L'arrière-saison permet des flâneries campagnardes et des moments de gourmandises rares sans le rush et la pression du mois d'août.
La Villa Archange. | Joann Pai
La Villa Archange au Cannet, le meilleur chef azuréen?
Ancien bras droit de Georges Blanc à Vonnas (Ain), chef double étoilé au Majestic découvert par Diane Barrière, Bruno Oger s'est installé en 2010 dans une ancienne villa provençale sur les hauteurs du Cannet où il a ouvert une table gastronomique et le Bistrot des Anges: deux styles de cuisine élaborée grâce à des produits de saison, légumes d'ici et poissons de Bretagne. C'est de cette région excentrée que Bruno Oger est originaire et sa cuisine reste toute imprégnée de saveurs de là-bas, poissons et crustacés en tête.
Bruno Oger. | Joann Pai
À La Villa, les ormeaux délicieux de l'île de Groix sont poêlés aux artichauts de la région (90 euros), les langoustines rôties Riviera et bouillon de pinces (130 euros), le bar de ligne cuit à merveille au citron-citronnelle (110 euros), le turbot au céleri bio, échalotes et noix (110 euros), l'agneau des Alpilles rôti à l'oignon des Cévennes (115 euros), le homard breton à l'andouille de Guéméné et jus de volaille aux épices (130 euros), le fromage de chèvre au pistou de roquette et à la pistache (30 euros).
À La Villa Archange, les ormeaux de l'île de Groix simplement poêlés et artichauts de la région. | Joann Pai
Et pour terminer, le chocolat pur Caraïbe en pot de crème (32 euros), les mirabelles rôties aux gavottes, sorbet pamplemousse (32 euros), le rarissime Traou Mad aux fruits rouges, crème glacée vanille et réglisse (32 euros). Quelle symphonie!
À La Villa Archange, le Traou Mad aux fraises des bois. | Joann Pai
Voilà un grand cuisiner bien adapté au climat, aux ressources, aux cadeaux de la nature et de la mer. Grâce au temps vécu ici, il a peaufiné sa manière allant vers plus de pureté, de goûts vrais, sans acrobaties inutiles. Le chef Oger s'appuie sur ces matières premières et ré-enchante les compositions culinaires par sa main habile et son sens des garnitures. C'est un maître des assiettes évidentes et simples. En cela, il plaît comme jamais par sa louable sincérité: il est toujours présent.
Le Bistrot des Anges. | Bastide Bruno Oger
Au Bistrot des Anges sur la terrasse d'un rapport prix-plaisir stupéfiant, voici la tarte pissaladière au confit niçois, sauce anchoïade (26 euros), la raviole fromagère aux champignons sauce poulette (27 euros), le thon mariné au gingembre, salade de quinoa rouge aux carottes (28 euros), le foie de canard chaud, artichaut et pamplemousse (37 euros), le suprême de volaille élevée en plein air, légumes de saison (32 euros), le dos de saumon à la plancha, riz citronnelle et pignons torréfiés (33 euros). C'est la partie salée bienvenue.
Au Bistrot des Anges, le vacherin aux fruits. | Bistrot des Anges
Côté gâteries, le chariot des douceurs (11 euros pièce) et le rarissime vacherin aux fruits rouges (16 euros).
Depuis dix ans de créativité mesurée au piano, Bruno Oger s'attache à panacher ses racines bretonnes et des spécialités méditerranéennes. C'est ce qui fait son originalité. Complet tous les soirs.
Relais & Châteaux La Villa Archange
Route de l'Ouest 06110 Le Cannet. Tél.: 04 92 18 18 28. Au restaurant gastronomique double étoilé, menus Découverte au déjeuner à 72 euros, Archange à 165 euros, La Table des Anges à 230 euros et L'Inspiration de l'Archange à 350 euros. Carte de 190 à 220 euros. Ouvert au déjeuner le vendredi et samedi, au dîner du jeudi au samedi. Au Bistrot des Anges, menus à 29 (à midi), 34, 44 et 59 euros. Ouvert au déjeuner et au dîner du mercredi au samedi et le dimanche.
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Hôtel-restaurant Le Clair de la Plume à Grignan
À deux pas du château provençal où vécut jusqu'à sa mort Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (1626-1696), se dresse une demeure drômoise du XVIIIe siècle parfaitement entretenue dont la table à l'enseigne poétique a vu défiler six chefs –c'est beaucoup en quelques années.
Hôtel-restaurant Le Clair de la Plume. | Alain Maigre
Le propriétaire Jean-Luc Valadeau a fait un bon choix en engageant le chef avignonnais Julien Allano qui a fait ses humanités culinaires auprès du maître formateur Robert Bardot à Vaison-la-Romaine, puis est passé par le Palm Beach d'Ajaccio et La Mirande, grand hôtel étoilé d'Avignon (bonne adresse) pour reprendre en main la cuisine locavore de cette maison de charme et de bouche saluée par le Michelin: une première étoile en deux ans, il faut le faire!
Julien Allano. | Alain Maigre
Parmi les particularités intéressantes de ce chef créateur, il faut mentionner son attachement aux fournisseurs et producteurs des matières premières dont il vous communique la liste dès le début du repas quand il vient dialoguer avec vous: que mangerez-vous ce jour?
La véranda du restaurant Le Clair de La Plume. | Alain Maigre
Vif et souriant, Allano est un cuisinier chaleureux, curieux des mangeurs qu'il découvre un par un. Comme il n'y a pas de carte de plats, il vous annonce les préparations du jour en tenant compte de vos allergies, de vos rejets alimentaires (l'ail, les poivrons...).
Au restaurant Le Clair de La Plume, la dégustation d'huiles et d'olives de Nyons. | Alain Maigre
En vous faisant croquer les olives et déguster les huiles de Nyons (AOP), de simples merveilles de saveurs, il suggère quatre plats de saison: la tomate ancienne aux olives noires broyées rehaussée de chèvre frais et de basilic, une entrée fraîche, coulante et parfumée, puis un entremets potager selon la récolte de la semaine, le thon rouge entier de Méditerranée pêché par M. Quesnoy, le voile de fenouil et pois chiches, fraîcheur et iode de la ventrèche, puis le tartare et les pois chiches suivent le chausson fourré de sa grand-mère et la côte de cochon du Mont Ventoux fumée accompagnée de boudin noir à la framboise: une composition rustique et noble.
Au restaurant Le Clair de La Plume, la tomate aux olives broyées, chèvre frais et basilic. | Alain Maigre
Avant le dessert, une saisissante innovation: le Saint Marcellin glacé à croquer, un délice fromager.
On termine ce repas assez classique par le voluptueux buisson de mûres à la crème caprine (fromage) du talentueux pâtissier Cédric Perret.
Ce dîner très pensé, une promenade gourmande dans l'univers intime de ce chef très présent en salle, est ordonné comme une fervente célébration du pays de la marquise lettrée. Le personnel sert en gants blancs et la ronde des assiettes est menée avec une sorte d'élégance, de raffinement et de respect pour la partition très travaillée de ce chef étonnant, un chercheur de goûts et de partages. Attention à la lenteur du service.
Au restaurant Le Clair de La Plume, les framboises dans leur jus. | Alain Maigre
Truffes noires melano en saison, trois producteurs indiqués, et le lièvre à la royale (truffé) en prévision. À coup sûr cette table secrète, surprenante d'originalité, peut enchanter les palais connaisseurs. Menus Confiance en 4 chapitres à 115 euros et en 5 chapitres à 135 euros. Ouvert au déjeuner le samedi et dimanche et au dîner, du mercredi au dimanche.
2, place du Mail 26230 Grignan. Tél.: 04 75 91 81 30. 9 chambres et suites à partir de 99 euros. Petit déjeuner buffet à 23 euros. Livre d'Or signé de nombreuses personnalités ayant séjourné au Clair de la Plume. Deux piscines dont une biologique. Parking. À La Maison Privée, 6 chambres et suites de grand confort à partir de 169 euros.
Au Clair de La Plume, une chambre. | Alain Maigre
Bistro La Ferme Chapouton
À quelques centaines de mètres du restaurant étoilé, une annexe de cuisine drômoise bien troussée: aïoli provençal, œuf bio mollet, gambas en Bellevue, magret de canard Rossini... Menu à 27,50 ou 33,50 euros. Carte de 41 à 70 euros.
Au Bistro La Ferme Chapouton, l'aïoli. | Alain Maigre
200, route de Montélimar 26230 Grignan. Tél.: 04 75 00 01 01. 9 chambres à partir de 99 euros, salons, piscine chauffée.
La Mère Germaine à Châteauneuf-du-Pape
Sur les hauteurs du très célèbre village viticole connu dans le monde entier (les vins blancs et rouges des papes), Germaine Vion a été dans les années 1920 une cuisinière d'une étonnante renommée, comme la Mère Brazier à Lyon.
Terrasse du restaurant La Mère Germaine. | lameregermaine
Au cœur du village, son restaurant à terrasse a été le Lipp de la région. Des kyrielles de têtes connues, de célébrités de l'entre-deux-guerres et après ont festoyé dans cette auberge à la vue imprenable sur la campagne et sur les vignes aussi anciennes que la papauté.
C'était l'étape idéale vers la Côte d'Azur ou en remontant vers le nord. Les truffes, les plats canailles et les beaux flacons ont attiré la fine fleur du Tout-Paris: Mistinguett, Zizi Jeanmaire, Jean Gabin et même le général de Gaulle en route vers Toulon où Yvonne et Charles passaient la nuit après un dîner bien arrosé chez cette mère Germaine aux mains de magicienne des poêles et des cuissons.
Restaurant Bellevue, Chez La Mère Germaine. | lameregermaine
C'était après Baumanière aux Baux de Raymond Thuilier, chef trois étoiles en 1955, un lieu de régal des papilles et de bouteilles estampillées Châteauneuf-du-Pape (6% de vins blancs).
L'établissement à l'allure de bistrot chic a été réaménagé par Isabelle Strasser, une vigneronne suisse de l'appellation tombée amoureuse de l'adresse au passé singulier. Ainsi, la mère Germaine continue à vivre et à réjouir les visiteurs et visiteuses de Châteauneuf-du-Pape. Quelle litanie de propriétaires viticulteurs et de crus de haute réputation, Beaucastel, La Gardine, La Nerthe, la Maison Ogier, le Clos des Papes, Rayas, La Solitude, Thardieu-Laurent, Le Vieux Télégraphe: un rêve liquide pour tout œnophile.
Camille Lacome et Agathe Richou. | lameregermaine
Ce n'est plus une femme cordon-bleu qui manie les casseroles fumantes, mais Camille Lacome, un jeune chef brillant formé par Philippe Labbé, ancien chef étoilé de La Tour d'Argent, et par Christophe Roure, double étoilé au Neuvième Art de Lyon. La cuisine fine, il en connaît un rayon.
Au restaurant La Mère Germaine, les tomates de M. Cayron, eau de tomate gélifiée, crème glacée à la burrata. | lameregermaine
Sa carte est épatante par la variété des préparations très classiques, sans affèteries: les langoustines rôties, sauce aux fleurs, concombre antillais en marinade (25 euros), les tomates de M. Cayron, eau de tomate gélifiée, crème glacée à la burrata (23 euros), les courgettes en velouté glacé, citrons confits (au menu), la barbue confite, émulsion de coquillages, purée d'oignons blancs et compotée de rhubarbe (32 euros), la rascasse pochée, jus d'arêtes à l'anis étoilé, jeunes carottes poêlées aux algues (30 euros), l'effilochée de cabillaud, crème de pommes de terre à l'huile d'olive (au menu) et deux viandes AOP, la poitrine de cochon du Ventoux, jus au vinaigre de Banyuls, crémeux de coco, poivrons orange (33 euros) et l'épaule d'agneau de Sisteron laquée, aubergine du Japon à l'huile de curry, ail nouveau, très belle assiette succulente (25 euros).
Au restaurant La Mère Germaine, l'épaule d'agneau de Sisteron laquée, aubergine du Japon à l'huile de curry, pickles d'ail nouveau. | lameregermaine
Les douceurs sont signées Agathe Richou, pâtissière douée passée par Le Clarence à Paris, grande table deux étoiles de Christophe Pelé. Voici les profiteroles au chocolat Nyangbo (16 euros), l'abricot rôti au thym citron, crème de cardamome verte, sorbet aux amandes (16 euros), le nuage de pêche à la verveine, sabayon au fromage blanc et sorbet pêche (16 euros) et les quetsches rôties agrémentées d'un biscuit noisette, crème vanille et arlette (16 euros). Des desserts à la hauteur de la partition salée, un régal savoureux.
Au restaurant La Mère Germaine, les profiteroles au chocolat Nyangbo de la pâtissière Agathe Richou. | lameregermaine
Pour la table de la chère Germaine, voilà une véritable renaissance grâce à la patte, le sens des goûts et les présentations de ce très bon chef attentif aux produits de base respectés, travaillés dans la simplicité et le jeu des garnitures, sabayon au vinaigre, purée d'oignons, crème glacée, compotées, purées –un style déjà affirmé et qui plaît.
Au restaurant La Mère Germaine, la poitrine de cochon du Ventoux, jus de cochon au vinaigre de Banyuls, crémeux de coco de Mollans, poivrons orange. | lameregermaine
Oui, le Michelin devrait visiter au plus vite ce restaurant de qualité et l'étoiler pour l'édition 2021. Ce serait une bonne action pour son lectorat gourmet. Prix très raisonnables. Menus au déjeuner en semaine à 39 euros, Découverte à 59 euros, menu des Papes au dîner à 78 euros. Carte de 90 à 110 euros.
Au restaurant La Mère Germaine, les langoustines rôties, sauce aux fleurs, concombre antillais en marinade. | lameregermaine
3, rue du Commandant Lemaître 84230 Châteauneuf-du-Pape. Tél.: 04 90 22 78 34. Ouvert du mardi au dimanche midi. Sept chambres. Excellente sélection de vins de Châteauneuf, deux blancs du Domaine Marcon 2018 à 100 euros, Clos de Canon 2018 à 80 euros. Rouges: Domaine Ferrand à 95 euros, Clos du Mont-Olivet 2014 à 85 euros. Au verre, le Château Sixtine 2017 à 14 euros, Domaine Chante Cigale 2016 à 14 euros. Il faut goûter ces grands vins du village.