À ce jour, les Américain·es mangent en moyenne près de 25 kilogrammes de poisson pané par an. Si ce produit est un succès aux États-Unis, son entrée sur le marché en 1953 ne présageait pas une telle réussite.
Historiquement, les Américain·es n'ont jamais été des adeptes des produits de la mer. Les premiers colons venus d'Europe fuyaient un continent où la consommation de poisson était réservée à la classe ouvrière. En mettant un pied dans le Nouveau Monde, ces futur·es Américain·es souhaitaient faire table rase du passé et ont donc tiré une croix sur leurs habitudes alimentaires.
À l'époque, la faible consommation de poisson ne dépendait pas seulement des goûts culinaires, mais également de la difficulté à conserver cet aliment lors des voyages reliant les côtes à l'arrière-pays. Dès le début du XXe siècle, des vendeurs et vendeuses de poisson commencent à congeler leur marchandise sous la forme de grosses briques, sans succès.
C'est la Seconde Guerre mondiale qui fait naître la demande outre-Atlantique. Les producteurs de viande envoient leur marchandise aux soldats et la population doit rationner sa consommation. Le poisson, ne figurant pas dans les rations puisqu'il ne résiste pas aux longs voyages, devient alors une protéine plus accessible dans le pays.
Après la guerre, des sociétés de pêche tentent de nouveau leur chance avec le poisson surgelé. Mais au lieu de commercialiser un poisson congelé en forme de brique, elles décident de le couper en bâtons, dans une forme similaire aux saucisses. Naît alors le poisson pané.
La bataille des protéines
En 1953, trois entreprises commencent à commercialiser le poisson pané. Parmi elles, Gorton's, société basée dans le Massachusetts, qui fait un carton. C'est Paul Jacobs, nouveau directeur de publicité, qui a pour mission de promouvoir les bâtonnets de poisson, un produit qui attire particulièrement les ménagères pour leur rapidité à être réchauffés.
Lorsqu'il s'adresse aux magasins d'alimentation, Jacobs raconte ce qu'il surnomme «La fabuleuse histoire du poisson pané». Il explique s'être engagé dans «la bataille des protéines», une lutte contre la suprématie du boeuf et du poulet. Jacobs affirme que son produit est «la plus grande contribution industrielle à la vie moderne», un aspect qui pousse la clientèle à goûter en masse ce plat futuriste. À la fin de l'année 1955, les ventes de Gorton's ont grimpé de 27%, et près de 30 millions de kilogrammes de poisson pané sont vendus par an.
Si la campagne marketing du poisson pané s'est soldée par un franc succès, d'autres facteurs expliquent la hausse de la consommation. En 1954, un an après l'introduction du produit sur le marché, est publiée la loi Saltonstall-Kennedy, qui donne des dizaines de millions de dollars à l'industrie piscicole américaine. De plus, le National School Lunch Act en 1946 permet l'ouverture de plus de cantines scolaires aux États-Unis. Le poisson pané touche alors un jeune marché prometteur, qui restera loyal à ce produit.