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«Home Before Dark», il n'y a pas d'âge pour résoudre un meurtre

Temps de lecture : 8 min

Inspirée d'une histoire vraie, cette série incarnée par une enfant de 9 ans a des points communs avec «Veronica Mars».

Si la fiction fonctionne aussi bien, c'est en grande partie grâce au charisme hallucinant de Brooklynn Prince. | Capture d'écran via YouTube
Si la fiction fonctionne aussi bien, c'est en grande partie grâce au charisme hallucinant de Brooklynn Prince. | Capture d'écran via YouTube

Tous les mercredis, Anaïs Bordages et Marie Telling décryptent pour Slate.fr l'actu des séries avec Peak TV, une newsletter doublée d'un podcast.

Quand on a le moral dans les chaussettes, on se tourne vers la culture. Les séries, forcément, mais aussi la musique. Crazy Ex Girlfriend, dont on vous parle souvent, opère dans les deux registres, et nous a souvent fait sourire quand ça n'allait pas fort. C'est pour ça qu'on a particulièrement été sous le choc en apprenant le décès d'Adam Schlesinger, cofondateur du groupe Fountains of Wayne, et compositeur et producteur musical de la série. Il avait 52 ans, et est mort le 1er avril du Covid-19.

Les chansons d'Adam Schlesinger ont changé nos vies, et celles de milliers d'autres personnes. Avec I'm letting Bi, il a déconstruit tous les clichés sur la bisexualité, et a permis à de nombreuses personnes de faire leur coming out. Avec A Diagnosis, il a montré que les problèmes de santé mentale n'étaient pas une condamnation. Avec Antidepressants are so not a big deal, joyeuse parodie de La La Land qui lui a valu un Emmy Award, il a tenté de déstigmatiser l'usage des antidépresseurs. Mais le morceau qu'on lui associe le plus souvent, c'est What'll it be, cette ballade drôle et mélancolique inspirée par Piano Man de Billy Joel, chantée par un personnage dont la vie ne semble pas avancer. Peu de gens avaient son talent pour nous faire autant rire et pleurer à la fois.

Pour info: Nous allons tous devoir passer beaucoup de temps chez nous ces prochaines semaines. Pendant la période de confinement, cette newsletter devient donc hebdomadaire, pour vous offrir tous les conseils séries dont vous aurez besoin. Si vous voulez une recommandation personnalisée de série, envoyez un mail à [email protected] en nous disant ce que vous recherchez selon votre situation; on tentera de vous donner plusieurs options.

Le petit plan: «Home Before Dark» (Apple)

Bizarrement, c'est un murder mystery qui nous procure le plus de réconfort cette semaine. Home Before Dark est l'histoire de Hilde Lisko, une mini-journaliste de 9 ans qui se met à enquêter sur une affaire de meurtre. Avec son héroïne pleine de répartie, sa petite ville américaine mystérieuse et ses éléments de néo-noir, cette série Apple partage beaucoup de points communs avec Veronica Mars. Enquêtrice déterminée, Hilde tient tête à tous les adultes qui l'entourent, avec le soutien de sa famille, qui ne remet jamais en doute ses compétences exceptionnelles.

Tout ça paraît délicieusement tiré par les cheveux… sauf que la série est inspirée d'une histoire vraie, celle de Hilde Lysiak, jeune journaliste qui a résolu une affaire de meurtre à l'âge de 9 ans. Pour interpréter cette fille hors du commun, il fallait sortir le grand jeu, et si la version fictionnalisée fonctionne aussi bien, c'est en grande partie grâce au charisme hallucinant de Brooklynn Prince. La jeune actrice de 9 ans, qui crevait déjà l'écran dans le film The Florida Project, porte la série sur ses épaules avec une aisance impressionnante.

L'autre petit plan: «ZéroZéroZéro» (Canal+)

Tirée du livre Extra Pure du journaliste et écrivain italien Roberto Saviano, ZéroZéroZéro suit une cargaison de coke sur trois continents –des quartiers pauvres du Mexique, jusqu'aux villages tenus par la Mafia en Calabre, en passant par la Nouvelle-Orléans, l'Afrique de l'ouest et le Maghreb. Un point de vue audacieux qui fait s'entremêler le destin de plusieurs familles impliquées dans le trafic et nous plonge dans les guerres de clans qui déchirent le milieu.



Comme Gomorra, autre livre de Saviano adapté à l'écran, la série a été créée par Stefano Sollima, réalisateur italien spécialiste des histoires criminelles, puisqu'on lui doit aussi Romanzo Criminale et Sicario: Day of the soldado. Sa maîtrise des codes du genre est évidente dans ZéroZéroZéro, qui impressionne par sa structure et son ambition. Mais c'est le casting impeccable qui convainc le plus, en particulier Dane DeHaan, dans le rôle d'un fils de famille américain qui accompagne le cargo et doit gérer problèmes de santé et menaces du milieu. Sa performance ancre la série et lui offre une portée émotionnelle qui lui manquerait sinon cruellement.

Santé mentale, confiance en soi, représentation de la diversité, découverte de la sexualité... Pourquoi les séries nous impactent-elles autant? Quelle est celle qui vous a fait voir l'existence autrement? Cette semaine, dans Peak TV, c'est vous qui nous parlez de séries, celles après lesquelles rien ne sera plus jamais comme avant.

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On regarde aussi

Le Bureau des Légendes (Canal+) – Le début de la saison 5 démarre très fort, et on a hâte de voir si la saison, dont la fin a été confiée à Jacques Audiard, réussira à retomber sur ses pattes.

The Mandalorian (Canal+) – Si vous voulez vous ébahir devant de superbes paysages et le désormais célèbre Baby Yoda, c'est le moment.

Validé (Canal+) – Une plongée maîtrisée dans l'univers du rap français, où l'on suit l'essor d'un jeune artiste en proie aux jalousies du milieu. Vraiment pas mal.

Le crush: Louis Garrel (Mille Sabords dans «Le Bureau des Légendes»)

Le quotient sexitude de la série était déjà bien rempli avec nos crushs problématiques (Mathieu Kassovitz), inavouables (Mathieu Amalric) et 100% avouables (Jonathan Zaccaï). Et voilà que débarque dans le game le mec le plus hot du cinéma français. En ces temps de pénurie sexuelle, on dit merci.

Peak de chaleur: quand il conduit un 4x4 sur une dune à Amman pour conclure un deal. On n'a pas trop compris l'intrigue exactement, mais c'était hot.

Service après-vente

On répond à toutes vos questions pour vous aider dans cette quarantaine.

«J'ai envie de séries courtes et intelligentes, des conseils?» –Julie

Les productions britanniques sont riches en séries courtes. Il y a bien sûr Fleabag (Amazon) et Catastrophe (Canal+), dont on vous a déjà parlé de nombreuses fois et The Office UK (Canal+), bijou d'humour cringe qui a lancé la tendance des mockumentaries. Avant de faire Fleabag, Phoebe Waller Bridge a écrit et joué dans Crashing (Channel 4), une comédie romantique très addictive qui compte seulement six épisodes. Toujours de l'autre côté de la Manche et avec une bonne dose d'humour et de tension sexuelle, on vous conseille Lovesick (Netflix) et This Way Up (Channel 4), dont la première saison est sortie en 2019.

Les Américains ne sont pas non plus en manque de comédies courtes et bien foutues. PEN15 (Canal+), dont la première saison est sortie sur Hulu en 2019, traite de l'adolescence et de la puberté avec deux actrices de 30 ans déguisées en collégiennes (on vous jure que ça fonctionne). Russian Doll (Netflix) mêle drame et comédie pour un résultat existentiel à souhait. On vous recommande également Party Down, comédie culte de deux saisons dans laquelle vous pouvez retrouver des poids lourds comiques américains comme Adam Scott, Lizzy Caplan, Jane Lynch, ou Megan Mullally. Autre série partie trop tôt: Sports Night, créée par Aaron Sorkin avant The West Wing, elle suit le quotidien d'une équipe de journalistes sportifs avec Josh Charles, Peter Krause, Joshua Malina et Felicity Huffman.

Enfin, si vous êtes d'humeur sérieuse, il y a une multitude de miniséries dramatiques dans lesquelles vous pouvez vous plonger. On vous a récemment parlé d'Unorthodox sur Netflix, on recommande aussi la bouleversante Unbelievable, avec Merritt Wever, Kaitlyn Dever et Toni Collette. La chaîne HBO est un peu la spécialiste des miniséries dramatiques (que vous pouvez retrouver en France sur OCS). Notre préférée: Sharp Objects, une histoire de meurtre obsédante dans le sud des États-Unis, réalisée par Jean-Marc Vallée et avec Amy Adams en tête d'affiche.

«Le confinement étant parti pour durer, je cherche des séries sur Netflix (ou facilement téléchargeables, mais chut). Je viens de me mettre à Better Call Saul, et je suis fan absolu de Mad Men. On me dit beaucoup de bien de The Americans, mais je souhaiterais regarder quelque chose de léger (j'aime beaucoup Parks and Recreation ou Brooklyn 99 par exemple). Vous auriez quelque chose pour moi?» – Jean-Christophe

Jean-Christophe, vous avez très bon goût en séries! Certes, se lancer dans The Americans est une grosse entreprise, mais on ne peut que vous le recommander: non seulement c'est l'une des meilleures séries de tous les temps, mais son atmosphère de fin du monde (ça se passe pendant la guerre froide) se prête particulièrement bien à la période que nous traversons. Si vous aimez vos drames historiques avec un peu moins d'assassinats, The Crown est un must sur Netflix. Sinon, pour une comédie au format court qui contient des profondeurs insoupçonnées, il y a BoJack Horseman. C'est une des meilleures séries de la décennie, et son personnage principal, un alcoolique égocentrique en quête de rédemption, a pas mal de points communs avec Don Draper.

En plus léger, GLOW, sur une équipe de catcheuses dans les années 1980, est un vrai délice. Community, une des comédies les plus réjouissantes de tous les temps, vient également d'arriver sur Netflix. Si vous aimez les sitcoms cringe, il faut évidemment regarder Arrested Development, mais arrêtez-vous à la fin de la saison 3 pour éviter les dégâts. D'autres valeurs sûres comme The Good Place ou la comédie nord-irlandaise Derry Girls vous feront rire à coup sûr. Si c'est vraiment de la comédie réconfortante que vous cherchez, tentez Gilmore Girls et Crazy Ex Girlfriend, incontournables, ou encore Au fil des jours ou Grace and Frankie. Et si vous voulez télécharger, on ne vous soufflera que deux mots: Party Down.

L'épisode culte: «Remedial Chaos Theory» («Community», S3E4)

Arrêtez tout! Community vient de débarquer sur Netflix et c'est probablement la meilleure nouvelle de ce confinement. La comédie culte compte beaucoup d'épisodes incontournables («Modern Warfare», «Basic Lupine Urology») mais le meilleur d'entre eux –si bien qu'il figure parmi nos meilleurs épisodes de la décennie– reste «Remedial Chaos Theory». Le groupe est invité à la pendaison de crémaillère de Troy et Abed. Quand le livreur de pizza sonne à la porte, Jeff propose de lancer un dé pour désigner celui qui ira la chercher. Dans un coup de maître narratif, l'épisode explore alors les sept différentes timelines créées par le lancer de dé: à chaque fois une personne différente descend et le déroulé de la soirée change complètement.

Dans l'une des timelines, Annie et Jeff s'embrassent, tandis que dans une autre Jeff finit par perdre une jambe à la suite d'une série d'accidents. L'écriture est maîtrisée de bout en bout et l'épisode nous offre de grands moments d'absurdité comique, tout en s'amusant des traits de personnalité de chacun de ses personnages –dans presque toutes les timelines Pierce parvient ainsi à caser une anecdote lubrique sur lui et Eartha Kitt. Ce qui rend cet épisode d'autant plus remarquable, c'est le message qu'il véhicule derrière ses blagues. La seule timeline où la soirée se déroule sans heurt et dans la bonne humeur est celle où Jeff, le cynique de la bande, est pris à son propre jeu et forcé d'aller chercher la pizza. Sans son jugement moqueur, Britta se lâche, commence à chanter et tous les autres la suivent. Un hymne contre la négativité à l'image de la série: drôle, brillant et audacieux.

Ces textes sont parus dans la newsletter bimensuelle (hebdomadaire pendant le confinement) Peak TV.

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