pas avoir commencé le sport il y a quinze jours, mais depuis des mois, voire des années. C'est cette pratique régulière qui permet de réduire les risques de surpoids, facteur de risque élevé dans la maladie», souligne-t-il.
Par ailleurs, Denys Barrault, président de la Société française de médecine de l'exercice et du sport, prévient qu'une activité sportive exagérée peut aussi affaiblir le système immunitaire. Et donc, augmenter les risques d'attraper des affections respiratoires comme les rhinopharyngites ou, bien sûr, le Covid. «Tout le monde n'est pas capable d'être sportif de haut niveau, il faut veiller à ne pas aller trop vite dans son entraînement», insiste cet ancien médecin-chef de l'Institut national du sport et de l'éducation physique.
Autre remède de grand-mère souvent évoqué: transpirer aiderait à purger son corps du virus. Impossible, selon le professeur Vincent Maréchal, en raison de la nature même de la maladie. «On ne trouve pas de trace du virus à la surface de la peau, il ne peut donc pas être évacué par la sueur», précise-t-il. Seules les mains peuvent être marquées du sceau du virus lorsque l'on tousse dedans ou si l'on touche des surfaces contaminées.
Respiration intense et lieux fermés: risque élevé
Principale raison de la fermeture des salles de sport: les risques de contamination seraient supérieurs aux bénéfices pour la santé. «La respiration se fait beaucoup plus intense, on inhale et on expire plus de particules potentiellement contaminées, surtout en lieu clos», note l'infectiologue Jean-Daniel Lelièvre. Comme quand on chante ou parle fort, les postillons sont envoyés avec une puissance décuplée au cours de l'effort.
A contrario, d'autres lieux publics tels que les salles de cinéma et les théâtres, où le public garde son masque et n'expire pas autant qu'en multipliant les pompes, restent ouverts.
Même si les salles de fitness respectent les règles sanitaires –distanciation physique, matériel désinfecté après chaque utilisation et jauge d'accueil limitée–, le risque demeure élevé d'après le professeur Vincent Maréchal. Il craint que le nouveau coronavirus puisse s'attraper dans l'air peu renouvelé de ces lieux, via l'inhalation d'aérosols légers. Ceux-ci désignent des gouttelettes expirées qui restent en suspension grâce à leur légèreté: moins de 5 micromètres.
«Dans les salles de sport peu aérées, elles stagnent et contribuent probablement à la contamination», conclut le professeur. Une hypothèse «envisagée» par le Haut Conseil de la santé publique dans un avis rendu le 14 août. C'est notamment pour cette raison que le port du masque a été généralisé dans les endroits clos tels que les entreprises.
Ces conclusions sont contestées par les clubs de sport. La bataille des chiffres fait rage. Selon les données de l'Union Sport et Cycles, la filière relève «200 cas de Covid-19 sur près de 25 millions de passages dans les salles de sport depuis le mois d'août». Mais attention, ces chiffres ont été recensés grâce aux seules déclarations des adhérent·es.
De son côté, Santé publique France, l'organisme collecteur des données du Covid-19, énonce que «les activités sportives, récréatives et de loisirs» figurent parmi les secteurs des entreprises les plus à risque.
Encore une fois, les données sont à prendre avec précaution, car les salles de fitness ne sont pas les seuls espaces compris dans cette typologie. Environ une personne exposée sur douze est contaminée dans ces lieux, comme dans les industries alimentaires. Du côté des transports (de personnes et de marchandises), c'est un individu sur quatre. Mais pour les professionnels de la santé interrogés, le principe de précaution doit l'emporter dans les secteurs non indispensables pour ralentir la progression de l'épidémie.