Le lien entre pandémies et chauffage peut de prime abord sembler insignifiant, mais il a pourtant joué un rôle crucial à la fin des années 1910 dans la lutte contre la grippe espagnole. L'héritage de la conception des radiateurs est aujourd'hui une précieuse aide pour combattre les épidémies modernes comme le Covid-19.
Les vieux buildings des grandes villes des États-Unis sont truffés d'anciens radiateurs à vapeur installés dans le premier tiers du XXe siècle. Loin d'être un choix esthétique, ils avaient alors un rôle bien précis: chauffer suffisamment les appartements pour être en mesure d'aérer son logement même en hiver.
L'air vicié, ennemi public n°1
Si les autorités sanitaires américaines ont fait des radiateurs leur arme de prédilection contre la menace silencieuse que constituait alors l'air exhalé, considéré comme dangereux et vicié, c'est grâce à Lewis Leeds.
Fervent défenseur de cette théorie, l'expert en santé publique soutenait alors que l'air exhalé était la cause de 40% des décès à travers les États-Unis –d'où l'importance de pouvoir ouvrir ses fenêtres en toute saison. Son idée gagna en popularité et fut même reprise par plusieurs universitaires.
Une loi, le New York State Tenement House Act, vit le jour en 1901 pour rendre obligatoire la présence d'une fenêtre donnant sur l'extérieur dans chaque pièce des bâtiments de l'État de New York.
Quand en 1918 arriva la grippe espagnole, aérer les logements devint une nécessité pour éviter la contamination. Mais au cœur de l'hiver, il a fallu concevoir des radiateurs capable de chauffer toute une habitation malgré le froid glacial.
C'est durant cette période qu'ont émergé les fameux radiateurs à vapeur. Ceux-ci ont pour vocation de surchauffer une pièce, si bien que les habitant·es du logement bénéficiaient d'une température confortable même avec les fenêtres grandes ouvertes.
Adaptés, mais toujours là
Un article de Bloomberg relève que 75% des bâtiments existant aujourd'hui à Manhattan ont été construits entre 1900 et 1930: autant de logements et locaux chauffés à l'aide de radiateurs à vapeur. Ceux-ci ont traversé les âges, même s'ils ont dû s'adapter aux changements technologiques.
Les carburants utilisés pour les faire fonctionner ont évolué, passant du fioul au gaz naturel, et ont donné aux radiateurs un pouvoir chauffant plus intense qu'auparavant. Comme l'isolation des fenêtres a en parallèle été améliorée, les vieux dispositifs sont rapidement devenus trop puissants pour les logements.
Il a alors fallu les transformer, et un revêtement enduit sur leur surface ou, dans certains cas, une protection en laine a permis de réduire leur pouvoir calorifique.
Près de 80% des habitations de la ville de New York sont encore équipées de radiateurs à vapeur: cela pourrait s'avérer bien utile en cas de poussée de Covid-19 l'hiver prochain.