«Des journalistes jouant les balances? Du jamais vu», constate Libération (article payant) le 6 avril, analysant le débat autour du reportage «Pédophilie: les prédateurs», diffusé ce mardi soir sur France2. A l'origine de la polémique: les dénonciations des équipes des Infiltrés, de la société Capa, auraient entraîné plus de 22 arrestations de prétendus pédophiles. De quoi s'interroger sur le rôle que doivent jouer les journalistes vis-à-vis de la police.
Si le directeur de Capa, Hervé Chabalier, estime que la pédophilie est le «le seul cas pour lequel la protection des sources ne fonctionne pas», François Sergent juge de son côté que les journalistes ont toujours le choix lorsqu'il s'agit de dénoncer ou de protéger leurs sources. Directeur adjoint de la rédaction de Libération, il accuse les enquêteurs dans son billet «Choix», paru le 6 avril, d'avoir «contrevenu à deux règles fondamentales du journalisme»: «ne pas usurper une identité» et le «respect absolu des sources».
La polémique s'appuie d'ailleurs sur des bases législatives. Les Infiltrés se retranchent derrière les articles 434-3 et 434-1 du Code pénal qui punissent les personnes ayant eu connaissance de violences sur mineurs sans rien en dire et la non-dénonciation de crimes dont on sait qu'ils vont avoir lieu. Or, avocats spécialisés et journalistes opposés à ce type de méthode leur opposent, entres autres, la charte des devoirs des journalistes qui stipule qu'«un journaliste digne de ce nom ne confond pas son rôle avec celui d'un policier».
Dans une analyse parue sur Arrêt sur images le 3 avril, l'avocat Richard Malka balaye les arguments de Capa jugeant qu'«un journaliste n'est pas un juge ni un indic, il n'y a jamais d'obligation pour un journaliste d'aller dénoncer ses sources à la police».
Quelles limites pourrait-on établir à la protection des sources si l'on considère la pédophilie comme un cas à part? Sans papiers, trafiquants, terroristes, dealers... les journalistes pourraient passer leur temps à dénoncer selon ce qu'ils jugent «moral» ou non. Si la polémique est aujourd'hui si vive c'est que la question s'est déjà posée pour la diffusion du magazine Haute définition sur TF1, le 29 mars. Comme le rappelle Arrêt sur images, le reportage «Mes voisins sont des dealers» était une «immersion» dans une cité de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis). Or, coïncidence ou pas, la veille de la diffusion, une descente dans la cité avait permis une saisie impressionnante de 980.000 euros, entre 1,5 et 2 kg de cocaïne.
[Lire les articles de Libération, ici et là et l'article d'Arrêt sur images]
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Photo de une: Journalistes protégés par les forces de police/Gilles Klein via Flickr Licence CC by