Jerry Falwell Jr., le président de la Liberty University, l'une des plus grandes universités chrétiennes des États-Unis, a été contraint de démissionner le 25 août après qu'un ancien employé d'hôtel a révélé les relations particulières qu'il entretenait depuis des années avec lui et sa femme, Becki.
Giancarlo Granda, qui est devenu «ami» du couple lorsqu'il avait 20 ans et travaillait dans un établissement de Miami, a confié à Reuters: «Becki et moi avons développé une relation intime, et Jerry aimait nous regarder du coin de la chambre.» L'arrangement a duré six ans, durant lesquels le couple a plusieurs fois fait voyager Granda dans leur jet privé pour qu'il vienne les rejoindre dans des chambres d'hôtel.
Deux semaines plus tôt, Falwell, 58 ans, avait déjà été suspendu indéfiniment de son poste pour avoir posté sur Instagram une photo de lui aux bras d'une assistante de sa femme, la braguette ouverte et le ventre découvert, lors d'une fête sur le yacht familial.
Ces précisions pourraient sembler anecdotiques si Jerry Falwell Jr. n'était pas l'un des leaders évangéliques les plus influents des États-Unis, ainsi que le président d'une université où le «code d'honneur» interdit l'alcool, les relations sexuelles hors mariage, les relations homosexuelles, les mini-jupes et les «grossièretés», sous peine d'amende.
Son père, le pasteur Jerry Falwell, fondateur de la Liberty University, était une figure incontournable de la droite religieuse américaine, célèbre pour avoir dit que le sida était «une punition de Dieu contre une société qui tolère les homosexuels».
Intervention de Michael Cohen
Cela fait longtemps que des informations compromettantes circulaient au sujet de Falwell, mais le scandale Giancarlo Granda intéresse particulièrement la presse américaine car il est lié à la première campagne présidentielle de Donald Trump.
Il semblerait en effet que c'est en partie en raison de ce triangle sexuel que Falwell a apporté son soutien à Trump début 2016, alors que les évangéliques préféraient le sénateur texan Ted Cruz.
Les embrouilles de Falwell ressemblent d'ailleurs beaucoup à celles du président américain, entre transactions immobilières en Floride, photos gênantes, chantage et deals négociés avec l'ancien avocat de Trump, Michael Cohen, condamné fin 2018 à trois ans de prison.
En 2018, le site BuzzFeed a révélé que la famille Falwell avait racheté un petit hôtel gay-friendly de Miami Beach pour plus de 4 millions de dollars avec Granda, qui avait alors 22 ans et est devenu copropriétaire et manager de l'établissement.
Ce partenariat inhabituel pour un leader évangélique a vite dégénéré. Des associés de Granda se sont retrouvés en possession de photos embarrassantes de la femme de Jerry Falwell Jr. et ont tenté de les utiliser pour faire pression sur le couple.
C'est alors que Michael Cohen (qui a depuis renié le président) a été appelé pour faire disparaître les photos. Pour rappel, il avait effectué une opération similaire avec Stormy Daniels, l'ex-actrice porno payée pour ne pas révéler sa liaison avec Trump.
Peu après cette intervention, en janvier 2016, Jerry Falwell Jr. a été le premier leader évangélique à annoncer son soutien à Donald Trump, malgré l'absence d'intérêt du candidat pour les «valeurs familiales chrétiennes».
Il n'y a pas de preuve que Falwell a appuyé la candidature de Trump en échange de l'intervention de Cohen, mais l'avocat, au courant de nombreux secrets gênants sur la famille Falwell, avait les moyens de faire pression. Dans son discours de soutien, Jerry Falwell Jr. avait déclaré: «Je pense que Donald Trump vit une vie d'amour et d'aide à autrui, conformément à l'enseignement de Jésus.»
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Signes avant-coureurs
Le cas de Granda touche à la politique, mais Giancarlo n'est pas le premier jeune homme à avoir bénéficié de la générosité des Falwell. En 2011, leur coach privé, Benjamin Crosswhite, est devenu propriétaire d'un immense centre de gym appartenant à la Liberty University (estimé à plus de deux millions de dollars).
Cela fait plusieurs années que la presse LGBT+ s'intéresse à l'hypocrisie de Falwell, qui dirigeait une fac où sont organisés des groupes de prières «pour les hommes qui ont des problèmes d'attirance homosexuelle» mais qui alimentait son compte Instagram avec des photos «très gay».
Jerry Falwell Jr. avait en effet pour habitude de poster des images de lui torse nu avec d'autres hommes ou, à plusieurs reprises, en train de porter des jeunes hommes.
Ce style peu traditionnel (il parlait de sa vie sexuelle au travail et allait danser en boîte de nuit à Miami) avait jusqu'ici été pardonné par le conseil d'administration de la Liberty University, car en tant que président, Falwell a réussi à faire prospérer l'établissement sur le plan financier.
Depuis plusieurs mois, de nombreuses voix avaient toutefois commencé à s'élever contre lui. Sa gestion de la crise du coronavirus avait aussi été vivement critiquée lorsqu'en mars, en pleine explosion des cas de Covid-19, il avait refusé de fermer l'université et fait revenir sur place des élèves.
Jerry Falwell Jr. a indiqué à la presse qu'il devrait bénéficier d'une indemnité de 10 millions de dollars pour son départ. Curieusement, il a décrit la fin de son aventure à la Liberty University en reprenant les célèbres mots de Martin Luther King (mais avec «je» au lieu de «nous»): «Enfin libre! Enfin libre! Dieu Tout-Puissant merci, je suis enfin libre!»