«Je pense que je vais vous surprendre. Mais la mort de ces personnes donne encore plus de courage à ceux qui restent pour prendre la Méditerranée. On considère ces personnes comme de vaillants guerriers, qui ont tout fait pour réussir.» Heureusement qu'il a prévenu. Les mots de Fred* sont durs et dérangeants à la fois. «On n'a pas peur de mourir, nous, les Subsahariens, la mort fait partie de nos vies. Soit on meurt, soit on réussit.» La dernière phrase de ce responsable associatif sonne comme une épitaphe. Fred attend la bonne occasion pour tenter de rejoindre l'Italie. À l'instar de beaucoup de migrant·es, il considère la Tunisie comme un pays de transit, une étape avant l'Europe. Il vit à Sfax, ville côtière à 270 kilomètres au sud de Tunis. Avec sa chaîne dorée et ses trois portables, il a l'air d'un mafieux napolitain. Et c'est vrai qu'il gère des affaires. Mais sur ses téléphones, il ne reçoit que des appels à l'aide. En cas de problème avec la police, pour régler un conflit entre deux migrant·es, c'est lui qu'on contacte.
Nous le rencontrons la première fois dans un maquis [nom donné à un type de resto-bar en Afrique francophone, souvent improvisé et discret, ndlr]. Invisible de l'extérieur, l'établissement a été installé, sans autorisation, dans une simple maison d'un quartier populaire. La porte d'entrée s'ouvre sur un salon immense, où un petit ventilateur peine à rafraîchir la pièce. La clientèle est éparpillée sur les canapés, disposés le long de chaque mur. Le vrombissement de l'appareil ajoute une nouvelle ligne instrumentale aux musiques ivoiriennes qui passent en boucle. On vient ici boire une sucrerie [un soda, ndlr], des bières ou des shots de Koutoukou [spiritueux issu de la distillation du vin de palme, ndlr], mais aussi manger des plats typiquement ivoiriens. À cause du coronavirus et de la fermeture des frontières, les ingrédients importés du pays se sont raréfiés. Semoule de manioc et banane plantain sont introuvables. Fred s'est rabattu sur une dorade, accompagnée de riz et de légumes.
À LIRE AUSSI Immersion dans un maquis en Tunisie
Dans ce lieu de rencontres, où l'on discute, où l'on partage un moment entre ami·es, les conversations sont plus tristes que d'habitude. «La communauté est endeuillée», soixante cadavres ont été repêchés début juin après le naufrage d'un bateau qui faisait route vers l'Italie, selon le bilan communiqué par le porte-parole du tribunal de Sfax. Toutes les victimes sont noires et originaires d'Afrique subsaharienne, sauf le capitaine qui est tunisien. La traversée de la Méditerranée est dangereuse, les passagèr·es le savaient. Comment ces personnes ont-elles pu risquer leur vie sciemment? Ce geste est-il si insensé? Depuis le maquis de Sfax, Fred veut adresser un message au reste du monde: «Personne ne souhaite la mort. Si aujourd'hui, les Subsahariens essaient d'atteindre l'Eldorado, c'est tout simplement à cause des conditions de vie ici, en Tunisie.»
Sfax, capitale des traversées
La ville portuaire accueille une importante population venue d'Afrique subsaharienne. Un groupe récent, mais bien organisé et soudé. Au fil du temps, une société civile s'est constituée dans ses rangs. Des militant·es qui font état, à partir du milieu des années 2010, d'une intensification des flux migratoires en provenance d'Afrique de l'Ouest et surtout de Côte d'Ivoire.
Des Ivoirien·nes en majorité, car la traite des êtres humains est particulièrement développée entre Abidjan et Tunis. À Sfax, beaucoup de ces hommes et de ces femmes qui travaillent dans les ateliers, les exploitations agricoles ou comme employé·es de maison sont venu·es via ces filières.
La deuxième ville de Tunisie, centre économique de premier plan, est aussi la capitale des départs clandestins vers l'Europe. Au premier semestre 2020, elle concentrait plus de 38% des traversées déjouées par les forces de sécurité, selon les chiffres du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). Sfax conserve sa première place, «notamment pour les Africains subsahariens», précise Romdhane Ben Amor, le chargé de communication de l'organisation. Pourquoi Sfax? Parce qu'il y a un réseau de passeurs très actifs. On peut même parler d'une économie liée à la migration non réglementée. Il y a les fabricants de bateaux, les intermédiaires. C'est tout un écosystème qui associe des Subsahriens et des Tunisiens.»
«On peut parler d'une économie liée à la migration non réglementée. Il y a les fabricants de bateaux, les intermédiaires. C'est un écosystème.»
Fred connaît bien ce petit monde que tous côtoient ici. Chacun a son rôle, chacun a son nom en nouchi, un argot ivoirien qui permet de crypter les conversations dans la rue ou au téléphone. Le recruteur est un migrant et il s'occupe de trouver des passagèr·es pour remplir le bateau. Son bras droit est le trésorier, c'est lui qui récupère l'argent, dont une part importante revient à l'armateur tunisien. Avant le départ, on réunit les candidat·es dans «un bunker» où elles et ils seront logés jusqu'au jour J. Une semaine, deux semaines, trois semaines. L'attente est variable. L'embarquement se fait en général sur les plages de Sidi Mansour, au nord de la ville, en pleine nuit.
«Quand tu m'entends parler comme ça, tu peux penser que je suis un passeur», plaisante Fred, qui vient de décortiquer en quelques minutes l'ensemble du trafic. Il arrive que l'organisateur tunisien fasse fabriquer une embarcation, spécialement pour l'occasion. Mais parfois, c'est un vieux modèle, comme en juin. Un ancien bateau de pêche, avec sa coque en bois, a été utilisé. Il n'était pas très grand, pas assez en tout cas pour transporter en toute sécurité une soixantaine de personnes, selon le porte-parole du tribunal de Sfax.
Canettes de bière vides sur la table basse d'un maquis de Sfax. | Matthias Raynal, le 17 février 2020, Sfax
Quand la traversée tourne mal, tout Sfax est rapidement au courant. Sauvetages en mer, interceptions ou accidents sont annoncés sur des pages Facebook très suivies par les Africain·es subsaharien·nes. C'est là que sont apparues, il y a quelques jours, les photos présumées de certain·es naufragé·es. Leur identification s'est faite grâce au bouche-à-oreille. Un processus de vérification bien moins sûr et contraignant que celui mis en place par les autorités tunisiennes. Alors que l'examen minutieux des corps et les prélèvements ADN n'ont pas encore donné de résultat, Adama* prend les photos d'internet pour argent comptant. Cet ivoirien d'une trentaine d'années a reconnu certaines personnes. Depuis le début de l'après-midi, il descend bière après bière, dans un bar clandestin de poche du nord de Sfax. Une simple chambre de 4 mètres sur 2, où il fait une chaleur à crever. Son visage se tord quand on évoque la tragédie du mois de juin. «Chacun de nous connaissait les enfants qui sont tombés. Il y en a plus d'une vingtaine avec qui on s'asseyait, on buvait des coups, on mangeait, on partageait tout.» Adama parle et sa jambe bouge frénétiquement. Il insiste, lui est en Tunisie pour étudier le droit, pas pour «le voyage». Quelque chose cloche dans son récit. Il manque de détails. Qu'importe, on ne saura jamais s'il dit vrai. En tout cas, Adama «aime la France». Il évoque le pays et son regard s'éclaire, son discours est plein d'emphase: «Notre place n'est pas dans la Méditerranée! Notre place est dans les rues de Paris. Notre place est sur les Champs-Élysées.»
Les personnes embarquées sur «ce convoi» ont convergé de plusieurs villes de Tunisie, mais c'est Sfax qui a payé le plus lourd tribut. Mamadou* est moins démonstratif que son ami Adama. Il est tout autant bouleversé. «Avec ce naufrage j'ai mal et j'ai peur aussi, je ne veux pas risquer ma vie pour le moment», mais l'envie de traverser peut revenir, confie-t-il. C'est le deuxième naufrage d'ampleur qu'il vit. Il y a deux ans, presque jour pour jour, en juin 2018, un bateau avait sombré, faisant aux moins une cinquantaine de morts et des dizaines de personnes disparues. Mamadou avait des «amis dedans». Pour les plus ancien·nes à Sfax, la plaie, qui n'avait jamais tout à fait cicatrisé, s'est rouverte, en grand.
Odeur de mort
Jérémie* est de ceux-là. Il est arrivé de Côte d'Ivoire en 2016. Ce défenseur des droits des travailleurs et travailleuses migrantes est très affecté par le drame. Il a du chagrin, mais ressent aussi beaucoup de colère. Dans les maquis, on raconte que le bateau a failli être secouru: peu de temps après son départ, l'embarcation commence à prendre l'eau; les passagèr·es parviennent à joindre une personne à Sfax; les autorités tunisiennes sont prévenues, lancent une opération de sauvetage, mais ne parviennent pas à les localiser. «On a cru que tout le monde avait été secouru, relate Jérémie. On a compris ce qui s'était vraiment passé lorsque le premier cadavre a été découvert, quelques jours plus tard.»
La version officielle est bien différente. Selon le porte-parole du tribunal de Sfax, les autorités auraient été mises au courant du naufrage plusieurs heures après. Quand il n'était déjà plus question d'espérer secourir qui que ce soit. C'est un migrant qui aurait donné l'alerte. Il aurait bien reçu un appel de détresse dans la nuit, mais attendu le lendemain pour le signaler. Dans ce scénario donc, il n'est plus question de sauvetage raté…
Si dans de bonnes conditions, «le voyage» peut durer quatorze heures, les victimes de juin, elles, n'ont pas réussi à quitter la Tunisie. Leur pays d'adoption sera, sauf identification et rapatriement, leur dernière demeure. Depuis le centre-ville de Sfax, il faut rouler une bonne vingtaine de minutes, d'une route rectiligne et monotone, puis bifurquer à gauche, sans que rien ne soit indiqué, au kilomètre 11. Au bout d'un chemin à peine asphalté, derrière un portail noir, très simple, se trouve un petit cimetière aux allures de terrain vague. Des détritus jonchent le sol ici et là. Des tombes fraîchement creusées accueillent la ou le visiteur. Ce soir-là, à l'entrée, une femme marche sur une chape en béton, recouverte d'une fine couche de terre. Elle respire dans son châle. Une odeur de mort flotte dans l'air. «Ils sont ici les Africains de la télévision?», demande l'homme qui l'accompagne.
Au second plan, derrière les tombes vides, sous une chape en béton, reposent plusieurs victimes du naufrage. | Matthias Raynal, le 18 juin 2020, Sfax
Ici gisent trente hommes, vingt-neuf femmes –plusieurs étaient enceintes–, et un enfant. Dans cet endroit viennent d'avoir lieu deux inhumations collectives, à quelques jours d'intervalle. Personne n'a daigné tenir les représentant·es des Africain·es subsaharien·nes au courant. Fred, le militant de la société civile, en veut aux autorités tunisiennes et aux organisation internationales, l'OIM et Terre d'asile, censées venir en aide aux personnes migrantes. Dans le taxi qui l'emmène pour la première fois au cimetière, il est en colère: «Ils ont été enterrés sans même qu'on le sache, comme si on n'était pas importants dans cette histoire. En fait, ils s'en foutent de nous.»
Arrivé sur place, ce dirigeant associatif, d'ordinaire si loquace, constamment pendu à son téléphone, devient soudain silencieux. Il faut questionner les agents municipaux qui travaillent ici pour localiser précisément les corps.
«Leur objectif, c'était simplement d'enterrer, sans même vouloir se pencher sur cette histoire.»
Les tombes ont été laissée nues, elles sont presque invisibles. Fred est amer: «Il y a une différence entre les Subsahariens et les autres. Il n'y a même pas quelques décorations. Rien. Comme si c'était le vent, comme si ces personnes n'avaient jamais eu d'importance pour nous.»
Il y voit l'illustration de la condition des migrant·es en Tunisie, du manque de considération dont ces gens souffrent. «Si cette tragédie pouvait amener l'État tunisien à changer les choses, Fred laisse échapper un rire ironique, les Subsahariens n'auraient plus en tête de vouloir partir. Mais leur objectif, c'était simplement d'enterrer, sans même vouloir se pencher sur cette histoire. Sans se demander pourquoi les migrants traversent, sans trouver de solutions, sans vouloir nous aider à nous intégrer. Qu'est-ce qu'on peut faire? Rien. Au contraire ça nous donne encore plus de courage pour prendre la Méditerranée.» Il faut beaucoup de courage pour risquer sa vie, il faut aussi ne plus rien avoir à perdre.
Désillusion
Retour au maquis. Agnès* ne transige pas avec la cigarette. Son restaurant du nord de Sfax est non fumeur. Personnalité affirmée, elle n'a pas besoin de batailler pour faire respecter l'interdit. Cette Ivoirienne voulait venir en Tunisie, pas pour partir en Europe, mais pour faire du business. Ses affaires ne fonctionnent pas comme elle le voudrait, aujourd'hui elle est blasée et pense de plus en plus à rentrer au pays. Elle dénonce le harcèlement de la police, qui multiplie les descentes, rackette les commerçant·es originaires d'Afrique subsaharienne. «Ils peuvent te voler ton argent, tout te prendre, ça sert à quoi?», demande-t-elle, totalement déprimée. Les sans-papiers sont à la merci des forces de l'ordre. Ces gens n'ont aucun droit.
Cette vulnérabilité s'exprime aussi dans le travail. Emmanuel*, 29 ans, est un client fidèle du maquis d'Agnès*. Il montre sa main, constellée de cloques rouges, stigmates de son dernier petit boulot. Il a fait plusieurs jours comme jardinier. En Tunisie, le code du travail est très restrictif et «induit une préférence nationale à peine déguisée», d'après les mots du politologue Vincent Geisser. Il est extrêmement difficile pour les migrant·es en provenance du sud du Sahara d'obtenir un emploi déclaré. Sans contrat, sans protection sociale, ces personnes sont victimes de l'exploitation économique, qui peut être aggravée par le racisme, toujours très fort dans la société tunisienne et qui frappe les personnes noires. «On te traite d'Africain, comme si la Tunisie n'était pas sur notre continent, lâche Emmanuel. Ça veut dire quelque chose, qu'on n'est pas au même niveau.» Il vient à peine de terminer sa première année en Tunisie et il a déjà l'air éreinté. Il garde le sourire malgré tout. Pour cet ancien entrepreneur, asphyxié par l'impôt en Côte d'Ivoire, l'émigration n'a pas été la bouffée d'oxygène qu'il imaginait.
Comme lui, beaucoup de gens venus d'Afrique subsaharienne sont déçus par la Tunisie. Le pays se révèle être très éloigné de leurs attentes. «Un frère m'avait promis un bon salaire. […] Quand je suis arrivé, ça n'avait rien à voir avec ce qu'on avait convenu», explique Emmanuel, qui gagne en moyenne 25 dinars par journée de travail [moins de 8 euros]. «Avant j'entendais ça: “Je préfère mourir dans la mer que d'avoir honte devant mes parents.” Il a fallu que j'aille sur le terrain pour le comprendre.» Depuis qu'il a goûté à la galère en Tunisie, il s'est fait à l'idée qu'un «être humain normal puisse prendre un tel risque».
La faiblesse du dinar qui ne permet pas de faire des économies, la déception face aux conditions de vie pourraient expliquer cette tendance observée par le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR): «Un nombre croissant des personnes se lançant dans la traversée maritime viennent de pays d'Afrique de l'Ouest.»
À vos marques, prêts, traversez!
À Sfax, presque tout le monde veut aller en Italie. À l'image de Julie*. Penchée au-dessus d'une grande bassine, elle prépare du jus de fraise, dans l'arrière-cour d'une maison. «Elles ont pleinement raison», dit-elle à propos des filles du naufrage. L'utilisation du présent rend la phrase de la jeune femme encore plus déstabilisante. Assise à côté d'elle, il y a sa copine Mélanie*. La gravité du sujet ne lui a pas enlevé son air détendu. Elle arbore un joli sourire. Elle connaissait certaines des femmes qui sont mortes, mais ça ne la décourage pas. Elle est prête à courir le risque, et ne partira pas sans son enfant, une petite fille au visage rond qui est assise sur ses genoux. Cette détermination se traduit en chiffres. Entre janvier et fin avril 2020, les départs clandestins des côtes tunisiennes ont augmenté de 156%, comparé à la même période en 2019, selon le HCR.
Le lendemain, dans une rue de Sfax, la nuit, une voiture ralentit. Son phare gauche ne fonctionne plus. Ça n'a pas l'air de déranger Gérard*. Il était journaliste people en Côte d'Ivoire, il est chauffeur en Tunisie. Sur l'une des routes qui permet de quitter le centre-ville de Sfax, le moteur de sa grosse berline américaine ronronne, en avalant les kilomètres de ligne droite. Gérard se confie. Il voudrait aller en Europe, mais légalement, par voie aérienne. «La mer [lui] fait peur.» Il se dit conscient du danger, bien plus que les autres. Il a un certain bagage intellectuel, affirme-il. «Je sais nager, mais la mer ce n'est pas rien. Il faut que ça soit bien préparé et on ne peut jamais être sûr de ça. Les organisateurs doivent fournir les gilets de sauvetage. Beaucoup font ça n'importe comment. Moi, si je pars, il faut que tout soit calé, tout soit sûr.» Sur la banquette arrière, sa femme a les mains posées sur son ventre arrondi. Elle est enceinte de plusieurs mois. Gérard préfèrerait que son accouchement soit pris en charge en Europe. Le temps presse, les frontières restent fermées, alors la mer revient régulièrement dans ses pensées. Le retour au pays n'est pas une option non plus.
«La Tunisie est une prison qui ne dit pas son nom.»
Le cas de Mamadou, le migrant croisé plus tôt dans un maquis, est éclairant. Il a quitté la Côte d'Ivoire il y a quatre ans. Le système tunisien l'empêche d'y retourner. Pour franchir les frontières en règle, il doit payer les pénalités imposées aux sans-papiers: 25 euros pour chaque mois passé illégalement en Tunisie. Aujourd'hui, l'ardoise de Mamadou s'élève à environ 1.200 euros. «C'est ça, ce qui motive les gens. Je ne peux pas faire quatre ans ici et rentrer chez moi sans rien. Chez nous, c'est la fierté avant tout.» L'amende qu'il doit à l'État tunisien est à peu près équivalente au prix de la traversée. Le choix est vite fait. Fred, le militant, dénonce une stratégie des autorités pour que la Tunisie reste un pays de transit. «L'État nous empêche de vivre ici correctement. […] Du coup, quand nous avons un peu d'argent, on ne pense à rien d'autre que prendre la Méditerranée. Quand une personne n'a plus d'espoir… la mort n'est rien pour elle.» Fred va plus loin dans sa réflexion: «La Tunisie est une prison qui ne dit pas son nom.» C'est un goulot d'étranglement, où les migrant·es se retrouvent piégé·es, à moins de 200 kilomètres de la forteresse Europe.
Aujourd'hui, la communauté de Sfax est en deuil, mais cela ne freinera pas les tentatives de traversées, pense l'activiste Jérémie: «Il peut y avoir un accident et, une heure après, un autre départ.» Depuis le retour du beau temps, il ne se passe pas une semaine sans que les autorités tunisiennes n'interceptent une embarcation. L'histoire va se répéter, prédit Fred. «On ne le souhaite pas, mais il y aura toujours des bateaux qui feront naufrage, parce qu'on tentera toujours de rejoindre l'Europe.» Une cérémonie doit être organisée par les migrant·es de Sfax pour rendre un dernier hommage aux victimes du mois de juin. Elle a déjà été reportée plusieurs fois, les autorités n'ayant pas encore donné leur accord.
* Les prénoms ont été changés