Tous les mercredis, Anaïs Bordages et Marie Telling décryptent pour Slate.fr l'actu des séries avec Peak TV, une newsletter doublée d'un podcast.
Si, comme nous, vos cours d'éducation sexuelle se sont résumés à une heure extrêmement gênante en 3e, les séries ont probablement été une source d'informations précieuses à l'adolescence. Le problème, c'est que pendant très longtemps la vision du sexe et de la puberté à la télé était conservatrice et presque exclusivement masculine. Les règles étaient, quant à elles, rarement abordées, sauf à travers les blagues dégoûtées de personnages masculins. On n'aurait jamais imaginé voir Buffy Summers ou Blair Waldorf mettre une serviette hygiénique, ni apercevoir une tache de sang menstruel à l'écran (une image pourtant des plus banales pour toutes les personnes ayant leurs règles).
Les choses changent ces dernières années, grâce, évidemment, à des séries écrites par des femmes. Il y a eu l'épisode «Jews on a Plane» de Broad City, où Ilana porte un jean avec une énorme tache de sang et Abbi tente de se confectionner un tampon par tous les moyens. Dans Big Mouth, série animée sur la puberté, l'épisode «Laisse couler» (écrit par une femme) suit Jessi alors qu'elle a ses premières règles, en short blanc, lors d'un voyage de classe –LE cauchemar de toutes les collégiennes.
Les premières règles et la masturbation féminine ont également été explorées avec beaucoup d'humour et de justesse par l'excellente comédie PEN15, qui vient de sortir en France. Et n'oublions pas Crazy Ex-Girlfriend, la comédie musicale de Rachel Bloom, qui nous a livré le morceau légendaire «Period Sex» (le sexe pendant les règles), où l'héroïne dit à son partenaire: «Si ça te dégoûte, on n'a qu'à prétendre que c'est du lubrifiant à la cerise.»
Mais c'est I May Destroy You (dont on vous parlait il y a deux semaines) qui nous a offert la plus grande claque sur le sujet récemment avec une scène de sexe d'anthologie, où l'héroïne couche avec un mec alors qu'elle a ses règles. Loin d'être dégoûté, son partenaire est enthousiaste et s'émerveille carrément en lui retirant son tampon et en découvrant un caillot de sang avec lequel il se met à jouer. Une image qu'on n'aurait jamais pensé voir un jour à la télé et une normalisation quasi révolutionnaire des règles, alors que beaucoup d'hommes rechignent encore à l'idée d'acheter des tampons pour leurs meufs au supermarché.
De New York, police judiciaire à Esprits Criminels en passant par Les Experts... Les «cop shows» sont le genre le plus représenté à la télévision américaine. Mais une remise en question du rôle de la pop culture, et de sa représentation de la police et des policiers, semble de plus en plus nécessaire.
Le gros plan: «Search Party» (OCS)
Dépeindre des personnages new-yorkais un poil irritants peut être à double tranchant, comme l'a prouvé la série Girls avec ses quatre héroïnes révolutionnaires, dont on ne savait jamais vraiment si leur côté agaçant était volontaire ou pas. Avec Search Party, les deux créateurs et la créatrice ne laissent aucune place à l'ambiguïté et poussent le bouchon au maximum, avec quatre amis new-yorkais horriblement imbus d'eux-mêmes, qui se mettent à rechercher une de leurs connaissances de fac, portée disparue.
À la fois thriller néo-noir addictif et satire des pires travers de la génération millennial new-yorkaise, Search Party réussit brillamment sur les deux tableaux, jusque dans sa troisième saison, disponible dès le 26 juin. Dans celle-ci, l'étau se resserre autour de Drew, Portia, Elliott et Dory –qui se trouvait à la fin de la saison 2 à l'arrière d'une voiture de police, accusée de meurtre.
Après des rebondissements de plus en plus capillotractés, la série assume enfin pleinement son côté rocambolesque. Dans ce nouveau chapitre ébouriffant, elle se transforme en série judiciaire et en profite pour railler notre obsession pour le true crime et nos biais genrés –Dory est surnommée «Gory Dory», mais Drew se retrouve avec une horde de jeunes fans féminines qui clament son innocence. Les personnages principaux sont toujours aussi délicieusement égocentriques et sont épaulés par un casting secondaire incroyable: Chelsea Peretti, Michaela Watkins, Wallace Shawn... Mais les meilleurs nouveaux venus sont certainement les deux avocats joués par Louie Anderson et Shalita Grant –une révélation.
Si la série manque parfois de virer dans la caricature grossière, elle retombe toujours sur ses pattes grâce au talent du casting et à sa volonté d'embrasser les blagues les plus puériles (dont une des meilleures blagues de pet qu'on ait vues à la télé). Mais elle sait être subtile quand il le faut, notamment avec la métamorphose de Dory: alors qu'elle semblait être la plus altruiste du groupe, il est désormais de moins en moins possible de justifier ses actions. Grâce à sa performance, Alia Shawkat réussit à faire d'elle un monstre aussi terrifiant que fascinant.
On regarde aussi
PEN15 (Canal+) – On vous avait déjà parlé de cette incroyable série adolescente au moment de sa sortie aux États-Unis. Hilarante, nostalgique et touchante, elle nous montre la préadolescence féminine comme aucune autre série n'avait réussi à le faire.
Dark (Netflix) – On s'était prises de passion pour les deux premières saisons de cette série de science-fiction allemande, mais on a plus de mal avec la dernière qui repousse toujours plus loin les limites de l'absurde et ne réussit pas totalement son atterrissage.
Perry Mason (OCS) – Encore un cas de Peak TV-ite aiguë: casting cinq étoiles, patine prestigieuse, épisodes trop longs et ton inconsistant. Le plus gros problème, c'est peut-être que le mystérieux meurtre qui rythme la saison n'est absolument pas intéressant.
What We Do in the Shadows (Canal+) – La deuxième saison de cette comédie ultra loufoque, sur un groupe de vampires qui habitent à Staten Island, est encore plus barrée que la première et devrait plaire aux fans du genre.
Legendary (HBO Max) – Cette nouvelle émission de télé-réalité sur la culture ballroom et le voguing est un condensé de beauté, de créativité et de fabulosité queer. On est fans.
Ramy (Hulu) – La très bonne comédie dramatique de Ramy Youssef revient pour une deuxième saison. Ramy est plus relou que jamais mais les épisodes sur les membres de sa famille sont particulièrement réussis et la série bénéficie d'une addition remarquable à son casting: Mahershala Ali, plus magnétique que jamais.
Le crush: Matthew Rhys (Perry dans «Perry Mason»)
Notre mari fictif depuis Brothers & Sisters et The Americans est plus beau que jamais dans ses costumes des années 1930. (S'il y a bien une chose de réussie dans la série, c'est que la personne chargée de la photographie a vraiment trouvé comment faire ressortir ses magnifiques yeux bleus.)
Peak de chaleur: à chaque fois qu'il allume une cigarette en contre-plongée.
Ces textes sont parus dans la newsletter bimensuelle Peak TV.