Culture

Fixer Marina Abramovic

Temps de lecture : 2 min

L'artiste performer est au MoMA, à New York, pour la plus longue performance de sa carrière.

Difficile de rester indifférente... lorsque que l'on frôle deux corps nus dans un espace aussi vaste... qu'une embrasure de porte... dans un musée, figurante volontaire d'une performance en live [Imponderabilia (1977/2010)].

Le musée en question, c'est le MoMA de New York, qui présente la première rétrospective consacrée à Marina Abramovic, «Artist is Present». L'artiste performer a commencé le 14 mars sa plus longue performance en près de 40 ans de carrière, près de 700 heures au total, à simplement rester assise, face à un inconnu, l'un et l'autre se fixent mutuellement, séparés par une simple table. Et cela pendant toute la durée de la rétrospective, qui se poursuit jusqu'à la fin mai.

Narcissisme?

Pour ceux qui connaissent peu le travail de Marina Abramovic, il n'est pas inutile de dire quelques mots sur celle qui s'autoproclame la grand-mère de la performance. Née à Belgrade en 1946, dans une famille marquée par la religion et par son engagement au côté des Partisans contre les Allemands et leurs alliés oustachis pendant la  Seconde Guerre mondiale. Un de ses grand-oncles fut le patriarche de l'église orthodoxe serbe. Elle quitte l'ex-Yougoslavie au début des années 1970. Installée à Amsterdam en 1976, elle commence alors une collaboration amoureuse et artistique avec un artiste performer allemand, Ulay (Uwe Laysiepen). Une association qui prendra fin 12 années plus tard lors d'une ultime performance: une marche organisée sur la Grande Muraille de Chine s'achevant par une dernière rencontre. Elle enchaîne ensuite des performances solitaires. En 1997, elle recevra pour une vidéo jointe à une performance le lion d'or de la meilleure artiste lors de la Biennale de Venise pour Balkan Baroque: une biographie imaginaire où l'artiste utilise son corps pour relier passé, futur et identité.

La rétrospective permet de se replonger au cœur de son travail, dont celui des premières années, notamment grâce à des vidéos dont la qualité de l'image est approximative, des photos, et toute une série d'objets. Cette oeuvre peut sembler, au premier coup d'œil, passablement narcissique, avec des mises en situation inutilement dangereuses et extrêmes. Le résultat est en tout cas garanti avec une intensité mélodramatique bien réelle et des sensations certaines.

Marina Abramovic reconnaît que son travail n'est pris au sérieux que depuis une dizaine d'années. Si son statut d'artiste est désormais acquis et reconnu, elle-même a du mal à le revendiquer. Elle continue à répondre lorsqu'on lui demande ce qu'elle fait, qu'elle est infirmière en Nouvelle-Zélande. Une infirmière tendance hardcore.

Performances

Refusant que son art disparaisse, elle autorise pour la première fois des «re-créations» de ses performances, les préférant à des photos dans un livre ou à «des vidéo de piètres qualités». C'est tout l'intérêt de cette rétrospective. Celle-ci met en scène plusieurs performances passées. Mais cette fois il n'y aura ni objets tranchants ou armes a feux. Elle n'en sortira ni ensanglantée ni au bord de l'asphyxie.

Une quarantaine d'artistes performers, choisis et «entraînés» par Marina Abramovic se relaient pendant toute la durée de l'exposition pour permettre à chaque visiteur de suivre en direct les performances. Dans Relation in Time (1977/2010), deux performers sont assis dos à dos juste reliés entre eux par leurs longs cheveux enlacés. Dans Point Contact (1980/2010), ils sont deux, face à face ne se touchant que par l'extrémité de l'index. Dans Nude with Skeleton (2002/2010),  créé en mémoire au conflit qui a emporté la Yougoslavie, un performer est allongé sous un squelette qui n'est animé que par son souffle et dans Luminosity (1997/2010), une performer nue est comme suspendue dans les airs semblant émerger d'un halo de lumière.

Achevée la visite, on peut redescendre  et apercevoir Marina Abramovic toujours installée au cœur de l'atrium du musée face a son énième visiteur, totalement impassible. En sortant, on se demande à quoi on a vraiment assisté, pas vraiment convaincue... mais avec une furieuse envie d'y revenir.

Anne de Coninck

Photo: © 2010 Marina Abramović. Courtesy the artist and Sean Kelly Gallery/Artists Rights Society (ARS), New York

Newsletters

Quelle place avaient les mères dans la Grèce antique?

Quelle place avaient les mères dans la Grèce antique?

Si l'on n'organisait pas de fête des mères comme on le fait aujourd'hui, la maternité était bel et bien célébrée lors de festivités.

La Palme

La Palme

Pourquoi ce qu'a dit Justine Triet à Cannes est légitime

Pourquoi ce qu'a dit Justine Triet à Cannes est légitime

C'est bien en cinéaste que s'est exprimée la réalisatrice d'«Anatomie d'une chute» au moment de recevoir sa Palme d'or.

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio