Société / Économie

Connaissez-vous vos droits en matière de télétravail?

Temps de lecture : 5 min

Les syndicats vont dresser un état des lieux de la situation et décider s'il faut ouvrir des négociations pour trouver un nouvel accord interprofessionnel.

Les organisations syndicales qui défendent les droits du salariat veulent négocier un nouvel accord interprofessionnel. | Mikey Harris via Unsplash
Les organisations syndicales qui défendent les droits du salariat veulent négocier un nouvel accord interprofessionnel. | Mikey Harris via Unsplash

Mis en place dans la précipitation avec le confinement et dans l'ignorance généralisée des règles applicables, notamment en matière de durée du travail, le télétravail doit maintenant se poursuivre dans le cadre de son régime juridique.

Cette manière d'exercer sa profession a ainsi été appelée à devenir une modalité généralisée de travail, notamment en période de crise sanitaire. Dans l'Union européenne, plus d'un tiers des personnes qui ont une activité actuellement ont commencé à télétravailler en raison de la pandémie, ce taux s'élevant à 37,2% en France.

Proportion de travailleurs ayant commencé le télétravail à la suite du Covid-19 par pays (%).
| Eurofond (avril 2020)

Le télétravail se situe dans le prolongement du travail à domicile, concernant des tâches de fabrication manuelle, notamment dans la confection de vêtements, et s'inspire sur plusieurs points de son régime juridique construit progressivement. Aujourd'hui, il concerne nombre de salarié·es aux différentes qualifications qui évoluent dans le domaine des médias et qui sont déjà l'habitude des technologies de l'information et de la communication.

Face à ces évolutions, les organisations syndicales (côté salariat et côté patronat) ont prévu une série de rencontres dont la prochaine doit se dérouler le 11 septembre. L'objectif est de dresser un état des lieux de la situation et de décider s'il faut ouvrir des négociations en vue de la conclusion d'un nouvel accord interprofessionnel, ce que souhaitent les syndicats. Le patronat estime de son côté que les règles déjà en place sont suffisantes.

C'est l'occasion de rappeler quelles sont les règles applicables, mises en place depuis le premier accord-cadre européen de 2002, décliné en droit interne avec l'Accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005, puis rendu obligatoire dans la plupart des entreprises avec l'arrêté d'extension du 30 mai 2006. Le code du travail a repris certaines de ces dispositions conventionnelles. Cependant, ces règles existent sur le papier mais ne sont forcément appliquées dans la réalité.

Temps de travail et charge de travail

Actuellement, de façon générale, l'employé·e qui travaille à domicile bénéficie des mêmes droits que le personnel qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise.

Il appartient à l'employeur de veiller au respect de la législation sur le temps de travail. Il doit notamment s'assurer de la fiabilité du système de décompte des heures supplémentaires, comme cela a été souligné par le juge de l'Union européenne dans l'arrêt du 14 mai 2019, exigeant l'enregistrement de la durée du travail quotidienne. La règle s'applique y compris quand les horaires ne sont plus soumis à ceux de la vie de bureau. Dans tous les cas, la ou le salarié doit bénéficier des durées maximales du travail, notamment de la durée maximale hebdomadaire absolue de quarante-huit heures, de la durée maximale hebdomadaire moyenne de quarante-quatre heures sur douze semaines consécutives (quarante-six heures en cas d'accord collectif dérogatoire) et de la durée maximale quotidienne de dix heures (douze heures en cas d'accord collectif dérogatoire).

Les repos minimums s'appliquent également, notamment le repos quotidien de onze heures entre deux journées de travail et du repos hebdomadaire de trente-cinq heures (aucune période d'astreinte ne peut être fixée pendant ces temps de repos minimum, les salarié·es bénéficient alors du «droit à la déconnexion» corrélat pour l'entreprise du «devoir de déconnexion»).

En 2019, la Cour de justice de l'Union européenne a exigé l'enregistrement de la durée quotidienne du travail. | John Thys/AFP

Il en est ainsi, y compris en période de pandémie, sauf circonstances exceptionnelles appréciées de façon restrictives, comme cela a été rappelé récemment par le juge de l'Union européenne dans l'arrêt du 30 avril 2020. Dans ce cadre, l'accord collectif applicable ou, à défaut, la charte élaborée par l'employeur, de mise en place du télétravail dans l'entreprise, doit préciser les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail. En matière de traitement de l'information, c'est une question délicate. La charge de travail, les normes de production et les critères de résultats que l'on exige des personnes en télétravail doivent être équivalents à ceux du personnel présent dans les locaux de l'entreprise. Des points de repère moyens sont communiqués aux personnes concernées en cas de travail à distance.

La charge de travail et les délais d'exécution, évalués suivant les mêmes méthodes que celles utilisées pour les travaux exécutés dans les locaux de l'entreprise sont conçus pour garantir aux employé·es qui télétravaillent de bénéficier de la législation relative à la durée du travail et tout spécialement la durée maximale du travail et les temps de repos.

Équipements de travail et indemnisation

L'employeur fournit, installe et entretient les équipements nécessaires au télétravail. Si, exceptionnellement, la ou le salarié qui travaille à la maison utilise son propre équipement, l'employeur en assure l'adaptation et l'entretien. Il fournit aussi un service approprié d'appui technique. Il assume la responsabilité des coûts liés à la perte ou à la détérioration des équipements et des données utilisées dans ce cadre de travail. Et doit prendre en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par cette activité (en particulier ceux liés aux communications, les frais d'électricité, d'ameublement, etc.).

Selon la jurisprudence (voir les deux arrêts du 7 avril 2010 et du 14 septembre 2016), l'employeur doit verser aux salarié·es «une indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles». En cas de contentieux, cette somme est soumise à la prescription quinquennale.

Santé et sécurité

L'employeur est responsable de la protection de la santé et de la sécurité du personnel qui exerce en distanciel conformément aux dispositions de la directive européenne n°89/391 et aux dispositions légales. Il doit aussi communiquer la politique de l'entreprise en matière de santé et de sécurité au travail, en particulier, des règles relatives à l'utilisation des écrans de visualisation. Il assure l'application effective des prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation.

L'employeur s'assure que des mesures sont prises pour prévenir l'isolement du personnel qui télétravaille par rapport à celui qui se trouve au sein de l'entreprise. Ceci inclut de donner la possibilité de rencontrer régulièrement ses collègues et d'avoir accès aux informations de l'entreprise. L'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle est présumé être un accident de travail. La loi prévoit aussi que soit requise une visite d'inspection (élu·es du personnel au Comité social et économique, inspection du Travail) à domicile (concernant l'ergonomie du poste de travail, les normes de sécurité des connexions électriques, etc.).

Liberté dans le travail?

Suivant les choix effectués dans l'entreprise, le télétravail peut constituer une opportunité pour reconnaître au salariat plus de liberté sur le contenu et l'organisation de son travail. Cependant, cette modalité particulière de travail peut entraîner, dans une organisation taylorienne, une aggravation de la charge de travail et du contrôle hiérarchique. Un des enjeux des futures négociations collectives sur le télétravail devrait concerner cette question essentielle de la liberté dans le travail.

Par ailleurs, l'employeur est tenu de respecter la vie privée du personnel qui travaille à distance. Dans ce cadre, l'accord collectif applicable ou, à défaut, la charte élaborée par l'employeur, doit préciser la détermination des plages horaires durant lesquelles il peut contacter les salarié·es.

Si un moyen de surveillance est mis en place, il doit être pertinent, proportionné à l'objectif poursuivi et transparent. Sa mise en place doit faire l'objet d'une information et d'une consultation préalable du comité social et économique.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.

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