Le Chinois Zhang Yuhuan est sorti de prison après y avoir passé la moitié de sa vie pour un crime qu'il n'avait pas commis, rapporte Vice. L'homme avait été arrêté en 1993 puis jugé en 1995 pour le meurtre de deux petits garçons. Condamné à mort pour homicides volontaires, il avait vu sa peine commuée en réclusion à perpétuité en 1997.
La Cour populaire suprême de la province du Jiangxi, où se sont déroulés les faits, a rouvert le dossier de l'affaire en mars 2019, après que l'avocat de Zhang a affirmé que les preuves retrouvées sur les lieux du crime étaient insuffisantes pour aboutir à une condamnation.
Le procureur a également noté des incohérences entre les différents aveux formulés par le prévenu. Le 4 août, le tribunal a donc annoncé qu'il n'était «pas coupable» en raison d'un manque de preuves.
Aujourd'hui âgé de 53 ans, Zhang Yuhuan en avait 26 au moment de son incarcération; il était alors marié, père de deux enfants en bas âge. Son ex-femme s'est depuis remariée, et ses enfants sont désormais eux aussi en couple.
Bien que Zhang soit en droit de réclamer un dédommagement, il a déclaré que «l'indemnisation pourra difficilement compenser le préjudice causé par cette condamnation injustifiée à ma famille et moi-même».
Système judiciaire défaillant
Zhang Yuhuan n'est pas le seul à avoir été victime d'une condamnation arbitraire en Chine. Comme le dénonce Amnesty International, le système judiciaire chinois a recours à la torture pour obtenir des aveux et les procès sont réputés inéquitables. En 2013, le taux de condamnation dans le pays était d'ailleurs de 99,9%.
Ces dernières années, les cas médiatisés d'incarcérations et de condamnations à mort injustifiées ont contraint la Chine à mettre en place un certain nombre de réformes pour pallier ses manquements, parmi lesquelles la réduction du nombre de crimes passibles de la peine de mort et la fin de l'utilisation des taux de condamnation comme indicateur de la bonne application de la loi.
Xu Jianhua, chef du département de sociologie à l'université de Macao, souligne néanmoins la pression politique s'exerçant sur la police chinoise, qui est évaluée en fonction du taux d'affaires résolues.
La gestion de la criminalité est également un levier important pour maintenir l'autorité et la crédibilité du Parti communiste chinois.
Dans un article de recherche publié en 2018 et intitulé «La politique des condamnations injustifiées en Chine», les spécialistes de la justice pénale Lena Zhong et Mengliang Dai relèvent que les erreurs techniques contribuent certes aux condamnations abusives, mais que les facteurs politiques sous-jacents –comme le maintien de la stabilité sociale– jouent eux aussi un rôle important.
Selon Jiang Jue, chercheur en droit pénal à l'université chinoise de Hong Kong, le nœud du problème réside dans le «manque d'indépendance judiciaire» des tribunaux chinois.