Santé / Monde

En Russie, trois personnels soignants, à bout, se sont défenestrés

Temps de lecture : 2 min

Leur point commun: avoir émis des critiques face à la gestion russe de la pandémie. Cela aura suffi à supposer qu’un tueur à gages serait responsable de leurs chutes. En réalité, les soignant·es se sont plus probablement suicidé·es.

Le 3 mai 2020, un infirmier s'apprête à accueillir de nouveaux patient·es Covid-19 à Moscou alors que 10.000 nouveaux cas ont été répertoriés en Russie | Kirill Kudryavtsev / AFP
Le 3 mai 2020, un infirmier s'apprête à accueillir de nouveaux patient·es Covid-19 à Moscou alors que 10.000 nouveaux cas ont été répertoriés en Russie | Kirill Kudryavtsev / AFP

Alors que cette semaine, la Russie est devenue le cinquième pays le plus affecté par le Covid-19 au monde, aucun indicateur ne semble pointer vers une amélioration de la crise sanitaire pour le pays. Dans le même temps, du 24 avril au 2 mai, trois soignant·es se sont défenestré·es: deux sont décédées, un est soigné pour de graves blessures. Leur point commun selon Olivier Carroll: «De nombreuses preuves d’un conflit sérieux avec les autorités de l’hôpital.» Le correspondant en Russie pour le magazine The Independent a mené l’enquête.

Certains médias se sont emparés de l’actualité tragique et ont suivi la piste d’un tueur à gages engagé par le gouvernement. Oliver Caroll estime, après enquête, qu’il s’agirait plutôt de personnels soignants travaillants sous la pression, en manque de protection face au tueur invisible qu’est le coronavirus et poussés à bout par le management de l’hôpital.

En France, Bernard Gonzalez, médecin du club de football de Reims, s’est suicidé début avril. Il a laissé un mot liant son geste à sa contamination au Covid-19. En Russie, c’est «un cocktail de culpabilité, de silence, de sentiment d’être un souffre-douleur qui semble avoir exacerbé le stress et la pression de celles et ceux travaillant pendant cette pandémie», écrit Oliver Caroll.

Equipement et organisation

Natayla Lebedewa s’est défenestrée le 24 avril à 48 ans après avoir été traitée pour le Covid-19. S’occupant du transfert de patient·es, l’ambulancière mal protégée s’est rendue compte qu’elle avait fait partie d’une chaîne de contamination ayant infecté deux douzaines de personnes avant qu'elle soit prise en charge, explique le correspondant. La direction de l’hôpital l’aurait alors accusée d’avoir participé à la dispersion du virus.

Yelena Nepomnyashaya, 47 ans, s’est défenestrée le lendemain. La médecin, à la direction d’une unité médical dans un hôpital pour les vétérans de Sibérie, estimait que l’hôpital n’était pas prêt à recevoir le quota de patient·es imposé par le gouvernement par manque de matériel (un seul ventilateur et un manque d’équipement de protection). Selon ses collègues qui se sont confiés au journaliste, la médecin, sous pression de la part de la direction régionale de santé aurait mis fin à ses jours.

L’incident de la semaine suivante apparaît moins clair. L’ambulancier Alexander Shulepov, 37 ans, aurait sauté du premier étage et est toujours en vie. Là encore, on rapporte un conflit avec la gestion de l'hôpital face au Covid-19. Quelques jours avant, avec un autre ambulancier, ils tournent une vidéo où il se plaignent du manque de matériel, son collège est sommé par la police de retirer la vidéo.

Alexei Erlikh, un cardiologue d’un hôpital moscovite a expliqué à Oliver Carroll que «le système n’était pas fait pour que les gens puissent travailler normalement et honnêtement et c’est cela qui provoque les incidents». Avec d'autres médecins, ils tiennent une liste des personnels soignants morts à cause de la pandémie, ils sont à ce jour 113. «D’un côté vous avez le manque d’équipements et de l’autre, le manque d’expertise et d’organisation [...] Ajoutez à ça le silence pesant dans les provinces éloignées de Moscou et vous avez de quoi provoquer une tempête.»

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