Nombre d'écrivain·es communiquent avec leurs personnages durant l'écriture d'un roman. Le romancier David Nicholls l'assure, il entend et voit les protagonistes de ses histoires. D'après une étude du Guardian menée en partenariat avec une équipe de recherche de l'Université de Durham et le festival du livre d'Édimbourg, sur 181 auteurs et autrices présentes au festival en 2014 et en 2018, 63% seraient sujettes à ces manifestations. Pour 61%, les personnages de leurs romans seraient même doués d'une volonté propre.
«Je les entends dans ma tête. Ils ont des voix et des intonations différentes», confie un écrivain au Guardian. Un autre raconte: «Les personnages me disent parfois que ce que j'ai en tête pour eux ne convient pas, qu'ils ne parleraient ou ne se conduiraient jamais de cette façon.»
Selon John Foxwell, le chercheur responsable du projet à l'Université de Durham, les écrivain·es ayant participé à l'étude ont rapporté une multitude d'expériences variées. 56% ont déclaré avoir des contacts sensoriels autres que l'ouïe avec leurs personnages. Un cinquième des romancièr·es ont par ailleurs le sentiment de partager la même enveloppe corporelle que leurs créations.
Rien d'anormal
Ces phénomènes relèveraient-ils de la psychiatrie? D'après l'équipe de recherche, il ne s'agit en aucun cas de confusion entre la réalité et l'univers fictif. Les écrivain·es qui ont participé à l'étude n'ont pas eu de résultats démontrant une propension à la confusion plus forte que la moyenne de la population. «Entendre des voix et vivre des expériences “inhabituelles” ne sont pas des symptômes de maladie mentale», peut-on lire dans le rapport.
Ces hallucinations seraient plutôt dues à l'imagination débordante des écrivain·es, qui les fait parfois perdre le contrôle de leurs pensées. Ce processus est «tout à fait sain et non dangereux», selon les spécialistes.
La romancière Val McDermid a confié au Guardian être elle aussi sujette à ces hallucinations. Habituée au phénomène, elle parvient à rester maîtresse d'elle-même: «Quand je travaille sur un roman, je discute avec mes personnages, mais si je ne travaille pas avec eux, silence.» L'autrice explique que ses personnages n'agissent pas indépendamment, ils existent seulement dans la vie qu'elle leur donne. «Je ne pense pas être possédée par les personnages, je pense juste que mon esprit est un bon processeur de données», plaisante-t-elle.
Dans de nombreux cas, ces hallucinations sont vécues par les écrivain·es à la manière d'un film. Elles font, selon l'équipe à l'origine de l'étude, partie intégrante du processus créatif.