Culture

Le comte Dracula a-t-il vraiment existé?

Temps de lecture : 3 min

Du folklore à l'histoire, les influences de Bram Stoker pour créer le personnage de son roman gothique ont été nombreuses.

Vlad Țepeș ou Vlad l'Empaleur aurait acquis cette réputation après avoir fait empaler 25.000 prisonniers et leur famille en allant livrer bataille contre les Turcs. | Vienne, église Notre-Dame-du-Rivage, 1460 via Wikimedia
Vlad Țepeș ou Vlad l'Empaleur aurait acquis cette réputation après avoir fait empaler 25.000 prisonniers et leur famille en allant livrer bataille contre les Turcs. | Vienne, église Notre-Dame-du-Rivage, 1460 via Wikimedia

Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d'autres, spécialistes du sujet, leur répondent.

La question du jour: «Qui était le vrai comte Dracula?»

La réponse d'Isabelle Rentler, professeure d'anglais:

Le roman Dracula a été écrit par l'Irlandais Bram Stoker au XIXe siècle. C'est un roman épistolaire gothique surprenant inspiré par le folkore roumain et par un personnage historique à la réputation sanguinaire.

Le comte vampire Dracula, seigneur des Carpates, dans son château légendaire, n'a pas existé et cette histoire, telle quelle, est une invention.

Cependant, pour écrire son roman, Bram Stoker s'est inspiré d'une légende roumaine folklorique dont il est à un moment question dans le roman. En effet, dans la tradition populaire, la personne qui avait fait du mal pendant sa vie, qui mourait d'une manière brutale ou qui n'était pas inhumée selon les coutumes se transformait en mort-vivant (strigoi) ou vampire (vampir) après sa mort. Les vampires sortaient de leurs tombes et venaient troubler leurs proches.

Jonathan Harker est dans une diligence qui doit rejoindre le château du comte Dracula. «Je dois avouer que je ne trouvais guère matière à me réjouir, car parmi ces mots, il y avait Ördög (Satan), Pokol (Enfer), strigoaica (sorcière), vrolok et vlkoslak qui signifient tous deux la même chose, l'un étant d'origine slovaque et l'autre ayant une racine serbe et voulant dire soit loup-garou, soit vampire.» (Bram Stoker, Dracula, chapitre I)

Les erreurs de vocabulaire et de traduction (vrolok/vlkoslak), les références historiques, géographiques et les superstitions montrent que Bram Stoker ne s'est pas inspiré directement des éléments, mais les a lus dans les livres d'autres auteurs et autrices antérieures ou contemporaines dans lesquels on en retrouve les traces. Il a également pu être marqué par l'histoire de Jack l'Éventreur qui sévit à Londres en 1888 (mais cela reste une supposition).

Afin de se protéger, les villageois·es construisaient une barrière de sel, en mettant de l'ail à l'intérieur de leurs maisons. On trouve des traces de ces superstitions dans le roman.

Le professeur Van Hiesling, scientifique humaniste, veut protéger un personnage féminin, Lucy: «Ceci est un médicament, vous n'avez pas besoin de voir en quoi. Je les accroche à votre fenêtre et en fais une jolie couronne que je vous accroche autour du cou pour que vous dormiez bien. […] Tandis qu'il parlait, Lucy examinait les fleurs et les reniflait avant de les jeter sur le lit, moitié riante, moitié dégoûtée: “Oh, professeur, je crois que vous vous moquez de moi. Ces fleurs ne sont que sont que de vulgaires fleurs d'ail.”» (Bram Stoker, Dracula, chapitre X)

D'autres objets repoussant les vampires étaient le crucifix et l'eau bénite qui leur brûlaient la peau. Leur destruction était possible, mais seulement en leur mettant un pieu dans le cœur, ce qui se passe à deux reprises dans le roman.

Si des livres antérieurs ont inspiré Bram Stoker, certains thèmes, comme celui des buveuses de sang maléfiques, les styrges (même racine que stirgoi) ou goules faisaient partie du folklore irlandais. On les retrouve dans le château de Dracula sous forme de trois femmes envoûtantes aux dents pointues.

Vlad l'Empaleur en guerre contre les Turcs

Bram Stoker s'est aussi inspiré d'une figure légendaire en Roumanie, à savoir le guerrier Vlad Țepeș, ou Vlad l'Empaleur, ou Vlad l'Empereur III, qui vécut au XIIIe siècle. Dans certaines chroniques roumaines, il est représenté ou gravé comme vampire sanguinaire se repaissant de chair humaine et buvant du sang. Il aurait acquis cette réputation après avoir fait empaler 25.000 prisonniers et leur famille en allant livrer bataille contre les Turcs.

Le nom Dracula vient de l'ordre du Dragon (dracul veut dire dragon ou diable) auquel appartenait Vlad II, le père de Vlad le Sanguinaire.

Dracula parle d'ailleurs de sa noble et longue lignée sauveuse du pays dans le livre éponyme, pour conclure: «Nous les Széklers et les Dracula, avec notre sang, notre cœur, notre cerveau et notre épée, pouvons être fiers d'avoir accompli ce que cette engeance des Habsbourg et des Romanoff ne pourra jamais faire.» (Bram Stoker, Dracula, chapitre III)

C'est au XIXe siècle que, prenant connaissance de ces légendes, Bram Stoker s'en sert pour écrire son roman gothique qui diffère des autres puisque, ici, Dracula fait autant peur que pitié.

Newsletters

Le pape François restitue trois fragments du Parthénon à la Grèce

Le pape François restitue trois fragments du Parthénon à la Grèce

Les précieux marbres, prélevés sur le site antique il y a plus de 200 ans, ont été dévoilés ce vendredi dans le musée de l'Acropole à Athènes.

La culture ouïghoure tente de survivre au Kazakhstan

La culture ouïghoure tente de survivre au Kazakhstan

C'est surtout en Occident qu'on déteste les rats

C'est surtout en Occident qu'on déteste les rats

Qu'en est-il en Orient, où la représentation de ces rongeurs semble plus positive?

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio