Lors d'un cours en ligne sur la communication managériale à l'université de Californie du Sud, le professeur Greg Patton a évoqué les «mots de remplissage», comme «euh» en français, qui sont utilisés quand une personne fait une pause dans un discours. Patton a expliqué qu'en chinois, le mot d'usage était «nei-ge», qui veut dire «comme». Or en répétant ces sons, le professeur a presque eu l'air de dire «nigga» (nègre en français), une insulte raciste qui a une résonance historique particulièrement violente aux États-Unis.
Quelques étudiant·es se sont plaints dans des évaluations le lendemain, et Patton s'est aussitôt excusé via mail puis sur Zoom, expliquant qu'il allait désormais remplacer l'exemple mandarin par un mot portugais. L'incident aurait pu en rester là, mais l'événement a été traité comme une crise grave. Dans une lettre, un groupe d'étudiant·es noir·es anonymes a écrit que «leur santé mentale avait été affectée» et qu'ils préféreraient «ne pas continuer ce cours plutôt qu'avoir à endurer l'épuisement émotionnel d'avoir un enseignant qui ignore la diversité et les sensibilités culturelles».
Dans un contexte de mobilisation citoyenne contre les violences policières et le racisme, il pourrait sembler étrange que le combat se concentre sur ce genre de microagression, mais c'est désormais souvent le cas, et Patton a vite été remplacé par un autre professeur. Il ne donnera plus ce cours. Le directeur de l'école de commerce de la fac, où enseignait Patton, a déclaré qu'il «était inacceptable pour un enseignant d'utiliser des mots qui peuvent marginaliser, blesser ou nuire au bien-être psychologique de nos étudiants.» Il s'est dit «attristé» par cet épisode qui a causé «tant d'angoisse et de traumatisme».
De leur côté, des étudiant·es chinois·es se sont dits choqué·es qu'un mot mandarin puisse ainsi être considéré comme raciste. Une pétition défendant la liberté d'expression et demandant que Patton puisse continuer à enseigner ce cours a récolté plus de vingt mille signatures. Une étudiante interviewée par la BBC a expliqué que c'était «une façon d'ignorer le fait que le chinois est une vraie langue avec ses propres prononciations qui n'ont rien à voir avec l'anglais.»
Quant au co-président de l'association des étudiant·es chinois·es, il a déclaré: «Affirmer les droits d'une minorité ne doit pas se faire au détriment des droits d'une autre minorité. Nous avons le droit de parler notre langue.»
L'affaire a même été discutée sur les réseaux sociaux en Chine, où des utilisateurs et utilisatrices ont dénoncé une forme de discrimination anti-chinoise.