L'Association des Services Internet Communautaires (Asic), fondée en décembre 2007 et regroupant les principaux acteurs de l'Internet 2.0, a organisé jeudi 25 mars une conférence, réunissant des acteurs majeurs de l'économie numérique autour de la thématique de la neutralité du Net.
Que du beau monde: une quinzaine de journalistes de la presse papier et électronique (manquait Slate.fr); une flopée de représentants de ministères, des membres de cabinet, il y avait même des opérateurs réseaux plus ou moins en «loussedé» et il y avait même l'Arcep, l'autorité de régulation des télécoms.
Il a même été dit que cette conférence, c'était un peu le Festival Avignon off sur le sujet en référence au colloque sur ce même thème qu'organisera l'Arcep le 13 avril prochain et qui serait lui le vrai festival d'Avignon. Perso, j'ai toujours préféré Avignon off et ça tombe bien.
J'ai déjà parlé ici à plusieurs reprises de la net neutralité (et encore plus en détail) mais du fait de la multitude d'études gouvernementales et de cris d'orfraie des différents acteurs et surtout vu le calendrier à venir pour adopter des textes sur la question, le sujet va revenir souvenir dans notre quotidien a minima pendant les deux prochaines années. Ça vaut le coup d'en redire un mot.
Le principe de neutralité du Net est une garantie contre toute discrimination à l'égard de la source, de la destination ou du contenu de l'information transmise sur le réseau. A l'occasion du vote de la loi sur la Fracture numérique en France, les parlementaires ont adopté une mesure demandant au gouvernement de leur remettre un rapport sur la question de la neutralité des réseaux de communications électroniques. L'Arcep a également indiqué le lancement de concertations entre les opérateurs pour la publication de recommandation sur la neutralité du Net à l'été 2010 et organisera comme dit plus haut un colloque le 13 avril prochain (pas en Avignon mais dans le 15e hélas).
C'est dans ce contexte que l'Asic (je vous le rappelle, ce n'est pas une marque de chaussures) a organisé cette table-ronde pour débattre des différents enjeux liés à ce principe.
Comment l'association définit la net neutralité:
c'est la non discrimination sur les réseaux entre les contenus, les services ou les applications en fonction de leurs sources. Internet repose en effet sur un principe fondamental, sa neutralité, son ouverture : l'internaute ne doit pas subir d'entraves dans l'accès aux contenus, services et applications de son choix. Pour les opérateurs de services, les opérateurs du réseau ne doivent pas procéder à une quelconque discrimination, et orienter les choix des utilisateurs en bloquant l'accès à certains contenus, services et/ou applications ou en fournissant une qualité de service différente en fonction par exemple de l'absence ou de la présence d'accords commerciaux que peuvent avoir ces opérateurs. Bien sûr, cela ne veut pas dire que l'opérateur du réseau ne puisse «décongestionner» celui-ci en donnant, par exemple, la priorité à une catégorie par rapport à une autre, à la voix par rapport au transport de données comme les images. Mais à l'intérieur de la catégorie des données par exemple, l'opérateur ne peut brider ou bloquer un service vidéo au détriment d'un moteur de recherche, d'un service de ventes aux enchères... ou d'un autre service vidéo. »
Clair?
Bon, l'Internet c'est quand même, on l'oublie trop souvent, destiné aux... internautes donc aux citoyens, aux consommateurs. Quel est l'avis de ces derniers ?
Pour l'UFC Que Choisir :
Internet a fait entrer le monde dans un nouveau paradigme socio-économique. La dynamique de cette rupture trouve ses origines dans la possibilité offerte à chacun d'accéder librement au réseau. Un internet ouvert est une condition nécessaire à l'innovation et à la création de richesses. Ce principe est également fondamental pour le consommateur, il lui garantit un accès élargi à l'information et à la culture. Défendre cette liberté est au cœur du combat de l'UFC-Que Choisir pour la préservation de la neutralité d'Internet.
Et puis ça change des combats d'UFC contre les produits amincissants et les taux d'usure des banques; donc bienvenue à bord !
Pour Skype, ce logiciel qui permet de téléphoner via Internet sans passer par un opérateur télécom:
L'Internet ouvert est le principe fondamental qui a permis à une génération d'innovateurs de mettre leurs sites, leurs contenus, leurs applications en ligne sans avoir à demander la permission de qui que ce soit avant de le faire. En parallèle, les internautes ont pu accéder à tout le contenu, toute l'information de leur choix sur Internet sans entraves - tant qu'ils payaient leur accès à l'Internet. Mais des restrictions sur la capacité des internautes de faire ce que bon leur semble sur Internet, sont mises en place par certains opérateurs. C'est le cas de Skype, interdit d'utilisation par tous les opérateurs mobiles en France. Les autorités doivent faire respecter l'Internet ouvert, dans l'intérêt des consommateurs, de l'innovation, et de tout l'écosystème Internet.
On comprend en effet bien leur besoin de se mobiliser sur le sujet...
Pour PriceMinister (je les aime bien!):
L'internet est un formidable outil de développement pour l'ensemble des secteurs. A un moment où plusieurs opérateurs se prononcent publiquement contre le principe d'un internet ouvert, il est important que celui-ci puisse rapidement être garanti par les pouvoirs publics et les autorités de régulation. Le principe de l'internet ouvert ne doit pas être détourné et aboutir à ce que ces opérateurs décident à quels services les internautes peuvent avoir accès ou, pire, favorisent leurs propres contenus ou ceux de leurs partenaires, au détriment des autres contenus, services ou applications disponibles sur la Toile.
Pour Google (GOOGLE ??? Le méchant Google qu'on accuse à tort ou à raison — laissons les autorités de la concurrence rapidement trancher — de tous les maux? Et bien oui le même Google défend à fond la net neutralité):
un Internet neutre et ouvert bénéficie à tous. De la petite entreprise qui lance de nouveaux projets jusqu'aux entreprises déjà en place qui développent leurs activités en ligne. Mais, avant tout, un internet neutre et ouvert bénéficie aux consommateurs qui peuvent ainsi aller piocher dans ce monde riche en opportunités. La question clé est: quel modèle d'internet pensons-nous être capables de proposer à notre société?
Pour un opérateur comme Colt qui est à la fois opérateur de réseau et opérateur de services, on a compris qu'ils étaient pour la net neutralité aussi mais j'ai pas réussi à tout comprendre quand j'ai relu mes notes:
Un des premiers enjeux de ce débat est la latence, le temps mesuré en millisecondes pour que le flux IP parvienne à destination. Sur ce point, notre souci est d'éviter que ne se créent des situations de discrimination. Un grand FAI peut relever le prix de la bande passante à faible latence vers ses abonnés. Un site grand public de premier plan peut se plaindre ouvertement auprès des internautes de la dégradation de la latence qui le sépare des internautes de ce FAI et ainsi obtenir gain de cause. C'est un débat économique, les "pratiques d'administration de réseau" sont l'arbre qui cache la forêt. La question est de savoir si l'universalité de l'internet n'implique pas que l'accès aux internautes d'un FAI avec une latence donnée doive être régulé pour s'assurer qu'elle est disponible à tous les sites, à toutes les applications de l'internet, dans des conditions non-discriminatoires. Colt sera tout aussi vigilant pour éviter que la non discrimination ne soit pas synonyme de qualité dégradée.
Oulala, on doit donc avoir droit à la même «latence», c'est ça? Plaignez-moi, moi qui essaie de décrypter et de rendre compréhensible le discours des ingénieurs. Là, je jette l'éponge.
Le mot de la conclusion, c'est pour mon chouchou, le sénateur de Vendée Bruno Retailleau, l'élu français qui comprend le mieux les questions du numérique, celui qui pendant un rendez-vous est capable de démonter un à un vos arguments pour vous en donner d'autres en votre faveur, bien plus percutants. Bruno Retailleau, on croit à la politique grâce à vous!!!
Notre champion a été bien précis:
«Internet peut être un véritable accélérateur de croissance et un démultiplicateur de productivité. Dans ce nouvel écosystème qui se met en place, deux principes sont essentiels : la neutralité et la distinction entre le statut éditeur et celui d'hébergeur pour que ce dernier ne soit pas remis en cause. La question qui se pose à nous législateur est de savoir jusqu'où est-on prêt à aller, au bénéfice du consommateur, dans la gestion des réseaux? Deux risques existent : la congestion des réseaux et l'entrave au libre accès des contenus. Pour préserver l'écosytème, la transparence est nécessaire et le respect du principe de non discrimination est fondamental.
Bon si vous avez tenu jusqu'au bout de cette chronique qui se voulait un témoignage de la vraie vie dans les entreprises, vous pouvez aller voir quelques slides ici, un bon article du Figaro là,ou quelques vidéos ici sur le compte de l'Arcep. Pas un commentaire svp sur ma prestation en images, j'ai arrêté le temesta depuis et je bosse dans une boîte où on parle doucement.
Giuseppe de Martino
Photo: CC Flickr Claus Rebler