Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d'autres, spécialistes du sujet, leur répondent.
La question du jour: «Quelles sont vos fausses étymologies préférées? C'est-à-dire des explications pour des mots qui semblent plausibles, mais qui ne le sont d'aucune façon.»
La réponse de Simon Labrunie, amoureux des mots et des langues:
- Bistrot, du russe bystro «vite». Remonte aux Cosaques qui défilèrent à Paris après la victoire des membres de la coalition anti-napoléonienne, qui s'installaient dans les estaminets parisiens et demandaient à être servis «vite»!
Eh non. Le mot n'est pas signalé avant la fin du XIXe siècle; peu de chance qu'il remonte à 1814 ou 1815. Il semble qu'il faille plutôt le rapprocher de termes dialectaux comme bastringue (à peu près le même sens) ou bistrouille (mélange de vin et de café, par extension, mauvaise boisson ou nourriture). - Truchement, de truc (au sens d'astuce ou procédé caché), et du suffixe –ment.
C'est bien mieux: de l'arabe turjumân «interprète», du verbe tarjama «traduire», de l'araméen targam, de la racine sémitique R.G.M. «tourner». Oui: traduire, c'est tourner son propos d'une façon radicalement différente.
Avant d'apprendre l'arabe, j'analysais inconsciemment truchement comme truc+–ment. Je ne dois pas être le seul francophone à le faire, vu que le mot a glissé vers un sens nettement plus abstrait.
Tant qu'on est dans l'arabe, une vraie étymologie.
- Amour-en-cage. Le vrai nom de ce fruit est alkékenge, de l'arabe al-kâkanj… mais vu son aspect, le rapprochement était inévitable, et le mot a été très plaisamment déformé par les Français·es.