Boire & manger

Deux adresses haut de gamme à ne pas rater dans les Bouches-du-Rhône

Temps de lecture : 11 min

Direction les hôtels-restaurants Le Petit Nice à Marseille et Les Roches Blanches à Cassis.

Entre ciel et mer, Le Petit Nice propose des plats de poissons issus d'une pêche durable. | Gérald Passédat
Entre ciel et mer, Le Petit Nice propose des plats de poissons issus d'une pêche durable. | Gérald Passédat

La cuisine goûteuse et écoresponsable du Petit Nice

Au Petit Nice Relais & Châteaux de Marseille, la cuisine de poissons pêchés est à son sommet. Elle est plébiscitée par un public de bons gourmets qui font étape sur la terrasse panoramique. Jamais le beau restaurant sur la mer de la famille Passédat n'a mieux fonctionné: les complets s'enchaînent même au déjeuner à 130 euros (un bon prix).

En 2017, Le Petit Nice a eu 100 ans: trois générations de Passédat se sont succédé dans cette ancienne villa grecque. La Méditerranée y est à vos pieds –un décor magique et unique sur la Corniche circulaire.

La salle du restaurant. | Richard Haughton

Le petit-fils du créateur Germain Passédat (1926), l'héritier Gérald, est passé par de grandes maisons étoilées (Alain Chapel, les Troisgros…), il a eu très tôt le feu sacré bocusien. Il sera un bon cuisinier très classique: poularde de Bresse, ris de veau, lièvre à la royale, caneton en deux services.

Et, un beau jour, il change sa façon de cuisiner et décide de travailler les poissons et crustacés de la mer nourricière qui s'étend devant Le Petit Nice. Ce sera sa source d'inspiration culinaire, sa raison d'être, son identité profonde: une vie de pèlerin des cadeaux de la mer. Il a été un vrai pionnier dans ce registre de pure gastronomie.

Tout cela paraît être une évidence, et bien non. En 1980, la cuisine des poissons n'avait pas le vent en poupe. La France des restaurants cotés, classés et étoilés célèbre alors les viandes de boucherie même au pays de Marcel Pagnol: le steak frites, le gigot d'agneau aux flageolets, le canard à l'orange, l'escalope ou la blanquette de veau figurent au répertoire des tables en vue.

Chez Troisgros à Roanne, toutes et tous les mangeurs avertis veulent le filet de charolais à la moelle. Et chez Paul Bocuse, idem pour la poularde en vessie de la Mère Fillioux. Chez la Mère Blanc, à Vonnas (Ain), le saucisson de Lyon, le poulet fermier à la crème et le gratin dauphinois sont des spécialités incontournables.

Pour Gérald Passédat, le marseillais du Petit Nice, la Méditerranée va devenir son potager marin qui s'étend devant ses yeux dès le lever du jour.

De plus le petit-fils de Lucie Passédat, cuisinière cordon-bleu, est un bon nageur, un plongeur et un pêcheur habile à détecter les bancs de poissons repérés par ses amis professionnels de la capture raisonnée. Ce sont eux: Christian, Dominique, Jean-Claude, Philippe et Kim qui vont lui livrer au petit matin ou à la tombée de la nuit la récolte des mostelles, des rougets, des pélamides, des mérous, des sarrans, des sérioles, des loups qu'il va cuire à la seconde près, escortés de légumes de saison et mouillés de jus parfumés. La relève Passédat est un as des liquides, des bouillons, des consommés, du lait de chou-fleur (une merveille façon Robuchon).

Les poissons au Petit Nice. | Gérald Passédat

Au contact des trésors des fonds marins, des paliers de poissons, ce chef à la main habile va élaborer des menus et des cartes d'une totale originalité, d'une créativité jamais vue dans la restauration française. Et cela, sans acrobaties culinaires ni obsession du cru, mais avec la vérité exacte des plats comme disait Alain Chapel, son maître de Mionnay (Ain).

Le sarran, sucs de viande, de criste marine et de légumes de saison. | Gérald Passédat

«En fait, on prend ce que la Méditerranée nous donne selon les cycles lunaires», explique-t-il de sa voix posée. Ce chef respectueux du milieu naturel sait d'où proviennent les poissons et crustacés dans l'horizon liquide, où se trouvent les bancs de sérioles, de vives, de galinettes, de loups, de maigres, d'oursins (l'hiver) présentés en caravane sur l'assiette: admirable vocable inventé par le fils de Jean-Paul Passédat, qui fut étoilé, toujours présent dans le grand restaurant.

Les poissons en caravane. | Richard Haughton

Ainsi cette démarche raisonnée, axée sur les cadeaux de la Méditerranée et rarement d'ailleurs, va déclencher l'apport de soixante-dix espèces de poissons préparés sous toutes leurs facettes. Crus, cuits, marinés, séchés et maturés grâce à une palette de techniques des plus ancestrales aux plus contemporaines: la pélamide en tranches, le rouget de roche en deux services, le filet dans un consommé d'anis étoilé, le tartare accompagné d'une pulpe de tomate à la marjolaine –sublime création.

Aucun cuisinier en Europe ne mitonne autant de poissons –pas plus de six ou sept variétés dans les bons restaurants (bar, turbot, langoustine, Saint-Pierre, lotte, merlan, homard). C'est tout, c'est peu.

«Je suis un cuisinier territorialiste. Mon travail est à la fois une plongée et une promenade. Tout doit couler de source: le goût marqué de l'iode, les saveurs végétales intenses. C'est une cuisine sans compromis, pleine d'instinct et de subtilités, une cuisine de peu et de l'essentiel. Et pour la santé, de bienfaits pour le corps», raconte ce passioné en goûtant un abricot Bergeron du dessert très innovant.

Portrait de Gérald Passédat. | Gérald Passédat

Le grand cuisinier Passédat, la soixantaine juvénile, fils de la Méditerranée, ne dit jamais de mal de la grande bleue. Il sait bien qu'ici et là des personnes malfaisantes la polluent en jetant des carcasses de voitures et des déchets en plastique –une honte absolue!

Il sait aussi fort bien qu'en Méditerranée plus de la moitié des stocks de poissons sont pêchés de façon non durable. Gérald Passédat hait la pêche industrielle électrique qui ravage les coraux et les fonds marins et se refuse à servir du thon, la matière première des sushis et sashimis au Japon et ailleurs. La déferlante des restaurants nippons sur le globe (600 à Paris) a compromis la pêche de ce poisson, prohibée dans les années 2000.

Mille tonnes de thon en douze heures de surpêche... Gérald Passédat cite la firme Mitsubishi qui rafle partout sur le globe ces poissons en vente aux criées: c'est une véritable banque de thons surgelés vendus aux industriels des sushis et qui monopolisent leurs ventes, pas seulement au Japon.

L'anémone. | Gérald Passédat

La consommation de poissons pêchés avec soin va devenir un luxe. C'est pourquoi Passédat, le plus grand cuisinier de la mer dans le midi de la France, soutient, encourage et rétribue bien l'équipe de pêcheurs cueilleurs à la palangre, à la ligne qui livrent leurs belles prises au Petit Nice et à d'autres restaurants de Marseille. Un métier dangereux, pénible, soumis à des risques, mais qui tente de jeunes personnes amoureuses de la mer et heureuses d'en extraire dans la nuit noire des poissons frétillants à la peau nacrée qui vont nourrir les frères humains.

La pastèque ratafia. | Richard Haughton

C'est ce Passédat écoresponsable qui, depuis les fantastiques conséquences de la troisième étoile en 2008 du Petit Nice, a sorti la restauration marseillaise d'une médiocrité, d'une somnolence grave pour la deuxième ville de l'Hexagone.

En 1980, il a fallu rédiger une charte de la bouillabaisse et des poissons requis: pas de colin d'Alaska ni de surgelés. C'était du n'importe quoi, scandaleux.

Le chef du Petit Nice depuis deux décennies a montré la voie et la nécessité d'une approche, d'une culture des poissons et crustacés pêchés sur place et non livrés de Rungis où les toutes petites langoustines peuvent venir de Thaïlande et peut-être des côtes françaises.

Il est indispensable que soit mentionnée sur la carte du restaurant la provenance des poissons, de pêche ou d'élevage, c'est la défense de celui ou celle qui consomme: le gouvernement français doit s'en préoccuper sans tarder. Nombre de grands hommes et femmes cheffes refusent les poissons d'élevage néfastes pour la santé et le goût.

Le vitrail Saint-Victor. | Richard Haughton

Triple étoilé Michelin, Passédat a été écouté, suivi et copié, insistant sur la digestibilité des préparations poissonnières et les ressources du territoire marin. De plus, le chef-patron du Petit Nice forme ses cuisiniers, décrit les saveurs d'un chapon, des coquillages, de la mostelle.

Il a montré à travers le défilé de ses assiettes le goût vrai du loup pêché, du mérou et de la magnifique Bouille Abaisse en trois services. Il a dessiné une continuité culinaire à son œuvre de génial praticien –son chef actuel, Julien Pichet, est son premier disciple.

Une telle déclinaison de plats, à la fois simples et complexes, exige une brigade haut de gamme, experte en produits marins: quinze cuisiniers au bas mot.

Spécialités actuelles du Petit Nice

• La dentelle de poulpe Julie j'adore, au pecorino et romarin

La dentelle de poulpe. | Gérald Passédat

• Le carpaccio de coquillages, à l'iode

• L'oursin en transparence iodée, pêche de Kim

• Le loup de palangre aux truffes de Lucie Passédat, pêche de Dominique

• La Bouille Abaisse en trois paliers, pêche de Jean-Claude et Philippe

La Bouille Abaisse. | Richard Haughton

• Le reflet de pêche de la Tante Nia, jus de braisage

• La pélamide en tranche, eau de tomate, pétales et sucs d'araignée de mer

• Le rouget de roche en deux services, le filet et le tartare

• Le jardin marin, le chapon, la vive et la galinette en consommé aux herbes

• Le disque de citron et menthe et le sorbet basilic, coriandre

• Le nougat évanescent en raviole au praliné d'amande et miel

Il reste que la Bouille Abaisse de poissons du jour est le chef-d'œuvre de Passédat et de sa brigade: tout un repas aux multiples textures et parfums qu'il faut avoir savouré au moins une fois dans sa vie. Des vins blancs de Provence (Domaine Milan) sont d'ailleurs choisis par le maître sommelier Stéphan Mesnier.

Menu généreux au déjeuner entre 130 euros (cinq assiettes), 240 et 390 euros. Menu Bouille Abaisse à 270 euros.

Anse de Maldormé, fléché sur la Corniche Kennedy - 13007 Marseille. Tél.: 04 91 59 25 92. Fermé dimanche et lundi.

Seize chambres à partir de 250 euros, petit déjeuner à 37 euros, terrasse sur la mer, piscine, parking gardé.

Le Môle Passédat au Mucem

Sur le toit superbe du Mucem, musée de la culture méditerranéenne, le valeureux chef dévoué à sa ville a installé un bistrot de spécialités locales: pêche du moment à l'antiboise, légumes et fruits de saison. Simple et bon. En plus de la vue panoramique sur la Méditerranée et le ballet des pointus et des yachts. Une escapade gourmande et culturelle à ne pas manquer.

Menus au déjeuner à 42 euros ou en trois services à 55 euros, au dîner à 75 euros.

Esplanade J4 du Mucem, par l'ascenseur - 13002 Marseille. Tél.: 04 91 19 17 80. Fermé mardi et dimanche soir.

Restaurant Chez Michel

Depuis 1946, située face à la plage, la brasserie des Catalans est une institution marine. Véritable temple de la bouillabaisse dans sa vérité poissonnière, un plat mémorable dégusté par les meilleurs palais depuis des lustres.

Carte de 90 à 110 euros.

6, rue des Catalans - 13007 Marseille. Tél.: 04 91 52 30 63. Pas de fermeture.

Détente et plats d'exception aux Roches Blanches

C'était dans les années 1930. Une belle villa isolée sur la colline entre le village de Cassis et les calanques: face à vous, la vue imprenable sur la Méditerranée et la falaise du Cap Canaille. Un emplacement unique d'une somptueuse beauté, la grande bleue à vos pieds. Édith Piaf et l'épicurien Winston Churchill étaient venus en villégiature dans ce joyau de pierres blanches sur la French Riviera en pleine renaissance.

Les Roches Blanches. | Didier Delmas

En 2015 s'est élevé un hôtel cinq étoiles sur ce site d'exception. Le somptueux paysage maritime a été préservé et mis en valeur par l'habile décoratrice Monica Kappel, épouse du propriétaire.

On voit la Méditerranée de partout: des jardins, des deux piscines, des trois restaurants et des chambres modernes. Tout cela fait le prix (pas donné) et l'attractivité des Roches Blanches, souvent complet l'été. La clientèle française a en effet adopté ce lieu de vie et de sérénité.

Une chambre avec vue. | Didier Delmas

On peut y passer des vacances de rêve pour le culte du soleil et le ressourcement de soi: repos, massages et douceur de vivre. Les excursions en mer dans les calanques sont conseillées, tout comme les balades dans les collines et les joies de la table dont le répertoire est concocté par le chef Florian Cano –cinq ans second de Sylvestre Wahid à l'Oustau de Baumanière alors double étoilé.

Le chef Florian Cano. | Didier Delmas

À la carte du restaurant Les Belles Canailles, avec vue plongeante sur la mer d'huile, ce chef doué travaille des poissons sauvages livrés par un mandataire de pêcheurs locaux: loup grillé ou en croûte de sel, daurade, sole, Saint-Pierre et rougets de roche, vendus selon le poids.

Le rouget de Méditerranée juste saisi et ses pommes fondantes, aïoli et jus de roche. | Didier Delmas

Ainsi dans les propositions de l'été, on trouve le très léger ceviche de loup, marinade aux agrumes, condiment anisé et poutargue (22 euros), le maki de tourteau à la vinaigrette relevée, eau de concombre et tartare de tomates (29 euros), la focaccia d'été aux artichauts violets, truffe de saison (24 euros) et l'œuf confit à l'huile d'olive, velouté Dubarry glacé, pickles, vinaigrette amande-pistache (19 euros).

La palette de légumes du pays. | Didier Delmas

Comme plats de poisson on peut déguster: les filets de rouget de Méditerranée simplement saisis, nage au bouillon de roches, fenouil, pommes fondantes et aïoli safrané (32 euros), le généreux cœur de thon rouge grillé, condiment anchois-poivrons (34 euros), le homard bleu rôti au beurre, pêches confites, crémeux épicé de patates douces et jus de têtes infusé à la verveine façon sucré salé (59 euros). Tout cela découpé en salle.

Côté viandes, en provenance d'un bon boucher de Marseille: l'agneau bio des Alpilles au thym, jeux d'aubergine, ail et coriandre (34 euros), les suprêmes de canette des Dombes, carottes des sables, abricots et amandes fraîches (34 euros) et des garnitures bien en situation. Hélas, quarante minutes d'attente pour le second plat au déjeuner en semaine.

On verra à l'automne les préparations de saison, comme les gibiers, truffes blanches et noires, noix de Saint-Jacques. On pourra également constater avec plaisir l'évolution et la progression de ce chef impliqué dans la cuisine des collines et du soleil chers à Marcel Pagnol –qui était un très bon gourmet.

En notes finales sucrées, les desserts du pâtissier Julien: l'abricotier, baba au rhum arrangé, abricot frais et glacé (16 euros), la mousse légère et sorbet au chocolat Manjari, fruit de la passion et grué cacao (18 euros), les fruits rouges sur un nuage de lait vanillé et glace au lait (16 euros), glaces et sorbets de saison faits maison (5 euros la boule).

La salle du restaurant. | Les Roches Blanches

Pas de menu, carte de 90 à 120 euros.

Côté vins, belle carte de Bordeaux Château Lynch-Bages de 1999 à 390 euros, agréable rosé du Lubéron (45 euros).

Aux Petites Canailles, cuisine locale: salade niçoise au thon (16 euros), tartare de poissons du jour (19 euros), spaghetti au pesto de basilic (21 euros), pan bagnat au thon (21 euros).

Le restaurant le Loup Bar. | Didier Delmas

Au Loup Bar, sur le bassin de nage de la mer, il est possible de déguster un roll au homard en mayonnaise relevée, étonnante création goûteuse (28 euros), le tartare de daurade (24 euros), des mezzes (12 euros) et la tarte tropézienne (12 euros).

Au Loup Bar, mezzes au choix, poivrons marinés, salade d'aubergines fumées, herbes fraîches, taboulé de quinoa et avocat grillé. | Les Roches Blanches

Situation rêvée sur la mer, brasse et crawl entre deux plats: une adresse qui vaut le voyage.

9, avenue des Calanques - 13260 Cassis. Tél.: 04 42 01 09 30. Chambres à partir de 390 euros, petit déjeuner à 30 euros, parking gardé.

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