Santé

Voir son psy en période de confinement, c'est possible

Temps de lecture : 5 min

Grâce aux séances à distance le coronavirus ne fait pas obstruction au suivi psychologique en ces temps où l'anxiété peut s'intensifier et l'isolement déstabiliser.

«Une fois que l'on s'est assuré d'avoir une bonne connexion, c'est un outil agréable qui permet de faciliter la thérapie», se réjouit Anne Belgram-Perkins, spécialisée dans la thérapie centrée sur les émotions. | Štefan Štefančík via Unsplash
«Une fois que l'on s'est assuré d'avoir une bonne connexion, c'est un outil agréable qui permet de faciliter la thérapie», se réjouit Anne Belgram-Perkins, spécialisée dans la thérapie centrée sur les émotions. | Štefan Štefančík via Unsplash

«L'anxiété est normale, ne pas culpabiliser de la ressentir, c'est une pression supplémentaire. Laissez la vague passer, relaxez-vous par les moyens possibles et partagez cette émotion pour la comparer avec la réalité des choses. Ça apaise très souvent. Sinon, parlez-nous.» C'est ce que tweetait samedi 21 mars la psychiatre Fatma Bouvet de la Maisonneuve.

En ces temps de pandémie, la peur se diffuse également. «En ce moment, je conçois largement qu'on ait besoin de parler du coronavirus. Les psychologues ont un travail important en ce qui concerne l'angoisse, la peur de transmettre comme d'être contaminé», pointe la psychologue clinicienne et psychanalyste Marie-Frédérique Bacqué, spécialiste de la psychothérapie des personnes confrontées à la maladie grave, à la perte, à la mort et au deuil. Sauf qu'en période de confinement les séances de thérapie subissent, comme la psyché, la pression extérieure du Covid-19. «Nous, les psychologues, on n'a pas le droit de recevoir en cabinet», indique sa consœur Anne Belgram-Perkins, spécialisée dans la thérapie centrée sur les émotions (TCE).

Les psychologues comme les psychanalystes n'étant pas des médecins, cela ne rentre pas dans le cadre du motif dérogatoire des déplacements de santé. Les professionnel·les s'adaptent donc, et assurent la continuité des soins à distance, sans en amoindrir pour autant la qualité. «On a vraiment beaucoup de chance, glisse Marie-Frédérique Bacqué. Les patients ont des moyens de communiquer avec des professionnels de la psyché et reconnaissent que, malgré la technologie, l'écoute reste différente de celle de voisins, d'amis…»

Depuis le 25 mars, le gouvernement a aussi mis en place un numéro à appeler en cas de besoin d'un soutien psychologique.

Bonne connexion

Dimanche 14 mars, au lendemain de l'annonce de la fermeture des lieux publics considérés comme non indispensables, Anne Belgram-Perkins a contacté l'ensemble de sa patientèle, par mail ou par téléphone, pour signifier qu'elle adaptait sa pratique: jusqu'à nouvel ordre, elle les recevrait soit au cabinet, comme à leur habitude, soit à distance.

Quand le président, lundi 16 mars, a fait savoir que le gouvernement mettait en place le confinement –sans jamais en prononcer le mot–, elle a de nouveau joint ses patient·es: cette fois, puisque les consultations ne pourraient se faire en présentiel, elles auraient toutes lieu à distance. «Une fois les choses basiques mises en place, que l'on s'est assuré d'avoir une bonne connexion, en étant proche de la source wifi, que l'on est tranquille et que l'on a fermé les autres applications, c'est un outil agréable qui permet de faciliter la thérapie.»

Tou·tes ses patient·es n'ont pas réagi de la même façon. À chacun·e son choix. Certain·es, «pas à l'aise avec les entretiens à distance», ont interrompu le suivi, le temps du confinement: «Ils préfèrent me voir au cabinet en chair et en os.»

D'autres «auraient bien voulu continuer, mais ils ont leurs enfants à la maison, ce n'est pas confidentiel, et ont préféré suspendre». Si une autre catégorie encore, plus habituée aux nouvelles technologies, ne voit aucun problème à passer à la téléconsultation par le biais d'une application, certain·es n'aiment pas la visio et préfèrent se contenter du téléphone. «Il y a des patients vulnérables sur le plan psychique, qui n'ont pas beaucoup de défense. Outre que certains vivent la fracture numérique, pour ces patients, c'est un changement trop lourd et ils préfèrent le téléphone», souligne Marie-Frédérique Bacqué.

Soutien continu à distance

«En cette période de crise, ce qui est essentiel, c'est de répondre à la demande des patients, de pouvoir les soutenir et ne pas les laisser seuls», appuie Anne Belgram-Perkins. Elle, habituée en temps normal à passer par Zoom, une plateforme sécurisée selon ses termes, est prête en ce moment à utiliser WhatsApp, Skype ou Facetime si Zoom ou d'autres outils professionnels comme doxy.me ne fonctionnent pas. Comme par le téléphone. Ainsi que le formule sa consœur, également familière des téléconsultations, qu'elle pratique avec une partie de sa patientèle et qui aimerait toutefois disposer d'outils qui garantiraient totalement l'opacité et la confidentialité des échanges, «c'est toujours mieux que rien».

Quelle que soit la modalité choisie par les patient·es, l'important, du côté des soignant·es, c'est d'être sécurisant comme transparent. «Pour que ça se passe bien, nous, thérapeutes, qui sommes une base de sécurité et d'attachement, devons être extrêmement rassurants, accentue la spécialiste des TCE. Si nous sommes à l'aise, avons une communication claire à la fois sur le changement de modalité et sommes rassurants par rapport à cette crise sanitaire en donnant des explications claires, alors les patients seront rassurés.» Même vision des choses du côté de Marie-Frédérique Bacqué, qui insiste aussi sur la nécessité, terre à terre, d'être à l'aise avec la bureautique des deux côtés de l'écran.

Du divan à l'écran

Autre point tranquillisant, martèle la psychanalyste, également professeure des universités de psychopathologie clinique à l'université de Strasbourg: «Ce n'est pas une thérapie au rabais. C'est une vraie psychanalyse, même si les gens ne sont pas sur un divan. Le principe de base est de laisser le patient s'exprimer. On utilise la théorie psychanalytique, le principe de libre association, l'analyste est inconditionnellement présent… En téléthérapie, les échanges sont d'une qualité similaire à celle en présentiel. L'espace psychique de la consultation est virtuel mais non moins réel, la qualité de la parole et la potentialité de l'interprétation ne changent pas. Et les gens ont toujours la même volonté de se soigner et d'aller mieux.»

Comme le détaille Anne Belgram-Perkins, «on se voit de la taille jusqu'en haut, il n'y a pas besoin de voir les pieds, car tout ce qui est non verbal reste visible, les expressions du visage, la présence émotionnelle». Avec une semaine de recul, ses patient·es nouvellement téléconsultant·es sont même agréablement surpris·es: «Les personnes pour qui c'est une nouvelle façon de travailler me disent: “Ah oui, je vous retrouve bien.”» Et songent parfois poursuivre post-confinement et ponctuellement ce nouveau mode de consultation, individuelle ou conjugale, car il permet d'éviter le stress des déplacements comme celui généré par la garde d'enfants.

Quant à celles et ceux qui se sentent particulièrement vulnérables en ce moment, Anne Belgram-Perkins projette soit d'augmenter la fréquence des séances pour qui a le budget et le temps, soit, pour les autres, de couper les séances en deux et de les répartir sur la semaine, de façon à assurer un contact plus régulier et couper ainsi court à l'isolement. Au lieu d'une heure par exemple, ce serait deux fois une demi-heure. «Je n'ai pas encore eu à la proposer [...], mais je l'ai en tête. Nos collègues italiens ont fait ainsi et j'envisage de le proposer aux personnes isolées qui en auraient besoin. Cela permet de traverser une crise.» Même à distance.

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