Alors que Bruno Le Maire se donne deux ans pour redresser la France et que le masque fait son grand retour, la transition numérique de notre économie est en voie d'accélération. L'intelligence artificielle est une employée modèle. Elle se moque du statut salarial comme de son premier bug, ne cotise pas, ne défile pas, et ne prend pas de retraite. Elle obéit au doigt, à l'œil et à la voix de son maître, ignore les congés maladie et bosse même le dimanche. Elle est par nature immunisée quelle que soit la pandémie.
«Gérer l'après Covid-19 ou prendre le virage de l'industrie 4.0 passe par un changement de paradigme drastique dans la façon de travailler et de consommer, la digitalisation est plus que jamais au cœur des enjeux de l'industrie, estime dans une tribune du site Entreprendre Janick Villaneau, directeur industrie 4.0 chez Scalian. L'utilisation massive des outils numériques, la gestion numérique et le contrôle de la donnée associée sont aujourd'hui indispensables pour instaurer cette continuité numérique, et le seront davantage encore demain pour faire rayonner ce nouveau visage de l'industrie.»
Si l'Allemagne est à ce jour le pays le plus automatisé de l'Union européenne avec 338 robots pour 10.000 employé·es, devant la France qui en compte 154 pour le même ratio, nous pourrions assister d'ici à 2025 à une robot pride à résonance mondiale, du moins pour les entreprises qui en auront les moyens. Le néocapitalisme dans sa forme industrielle devrait se rapprocher de plus en plus du modèle asiatique: la Corée du Sud compte 774 robots industriels installés pour 10.000 salarié·es avec un record mondial pour Singapour: 831 robots pour le même nombre de personnes.
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Quid de la valeur du bien-être?
Les enseignes de la grande distribution sont au taquet. Monoprix emploie une série de robots dans le cadre d'un dispositif qui permettra bientôt de préparer 15.000 commandes par jour. «On pense qu'au-delà de ça, on va faire grossir les comportements et les achats de e-commerce, comme on peut le voir dans les pays asiatiques, comme en Corée, où il représente 20% du marché alimentaire total», estime Nathalie Mesny, directrice générale chez Monoprix online, pour LCI.
Si la robotisation demeure compliquée dans certains secteurs comme le tourisme, l'événementiel et la restauration, où l'on voit mal un androïde se pointer pour servir un pastis, l'intelligence artificielle devrait s'imposer, sous forme de logiciels au moins, partout où cela sera possible dans les cinq années qui viennent.
Les nouveaux comportements des salariées et consommateurs post-confinés changent la donne. «Le télétravail et les conférences en ligne ont fait un bond en avant, amplifiant la demande de logiciels de conférence en ligne tels que Microsoft Teams, Skype, Cisco's Webex et Zoom», indique un article d'ONU Info. Augmentation du télétravail donc, mais aussi de la télémédecine et de la consommation en ligne alors que les dernières soldes d'été ont été un échec commercial –pour 87% des commerces, le résultat est inférieur aux soldes de l'été précédent.
Le confinement nous a appris à différer nos pulsions d'achats pour prendre le temps de rechercher en ligne le produit qui nous convient le mieux, voire de le trouver sur un marché d'occasion ou carrément, de ne pas l'acheter. Tout se passe comme si les personnes post-confinées recherchaient aujourd'hui plus de souplesse, d'éthique et de précision dans leur mode de consommation. Idem côté culture avec l'augmentation, durant le confinement, du visionnage en ligne.
Si les investissements devaient se concentrer massivement sur la numérisation, plutôt que sur l'être humain, quid de la valeur du bien-être dans une société où celle d'un robot serait supérieure à celle d'une personne?
D'autant que si rien n'est fait pour démocratiser les logiciels et les robots, la fracture numérique pourrait s'accentuer cruellement entre les pays pauvres et les pays riches. «Les pays les moins avancés sont les plus vulnérables aux conséquences humaines et économiques de la pandémie, et ils sont également les plus en retard en matière de préparation au numérique, souligne l'article d'ONU Info. Dans les PMA, seule une personne sur cinq utilise l'internet et, dans la plupart des pays en développement, bien moins de 5% de la population achète actuellement des biens ou des services en ligne.»