Si moralement les relations sexuelles d'êtres humains avec les animaux choquent depuis longtemps, elles ne sont pénalement répréhensibles que depuis peu. Ce n'est qu'en 2004 qu'une loi est venue sanctionner pénalement la zoophilie en France. Cette pratique sexuelle marginale est l'objet de bien des moqueries, mais elle est loin de n'être qu'une niche d'après un rapport de Animal Cross publié en janvier dernier. Selon les comptes réalisés par cette association de défense des animaux, en France il y aurait plus de 1.600.000 visites mensuelles d'internautes sur les sites spécialisés, tandis que 10.000 zoophiles peupleraient des sites de rencontres dédiés. «La zoophilie, se sont des sévices faites aux animaux, chiens, cochons, veaux, chevaux, et c'est illégal», rappelle Benoît Thomé, président de Animal Cross.
Ces chiffres arrivés jusqu'aux tympans de Dimitri Houbron, ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd. Sensibilisé au bien-être animal, le député élu sous l'étiquette LREM a décidé de dédier son mandat à cette cause. «J'ai été sollicité par Animal Cross sur le sujet et on a voulu transformer ces alertes en proposition de loi», détaille l'homme politique.
Devenu membre du groupe parlementaire Agir ensemble, le député de la 17e circonscription du Nord souhaite que son projet de proposition de loi soit repris et qu'il s'intègre à un texte plus large sur la condition animale d'ici la fin du quinquennat. «Je ne me voyais pas porter une loi uniquement sur le sujet: cela aurait été raillé.» De leur côté, sept députées LREM ont déposé le 1er juillet une proposition de loi sur le bien-être animal.
Miser sur le tout-répressif?
Au terme zoophilie, Dimitri Houbron préfère celui «de sévices sexuels sur les animaux». Fermement opposé à cette paraphilie, le député bataille pour durcir les peines encourues par les zoophiles. «On souhaite que la loi soit plus sévère. Les peines passeraient de deux à quatre ans de prison et de 30.000 à 60.000 euros d'amende, avec la notion de fait aggravant pour les gens issus d'associations de protection animale.»
L'élu reconnaît que le parcours législatif menant au durcissement de la loi est loin d'être évident. Un discours également tenu par Benoît Thomé: «Notre action c'est de se dire qu'on peut changer la législation, mais on sait que cela sera compliqué, alors on ne se repose pas seulement sur ça.»
D'autant que malgré son illégalité, la zoophilie est rarement condamnée. Selon Animal Cross, il n'y a eu que onze condamnations depuis la mise en place de la loi de 2004, dont une seule ayant conduit à une peine de prison ferme. Difficile de prouver l'infraction, sauf peut-être si un vétérinaire observe des lésions. Et encore. «Ces affaires n'arrivent jamais dans les tribunaux, sauf si vous prenez les gens la main dans le sac, si vous me permettez l'expression», détaille le président de l'association.
Faut-il miser sur le tout répressif au risque de ne pas accompagner les zoophiles? Pour Benoît Thomé, il faut d'abord commencer par un durcissement législatif. Et surtout «ne pas victimiser les zoophiles et oublier que les victimes, ce sont les animaux».
«Ces affaires n'arrivent jamais dans les tribunaux, sauf si vous prenez les gens la main dans le sac.»
Si Dimitri Houbron assume ce volet répressif, il revendique ne pas s'appuyer uniquement dessus. «Malheureusement dans une proposition de loi, on ne peut pas ajouter de charges à l'État. Mais nous souhaitons aller dans le sens d'un accompagnement. Il ne faut pas oublier également que derrière une peine, il y a souvent une obligation de soins derrière. On souhaite aussi sensibiliser les magistrats sur ce sujet.»
Un contenu accessible en un clic
Illégale, la zoophilie est loin d'être bannie d'internet. Pas besoin d'être un·e habitué·e du darknet pour trouver des forums, des sextoys en forme de sexes d'animaux, des vidéos ou des sites internet de fictions pornographiques zoophiles. Cette communauté a même créé une sorte de Wikipédia zoophile, qui n'est pratiquement plus actualisé aujourd'hui. «Il faut fermer ces sites car il y a une complaisance sur les forums: [les zoophiles] se rassurent entre eux en se disant que c'est un acte d'amour. Il faut également réprimer ces vidéos en coupant leur diffusion», argue Dimitri Houbron.
Dans son intense campagne de lobbying visant à interdire la zoophilie, Animal Cross a justement lancé le 8 juillet une campagne de name and shame sur les réseaux sociaux. Le but: faire déréférencer les contenus zoo-pornographiques par Google et Bing. Pour faire bouger les deux géants du net, les hashtags #StopZoophilie fleurissent sur Twitter depuis quelques jours. L'association n'en est pas à son coup d'essai. En début d'année elle avait lancé une pétition sur le sujet qui a rassemblé près de 50.000 signatures.
«C'est plutôt un peu gris en matière de législation: rien ne dit que ces images sont interdites.»
L'activisme de l'association de protection animale est efficace. Google a déjà déréférencé plusieurs sites proposant du contenu pornographique zoophile, même si le plus consulté reste accessible. De son côté, Microsoft n'a pas encore accédé aux demandes d'Animal Cross, alors que son code de conduite proscrit pourtant ce contenu. Benoît Thomé reconnaît que dans les faits, la diffusion de ces vidéos n'est pas totalement illégale. «C'est plutôt un peu gris en matière de législation: rien ne dit que ces images sont interdites. On se raccroche sur d'autres choses: le fait que les enfants puissent accéder facilement à de la pornographie par exemple.» Pour éradiquer ce contenu d'internet, Dimitri Houbron propose d'ailleurs l'alignement législatif des contenus zoophiles sur ceux de la pédopornographie.
«Une massue pour écraser une mouche»
Face à ce durcissement législatif, les zoophiles se sentent rejetés. Zeta (Zoophiles for Ethical Treatment of Animals), une association allemande, milite pour l'acceptation de cette paraphilie. Comme beaucoup, ses membres concèdent qu'une partie de leur communauté va trop loin. «Nous sommes favorables à une certaine forme de zoophilie, mais nous condamnons un grand nombre de pratiques mettant en jeu l'homme et l'animal», clame d'ailleurs le Wikipédia zoophile.
Même son de cloche au sein de l'un des principaux forums de zoophilie. Un de ses administrateurs a accepté de nous répondre. Il condamne fermement les actes de «zoo-sadisme» et tous les sévices sexuels sur les animaux. «On trouve les mêmes problèmes que dans le reste de la société: de belles histoires et des histoires sordides», argumente-t-il.
Pour lui, une écrasante majorité des adeptes sont des voyeurs ou consommateurs de pornographie. Les zoophiles seraient très peu nombreux. Selon cet administrateur d'un forum zoophile, les propositions du député LREM et d'Animal Cross sont disproportionnées. «Les moyens qu'ils proposent sont dangereux: ils veulent utiliser les mêmes outils que pour combattre la pédophilie et le terrorisme. C'est une massue pour écraser une mouche.» Mais surtout, il estime que cette loi ne changera rien pour cette communauté. «Nous savons comment nous protéger, la seule chose sur laquelle cela va avoir un effet, c'est notre porte ouverte (forum, Wikipédia) pour aider et rencontrer cette minorité qui nous ressemble. En moyenne, on rencontre une personne par an qui partage nos valeurs. Cela ne va pas changer notre vie si on doit arrêter.»
«On trouve les mêmes problèmes que dans le reste de la société: de belles histoires et des histoires sordides.»
Dimitri Houbron ne l'entend pas de cette oreille: «De toute façon, un animal ne peut pas montrer son consentement.» Un argument irrecevable pour le zoophile que nous avons interrogé: «Comment, malgré les connaissances que nous avons sur le comportement animal peut-on encore penser que l'animal ne s'exprime pas lors d'une activité avec un être humain?». Pour le président de l'association de défense des animaux, cet argumentaire ne passe pas, il s'agirait avant tout d'un conditionnement. «Soit on leur impose, soit on les a éduqués et pervertis, quoi qu'il en soi pour nous il s'agit d'un viol», tranche Benoît Thomé.
Si le député se désole que la condition animale soit l'une des grandes oubliées des politiques publiques, le sujet pourrait être porteur en cette période. Les origines du coronavirus sont encore incertaines, mais de nombreuses pistes mènent vers différents animaux. Et pour lui, ceci est un argument supplémentaire vers l'espoir d'un changement de législation: «C'est un sujet d'autant plus prégnant aujourd'hui. La zoophilie est également un problème sanitaire car c'est un vecteur de maladies.»