Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d'autres, spécialistes du sujet, leur répondent.
La question du jour: «Y a-t-il quelqu'un dont l'ascendance a été enregistrée depuis des milliers d'années?»
La réponse de Pierre Cloarec, ancien professeur des écoles:
De façon peut-être contre-intuitive, et comme l'illustre avec élégance Jerome Cohen, il est plus facile de remonter la trace d'une personne sur des milliers d'années que sur quelques siècles.
Seulement, ce ne sont pas les mêmes traces que l'on pourra remonter.
Pour remonter de quelques siècles, il faudra vous rapporter à l'état civil. Vous savez, cette paperasse archivée d'abord par l'Église, puis par la mairie, sur parchemin ou papier, qui peut être détruite par un incendie, ou une inondation, ou une guerre, ou un mauvais officier d'état civil, ou être dévorée par les rats et les souris...
C'est pour cela qu'il devient rapidement difficile de remonter très loin dans le temps par le biais des documents d'état civil. Nombre d'entre eux sont irrémédiablement perdus et les témoins de l'époque sont morts, enterrés, déterrés et jetés à la fosse commune (ou dans les catacombes). Les témoignages écrits, quand il existent, sont peu nombreux.
Notre super-arrière-grand-papa
Mis à part le cas de quelques lignées aristocratiques, qui ont été très bien enregistrées depuis plusieurs siècles, nombre d'arbres généalogiques se révèlent incroyablement difficiles à reconstituer, faute d'archives et de documentation pertinentes.
Par exemple, l'arbre généalogique de la famille royale française est très bien établi depuis quelque chose comme douze siècles: on peut remonter, de branche en branche, de père en père, de cousin en cousin, de Louis de Bourbon (actuel prétendant légitimiste au trône de France) jusqu'à Hugues Capet (941–996).
À l'inverse, il est selon toute vraisemblance difficile de reconstituer l'histoire de ma famille au-delà du XIXe siècle: mis à part que c'étaient des paysans à la frontière du Trégor et du Léon, il n'est pas facile d'établir un arbre généalogique fiable parce que beaucoup de documents, quand ils existent, se sont perdus dans les méandres de l'histoire.
En revanche, pour remonter de quelques millénaires, on n'a plus tant besoin d'archives et de témoignages écrits que de génétique. Or, les traces génétiques se révèlent un poil moins difficiles à trouver que les traces écrites.
Il y a aussi une autre façon de voir les choses: plus on remonte dans le temps, et plus la probabilité qu'une personne prise au hasard dans la population de l'époque soit l'ancêtre d'une personne prise au hasard aujourd'hui augmente. Eh oui, à partir de quelqu'un qui a eu trois enfants survivants, qui se sont à leur tour reproduits, et ainsi de suite, on arrive vite à plusieurs centaines de descendants qui finissent par se reproduire entre cousins très éloignés (qui ne savent même pas qu'ils sont cousins).
Ajoutez à cela les migrations, et il est presque certain qu'un grand nombre d'Européens ont Gengis Khan, grand amateur de conquêtes aussi bien territoriales que féminines, parmi leurs ancêtres, même si on ne peut pas remonter les étapes une à une. C'est d'autant plus valable qu'à chaque fois qu'un très lointain descendant de Gengis Khan se reproduit avec quelqu'un qui ne descend pas de Gengis Khan, leur descendant devient ipso facto un descendant de Gengis Khan, même si le matériel génétique du super-arrière-grand-papa s'est perdu dans le brassage de génération en génération. Je vous accorde toutefois que c'est un poil tiré par les cheveux.