Politique

Les enjeux des dernières législatives partielles du quinquennat Macron

Temps de lecture : 9 min

Conséquence de la loi sur le cumul des mandats, du résultat des municipales et de l'intérêt moindre pour le mandat de député, six législatives partielles se déroulent les 20 et 27 septembre.

L'Assemblée nationale applaudit la restauration de L'École d'Athènes, fresque de Raphaël, le 15 septembre 2020 au palais Bourbon. | Martin Bureau / AFP
L'Assemblée nationale applaudit la restauration de L'École d'Athènes, fresque de Raphaël, le 15 septembre 2020 au palais Bourbon. | Martin Bureau / AFP

Les candidat·es seront cinquante-huit en lice, le 20 septembre. Au mieux douze, une semaine après. Ce seront probablement les dernières élections législatives partielles du quinquennat d'Emmanuel Macron. Il y aura donc cinquante-huit personnes à se disputer six postes dont le mandat sera inférieur à deux années.

Ces partielles sont le résultat d'un jeu de chaises musicales qui a suivi les élections municipales perturbées par l'épidémie de Covid-19 en 2020. Au terme de ce scrutin, cinq parlementaires –quatre hommes et une femme– ont quitté l'hémicycle de l'Assemblée nationale, préférant le mandat de maire tout juste décroché ou retrouvé après un intermède au palais Bourbon.

La sixième députée concernée, Nadia Hai (La République en marche, LREM), a été appelée dans le gouvernement de Jean Castex après le départ d'Édouard Philippe de l'hôtel Matignon... et personne dans la majorité présidentielle ne souhaitait que son suppléant la remplace sur les bancs de l'Assemblée. Nous allons voir pourquoi un peu plus loin.

Quatre groupes parlementaires sont concernés

On aurait pu imaginer, en bonne logique, que nos cinq premiers parlementaires élus maire allaient eux-mêmes être remplacés par leur suppléant. Mais il se trouve que quatre d'entre eux –trois hommes et une femme– avaient également été élus maire puisqu'ils s'étaient présentés aux municipales. La cinquième suppléante concernée, elle, est entrée au gouvernement –il s'agit de Brigitte Klinkert– et par conséquent, elle n'avait plus personne pour la remplacer dans l'hémicycle. Elle a donc donné sa démission de son mandat de députée, comme ses quatre autres collègues suppléants et éphémères parlementaires.

La persistance de la crise sanitaire ne va pas inciter l'électorat à se ruer vers les urnes.

Quatre groupes parlementaires sont concernés par ces six partielles: Les Républicains (LR) pour deux d'entre elles, le Parti socialiste (PS) pour deux autres, la majorité présidentielle (LREM) pour une et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR, c'est-à-dire le PCF) pour une également. À noter que jusqu'au premier tour de ces partielles, le groupe communiste ne compte plus que quinze membres, soit le nombre minimum pour pouvoir en former un.

Les consultations électorales partielles, en règle générale, souffrent d'une forte abstention. Celles-ci ne dérogeront sûrement pas à la règle, d'autant qu'elles interviennent dans le derniers tiers du quinquennat –la présidentielle de 2022 se déroulera dans vingt mois– et que, de surcroît, la persistance de la crise sanitaire, voire son rebond dont nombre de spécialistes prédisaient l'absence, ne va pas inciter l'électorat à se ruer vers les urnes. À cet égard, les élections municipales ont montré ce qu'il en était, apportant un lot de résultats atypiques dont la légitimité démocratique ne doit cependant pas être remise en cause.

Le suppléant sulfureux n'était pas le bienvenu

Attaquée de toutes parts, la majorité présidentielle, qui traverse une passe difficile à l'Assemblée depuis plusieurs mois –LREM est passée de 310 membres en juin 2017 à 271 (dont apparenté·es) en septembre 2020 avec, en plus, la constitution d'un groupe dissident qui lui est hostile– verra ses résultats scrutés à la loupe. Ceci dit, elle n'a pas trop à perdre lors de ces partielles: elle n'est concernée que par un seul siège, celui qui était détenu par Nadia Hai dans la 11e circonscription des Yvelines. Cette députée a été nommée ministre déléguée à la Ville dans le gouvernement Castex, le 6 juillet. Elle a donné sa démission de son mandat, le jour même, pour éviter son remplacement par son suppléant, Moussa Ouarouss.

Il est vrai que l'homme a un profil un peu embarrassant... et sulfureux. Le parti présidentiel n'a du reste plus aucun lien avec lui, selon l'un de ses dirigeants. Moussa Ouarouss a été mis en examen, en août 2019, pour «importation, transport, détention et cession de produits stupéfiants en bande organisée» et «association de malfaiteurs», puis placé sous contrôle judiciaire. L'affaire avait été révélée par le journal L'Union de Reims, où l'intéressé est chef d'entreprise. Tout en admettant qu'il connaît une des personnes arrêtées en même temps que lui –elles sont toutes connues des services de police pour des trafics–, il clame qu'il est innocent. Malgré la présomption d'innocence, son arrivée à l'Assemblée n'aurait pas été du meilleur effet pour LREM.

L'enjeu pour LREM est de conserver le siège arraché en 2017, celui pour le PS est de le reprendre alors que LR vise une revanche.

Aux élections générales de 2017, Nadia Hai, cadre bancaire et nouvelle venue en politique, avait été élue au second tour avec 52,96% des suffrages face au représentant LR alors que la circonscription était détenue par Benoît Hamon. Le candidat du PS à la présidentielle, éliminé au premier tour, avait été devancé d'un demi-point par le candidat de droite. Pour cette partielle, douze prétendant·es sont en piste –contre treize en 2017.

La République en marche est représentée par son référent départemental, la gauche part divisée (la candidate hamoniste de Génération.s qui a le soutien du PS et des écologistes EELV a face à elle une candidate soutenue par le PCF et LFI et un candidat trotskiste de LO), la droite LR est concurrencée par DLF, l'UPR et le RN. Le tableau est complété par quatre candidats divers. L'enjeu pour LREM est de conserver le siège arraché en 2017, celui pour le PS est de le reprendre alors que LR vise une revanche.

Démissionnaire de droite entrée au gouvernement

Autre partielle liée à une entrée au gouvernement, celle de la 1ère circonscription du Haut-Rhin. Élu maire de Colmar, Éric Straumann (LR) a donné sa démission de son mandat de député le 28 juillet. Or, sa suppléante, Brigitte Klinkert (membre de LR jusqu'en 2019) a été nommée ministre déléguée chargée de l'Insertion trois semaines auparavant, le 6 juillet. Elle donne donc sa démission de l'Assemblée nationale dans la foulée d'Éric Straumann. Par voie de conséquence, le siège de la 1ère du Haut-Rhin devient vacant.

Ce sont huit hommes qui vont se disputer cette circonscription bien ancrée à droite que le candidat LR tentera de maintenir dans son camp face à la concurrence de Debout la France (DLF) et du Rassemblement national (RN). La gauche sera présente avec un candidat Europe Écologie-Les Verts (EELV), et l'extrême gauche avec un trotskiste LO. La nomination gouvernementale de Brigitte Klinkert aura-t-elle des conséquences sur la stabilité de l'électorat de droite et une influence sur le score du candidat de LREM? Le candidat mariniste d'extrême droite peut-il venir troubler le jeu? Il est possible que ces facteurs fassent bouger les lignes... à la marge!

Rassemblement de gauche derrière une écologiste

Toujours à droite, la 3e circonscription du Maine-et-Loire offre une partielle après les démissions successives du titulaire et de la suppléante pour cause de cumul des mandats. Les deux ayant préféré leur mandat local au mandat national, le siège se trouve ainsi vacant. Devenant maire de Beaufort-en-Anjou, Jean-Charles Taugourdeau (LR) a laissé sa place de député à sa suppléante, Elisabeth Marquet, qui elle-même a privilégié son mandat de maire de la commune de Jarzé Villages où elle avait été réélue.

La poussée municipale des écologistes et le rassemblement de la gauche sur son nom devrait permettre à la candidate EELV d'améliorer son score.

Comme en Alsace, cette circonscription penche à droite, même si en 2017 le parti présidentiel est venu titiller Les Républicains au second tour. Sans succès. Cette fois, sept personnes s'affrontent pour décrocher le poste. Bien placée, la candidate LR a toutefois sur son chemin un dissident LR qui a le soutien de DLF. Un candidat divers droite qui n'avait rien demandé a le soutien de LREM. Sur la droite extrême, il y a un candidat du RN et un candidat identitaire qui, les chiens ne faisant pas des chats, est le fils d'un ancien cadre du Front national qui fut mis sur la touche.

À gauche, le PS, le PCF, le PRG (Parti radical de gauche), Génération.s, Cap 21 et Génération écologie se sont rangés derrière une candidate d'Europe Écologie-Les Verts. En 2017, la même candidate qui se présentait sous les seules couleurs d'EELV avait obtenu 4,43% des suffrages exprimés. La poussée municipale des écologistes et le rassemblement de la gauche –hors France insoumise absente de la confrontation– sur son nom devraient logiquement lui permettre d'améliorer son score. Enfin, l'extrême gauche sera aussi de la partie avec une candidate de Lutte ouvrière qui avait réalisé 0,73% en 2017.

Jeu chamboulé en 2017 par le parti présidentiel

Si LR a deux sièges à défendre, le PS est dans la même situation. Il s'agit de sièges emblématiques car ce sont les seuls que les socialistes détiennent encore dans les deux départements concernés: la Seine-Maritime et le Val-de-Marne. À égalité avec le PS, en 2007, en Seine-Maritime, la droite (UMP) lui a cédé du terrain en 2012: le PS est devenu dominant avec huit des dix sièges du département. Dans le Val-de-Marne, en 2007, la configuration était encore plus favorable à l'UMP qui détenait huit des douze circonscriptions. En 2012, le rapport de force s'était inversé au profit de la gauche (PS, Radicaux de gauche, divers gauche et EELV): sept sièges contre quatre pour la droite.

Dans les deux cas, le scrutin de 2017 a chamboulé la donne. Le parti macroniste a raflé cinq des dix sièges de Seine-Maritime, n'en laissant qu'un au PS et un à LR. Éliminés totalement du département en 2012, les députés PCF sont réapparus au nombre de trois, ce qui constitue 20% des effectifs de leur groupe parlementaire. Même topo dans le Val-de-Marne où LREM s'est emparé de six des onze circonscriptions, les autres se partageant entre LR (deux), le Modem, le PS et LFI (chacun une). Mais dans les deux départements, le parti présidentiel n'a pas à défendre ses acquisitions à travers les partielles.

Bataille de survie pour le PS dans deux départements

En Seine-Maritime, qui fut le fief socialiste de Laurent Fabius, actuel président du Conseil constitutionnel, Christophe Bouillon avait sauvé un bastion PS dans la 5e circonscription, en 2017. Élu maire de Barentin en 2020, il s'était démis de son mandat de député et son suppléant, devenu premier magistrat de Rives-en-Seine, n'avait pas pris le chemin de l'Assemblée nationale. Le siège vacant est convoité par huit postulant·es. À gauche, le PS aura face à lui un candidat insoumis, un écologiste EELV et une candidate de LO. À droite, LR (présent au second tour en 2017) aura à affronter deux candidats d'extrême droite (RN et UPR). La huitième candidate est LREM, étiquette absente de la joute en 2017.

Le représentant de LREM a comme suppléante... la candidate LR de juin 2017.

Dans la 9e circonscription du Val-de-Marne, neuf candidat·es sont en lice après la démission de la suppléante de Luc Carvounas, ancien prétendant à la direction du PS (sa motion avait obtenu 6,38% des voix en 2017) qui, retrouvant son poste de maire d'Alfortville, a quitté l'Assemblée. Mais sa suppléante, élève de l'ENA (École nationale d'administration) et stagiaire à la préfecture de Charente-Maritime, se trouvait en situation d'incompatibilité avec un mandat de députée. C'est une adjointe alfortvillaise (PS) de Luc Carvounas qui brigue sa succession.

Cette dernière aura une forte concurrence à gauche et à l'extrême gauche (comme Luc Carvounas en 2017) avec une candidate communiste, un insoumis, deux écologistes (une candidate officiel EELV considérée comme parachutée par un dissident local EELV) et une candidate trotskiste de LO. À droite, LR aura sur son chemin le Rassemblement national qui avait fait jeu égal avec la droite (moins de 10% des voix) en 2017. À noter que le représentant de la majorité présidentielle (LREM) a comme suppléante... la candidate du parti Les Républicains de juin 2017.

Le PCF à la poursuite de sa seizième députée

La sixième législative partielle concerne l'île de La Réunion et le groupe communiste (GDR) de l'Assemblée qui, après la démission d'Huguette Bello et de son suppléant pour cause de cumul de mandats, compte quinze personnes, le seuil minimum. Ex-membre du PCR (Parti communiste réunionnais), Huguette Bello a passé vingt-trois ans sur les bancs du palais Bourbon. Élue maire de la commune de Saint-Paul, elle a tourné la page de l'Assemblée nationale et son suppléant, élu maire de la commune du Port, a préféré ne pas y entrer, laissant libre le siège de député de la 2e circonscription.

Cette partielle est celle qui réunit le plus grand nombre de candidat·es: quatorze dont la moitié se classe peu ou prou dans une droite assez largement minoritaire sur cette circonscription, ce qui pourrait, in fine, nuire au candidat officiel de LR. D'autant que la candidate de gauche a le soutien du PLR (Pour La Réunion, parti d'Huguette Bello), du PS, du PCR et de LFI. Elle a face à elle un candidat EELV et un autre qui se présente sans le soutien du PCR. Enfin, La République en marche et le Rassemblement national auront chacun une représentante. L'enjeu pour le groupe parlementaire communiste est évidemment de retrouver une seizième députée.

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