France

PSG: j'ai vu le Parc des Princes vide

Temps de lecture : 5 min

Que fait-on dans un stade vidé après la mort d'un supporter? Compte rendu (nostalgique) d'un supporter parisien.

Les joueurs du PSG doivent commencer à s'habituer à jouer dans un stade vide. Moi pas. A Nice et à Auxerre, ils ont déjà pu retrouver leurs sensations de minimes jouant devant leurs parents à Trappes, Poissy ou, à domicile, au Camp des Loges. Au Parc, j'aurai tout vu. Pas tout. J'ai loupé l'élimination du Real de Madrid sur une tête de Kombouaré (devenu entraîneur) à la 94e minute. J'ai dû m'assoir dans toutes les tribunes, y compris Boulogne pour un match d'avant saison PSG-Cameroun. Des supporters camerounais avaient été priés d'aller ailleurs par des stadiers inquiets. Il y a dix ans peut-être. Jean-François Domergue, responsable de la sécurité du club parisien à l'époque nous assurait que «les choses avançaient», que le dossier sécurité était sous contrôle.

Et ce soir, le stade est vide pour un PSG-Boulogne qui compte pour la 30e journée de championnat, après la mort d'un supporter de la tribune Boulogne lynché par ceux d'en face, ceux d'Auteuil. Les premiers Bleus-Blancs-Rouges imbéciles seraient venus provoquer l'autre kop, Blacks-Blancs-Beurs, pour une banderole jugée injurieuse les semaines précédentes. Ce dimanche 28 mars, dans la bouilloire du Parc, 22 joueurs courent après une balle et personne ne les encourage.

A dire vrai, il y a peut-être deux cent personnes dans le stade entre les stadiers désoeuvrés, une soixantaine de journalistes dont deux Japonais, des officiels, les staffs des deux équipes, une vingtaine de policiers en survêtement et une dizaine de secouristes sur le bord du terrain.

Entrer dans un stade vide est presque aussi impressionnant que d'y entrer quand il est plein. En 1997, les 45.000 supporters du PSG s'étaient donnés rendez-vous très tôt. Quarante-cinq minutes avant le début du match, il n'y avait plus une place vide. Il s'agissait de recevoir le Steaua Bucarest qui avait gagné 3-0 sur le tapis vert, au match aller en Roumanie. Le PSG avait aligné un joueur suspendu.

26e mn. Stéphane Sessegnon marque
PSG 1 - 0 Boulogne

Le soir de PSG-Bucarest, le match avait compté 4 mi-temps. Une avant le match, deux pour jouer le match et une dernière pour fêter la victoire (5-0), après. Le départ de Captain Raï (le capitaine des grandes années), le 25 avril 1998, avait aussi été une belle soirée. Comme celle de la victoire en Coupe d'Europe en 1996, à Bruxelles, aux côtés Daniel Cohn-Bendit pour les commentaires.

29e mn. Expulsion de Soumaré (Boulogne)

Que fait-on dans un stade vidé après la mort d'un supporter? Regarder un match de foot. Oui, mais le coeur n'y est pas vraiment. Toni Negri, l'idéologue de l'ultra gauche italienne dans les années 1970, expliquait qu'il ne pouvait pas changer de peau. Il était supporter du Milan AC, comme son père et son fils. Le fait que le club soit devenu la propriété de Silvio Berlusconi n'y avait rien changé, il était rouge et noir.

35e mn. But sur pénalty de Hoarau.
PSG 2 - 0 Boulogne.

Cette fois, l'affaire est plus sérieuse. Il y a eu mort d'homme et ceux de Boulogne ont promis de se venger. Depuis combien de temps les deux camps sont-ils en guerre? L'époque Canal avec Michel Denisot comme président avait vu Auteuil devenir une tribune populaire, organisée autour de clubs aussi cools que le kop de Boulogne pouvait être odieux. Le racisme, la bêtise n'ont jamais décampé de Boulogne. Les dirigeants ont dû longtemps fermer les yeux et boucher leurs oreilles pour ne rien voir et faire comme si.

Mi-temps.

On ne vient pas au Parc le coeur léger. Supporter le PSG n'est pas la garantie de saisons tranquilles. On a souvent frisé le ridicule. Un jour, à peine assis, Djibril Cissé, titulaire pour la première fois en pointe de l'attaque d'Auxerre avait planté deux buts avant que nous ayons eu le temps de nous installer. Le Nantes des Loko et Karembeu avait infligé un 4 à 0 au Parc à une équipe qui admirait le jeu des Canaris. C'était beau. De toute façon, la grandeur du supporter se mesure au nombres des défaites. A quoi sert-il d'accompagner Manchester United? Les supporters du Newcastle Football Club n'ont jamais vu leur club remporter le moindre titre national, ni Cup ni championnat. Ça ne les empêche pas d'être là.

Au PSG, c'est vrai, depuis dix ans, c'est plutôt Newcastle que Manchester United. Il faut dire que quand l'équipe s'approche des premières places, l'entraîneur trouve le moyen de s'engueuler avec ses meilleurs joueurs. La dernière fois, c'est le président qui a viré Paul Le Guen alors que le PSG accrochait les premières places qualificatives pour les coupes d'Europe.

46e mn. Début de la 2e mi-temps.

Cette année, il n'est plus question de Coupes européennes, pas encore de descente en Ligue 2. Une descente administrative n'avait pas tué l'Olympique de Marseille que j'aurais pu supporter. Un grand-père marseillais, les premiers matchs regardés sur ses genoux (la Coupe du monde en Angleterre en 1966) aurait pu m'y conduire. Mais quand le foot était une honte, trop populaire, trop ceci et pas assez cela, une équipe voyait le jour à Paris entre Saint-Germain-en-Laye et le 16e arrondissement. La naissance, la descente (déjà) dans les bas-fonds du football et la remontée croisant l'autre club de la capitale, le Paris FC. Jean Djorkaeff, Safet Susic, Rocheteau, Valdo, Ginola-le-beau-gosse, Fournier-l'usineur, et puis ce stade. Trois enfants emmenés au Parc, leurs yeux, leurs cris, ça vous incite à revenir.

58e mn. Giuly manque le but du 3 - 0
PSG 2 - 0 Boulogne

Kop viendrait du hollandais kjop «bouilloire», et le Parc est une bouilloire construite pour être pleine. Et ce soir, elle est vide. Pas question de ressentir quoique ce soit. Et le demain, on n'aura pas même l'envie d'en reparler. Si on vient au stade, c'est aussi pour ça: pour la tchatche du lendemain. Au moins, le supporter parisien est sûr de se retrouver dans le rôle du méchant. Pas grave tant qu'on parle foot avec des gens qui ont choisi de supporter gentiment des clubs de gentils. Pour un peu, le foot deviendrait ennuyeux. Avec un Parc vide, on se croirait à Auxerre quand l'AJA reçoit Monaco et ses douze supporters. Pas besoin de forcer la voix pour parler à son voisin.

Faut-il arrêter de venir au Parc? Oui, sans doute. Et puis, on y revient. En début de saison, on se dit que cette fois ce sera la bonne. La mauvaise foi l'emporte toujours, alors on veut y croire. Ensuite, l'automne, l'hiver, le printemps et on laisse filer encore cette saison en attendant la prochaine. On espère un sursaut et on se retrouve avec un ressaut, une fois encore.

79mn. But de Kezman.
PSG 3 - 0 Boulogne

Au moins ce soir, Boulogne et Auteuil ne s'affrontent pas. Le silence règne. Comme pour les matchs vus tout autour de Paris, on entend les joueurs s'interpeller. Parfois, les deux tribunes se sont entendues sur le dos de l'adversaire le chambrant de concert ou se répondant. On peut encore entendre «Paris est magique». Quoique à la réflexion, ça fait longtemps que Paris est devenu tragique. Le match approche de sa fin, les Boulonnais viennent d'avoir une moitié d'occasion. Au moins, ce soir, ce ne sera pas la bousculade dans le métro.

On aurait envie d'y revenir dans ce stade avec des enfants en âge de taper dans leurs premiers ballons. Là, le stade est vraiment beau quand il se reflète dans les yeux d'un môme qui joue quotidiennement la Coupe du monde dans la cour de récré. Un compte rendu doit partir au coup de sifflet final. C'est fait. Victoire à huis clos du PSG sur Boulogne sur le score de 3 à 0.

C'est pas la gloire, mais bon, on s'éloigne de la zone des relégables.

J'aurai vu le Parc des Princes vide. Ça n'a plus de sens.

Philippe Douroux

Photo : Le Parc des Princes, le 28 mars 2010/Philippe Douroux

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