Ce qu'il y a de sidérant et au fond de désespérant dans tout ce qui agite l'Amérique aujourd'hui, ce n'est pas tant Trump en lui-même, que l'enthousiasme ou l'adhésion qu'il continue à susciter. S'il n'y avait pas quelque chose de profondément malsain qui agitait l'âme de ce pays, le président en exercice, au regard de ses échecs à répétition sans parler de sa personnalité des plus troubles, devrait en toute logique se situer au tréfonds des intentions de vote.
Ou autrement dit, qu'un homme aussi peu capable intellectuellement, aussi menteur, aussi fanfaron –un condensé des pires turpitudes humaines– en soit à espérer une possible réélection trahit l'état d'esprit d'un pays tout aussi malade que son président. Il est inutile de recenser tous les manquements affichés par Trump; ils se comptent en millions: à lui seul il découragerait quiconque s'essayerait à trouver quoique ce soit de positif à l'humain considéré comme acteur de la vie terrestre.
Et pourtant, il plaît. Il séduit. Il convainc même. Au fond, Trump est un révélateur du degré de déliquescence de son pays. Comme autre fois l'Allemagne nazie, l'Amérique semble avoir perdu cette lucidité qui permet au peuple d'écarter de son chemin le charlatan qui se proposerait de l'emmener dans les fosses communes de l'histoire. Une clairvoyance remplacée par une sorte d'idolâtrie où l'on se choisit comme guide spirituel le premier des crétins.
L'obésité des Américains est tout aussi physique que mentale sauf que cette dernière étouffe de son néant l'idée même d'une pensée qui serait autre chose qu'une accumulation de mensonges, un amoncellement de bêtises qui laisse l'observateur désemparé devant un tel déluge d'inepties. On chercherait en vain auprès de ces électeurs une trace quelconque de fulgurance qui témoignerait d'une réelle activité cérébrale tout au moins si on lie la notion d'intelligence à celle d'accomplissement et d'effort vers la compréhension de soi-même et des autres, ce qui convenons-en, n'est pas donné à tout le monde.
Non, à la place, on trouve tout un ramassis de scories racistes, de délires conspirationnistes, d'extravagances mensongères, de bobards abracadabrentesques où l'on s'imagine un monde qui ne serait pas le monde tel qu'on le connaît mais un univers fantasmatique régi par des forces obscures. Et l'on prête à l'autre, au camp d'en face, des intentions si grotesques que de les répudier ne sert à rien si ce n'est à exciter encore un peu plus la haine de ces procureurs fantôches.
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C'est quasiment une partie impossible que Joe Biden doit livrer. S'attaquer à la bêtise érigée comme principe constitutionnel demande des forces surhumaines. C'est comme d'essayer de convaincre un individu qui aurait décidé une bonne fois pour toutes que deux plus deux font cinq. Ou que la Terre est plate. Ou que les chats sont des aliens qui œuvrent à la propagation du socialisme à travers le monde. Ou bien que les Juifs s'abreuvent du sang des enfants chrétiens. Face à l'énormité d'un raisonnement farci d'approximations et de mensonges, il n'est d'aucune utilité à débattre. Autant aller jouer au tennis avec belle-maman.
Ce que traverse l'Amérique, cette apoplexie du n'importe quoi, rappelle le nazisme non pas dans sa dimension raciale –quoique– mais plus par cette capacité à se saborder elle-même. Encore aujourd'hui, nous restons pantois de sidération face à la vitesse à laquelle la société allemande a pu à l'époque se désintégrer. Il en va de même pour l'Amérique.
La façon qu'a Trump de se féliciter de sa gestion de la pandémie possède cette dose de folie qui témoigne non seulement de sa totale inaptitude à gouverner mais ressemble à s'y méprendre à l'aveuglement d'Hitler vers la fin de la guerre quand à rebours de toutes les considérations militaro-stratégiques, il pensait la victoire encore possible.
Cette sorte d'auto-croyance qui à force d'être répétée et entretenue finit par posséder pour les plus naïfs d'entre-nous un accent de vérité. Tout fonctionne de la sorte chez Trump, une sorte d'incantation prophétique qui ne s'établirait sur rien de concret si ce n'est la répétition à l'infini de la même trompeuse assertion. Prétendre par exemple qu'on a été le meilleur des présidents pour la communauté afro-américaine repose précisément sur cette stratégie; une aberration, une de plus, par elle-même si dénuée de tout fondement qu'il devient presque impossible de la dénoncer.
Si je prétends que j'ai des cheveux magnifiques alors que je suis chauve, à force de l'affirmer, j'en viendrais à convaincre un grand nombre que je dis la vérité.
Voilà où nous en sommes rendus.
L'avènement de Trump a marqué le crépuscule de l'Amérique.
Sa réélection serait son enterrement.
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