La chaîne des Relais & Châteaux a admis une douzaine d'hôtels-restaurants bretons, bien répartis des bords de Manche à l'Atlantique. «C'est la vie en bleu», indique Philippe Gombert, lui-même hôtelier à Rocamadour (Lot), président élu par les 580 adhérent·es recensé·es dans le guide annuel gratuit (814 pages).
Voici une sélection de maisons sur la mer où le bonheur de (bien) vivre se conjugue à la santé, à la bonne chère (étoilés Michelin) et le ressourcement de soi.
Le Domaine de Rochevilaine
Le site majestueux sur les flots à la pointe de Pen Lan renvoie à la Bretagne des origines: à 28 kilomètres de Vannes, la mer est à vos pieds le long des rochers et du chemin des douaniers. En face de vous, l'horizon liquide, les eaux grises réchauffées par l'astre solaire présent tous les jours que Dieu fait, le microclimat est ici le cadeau de la météo, l'hiver est doux en dépit des bourrasques, l'air marin revigorant, salutaire pour les résidents choyés, émus quand les tempêtes ont disparu.
Vue du ciel du Domaine de Rochevilaine | © Jérôme Mondière
Oui, le village de Billiers c'est le bout du monde marqué par le porche de Rochevilaine: 300 mètres de façade maritime privée. Exposé plein sud, ce complexe de maisons de pierres et d'ardoise réparties dans le jardin arboré n'a rien d'un hôtel classique: vous êtes dans un hameau baigné par la houle, cerné par les arbres, les massifs de fleurs et la vue panoramique sur les eaux sonores. Ici, l'océan vous parle.
Des bâtiments alentours, rien n'est d'aujourd'hui sauf le spa. Les manoirs des XVe et XVIe siècles, la Maison des Pêcheurs, la Villa du Vicomte du XIXe siècle, la Longère (maison) des Peintres, le château de granit et de verre abritent la piscine couverte (33 degrés) au cœur de Rochevilaine –voilà un ensemble architectural de charme, de paix et de confort cinq étoiles.
Au Domaine de Rochevilaine, une chambre au Manoir des Cardinaux | © Jérôme Mondière
Bâti voici plus d'un demi siècle, le Relais breton-bretonnant est bien vivant, fréquenté toute l'année par des amoureux de ce site sauvage ô combien amendé par l'homme et les différents propriétaires qui ont su peaufiner et embellir l'environnement.
En une centaine d'années, quatre propriétaires ont dompté la presqu'île sinueuse pour en faire ce qu'elle est aujourd'hui, un haut lieu d'hospitalité civilisée, de cuisine marine raffinée, en plus de l'établissement de soins et de remise en forme: Meilleur concept bien-être, spa et fitness en 2007, World Luxury Spa Awards en 2013. Et l'un des Relais les plus prisés de la chaîne française.
Au Domaine de Rochevilaine, une chambre Comptoir des Indes | © Jérôme Mondière
Rendons grâce au Vicomte de Saint Belin qui a inauguré la fonction balnéaire de Pen Lan, à la pointe de Rochevilaine. La maison carrée au centre du site fut sa résidence estivale. Puis c'est un industriel de la mécanique, Henri Dresch, fabricant de motos rouges (12.000 motocyclistes satisfaits), qui crée en 1950 le domaine hôtelier luxueux et ses bâtiments aménagés à base de pierres de taille anciennes récupérées dans la région –ce fut un visionnaire de l'hôtellerie de loisirs.
Au Domaine de Rochevilaine, le duplex Mer et Voiles | © Jérôme Mondière
Il ouvre un bon restaurant, un bar-crêperie tenu par un boxeur, Charlot –Rochevilaine est un chantier incessant. Des tapisseries d'Aubusson voisinent avec des meubles, et la réputation de Rochevilaine grandit. Henri Dresch reçoit Georges Pompidou, Philippe de Rothschild... Le baron Bich, fou de voile, veut racheter l'hôtel admis dans l'Association des Relais de Campagne (1964), avant les Relais & Châteaux. Henri Dresh aura vécu plusieurs vies, il meurt en 1978, Pen Lan l'avait adopté.
En 1986, un médecin client, Jean-Pierre Liégeois, propriétaire de plusieurs cliniques à Paris et à Nantes, se porte acquéreur de Rochevilaine pour en faire un centre d'aqua-thérapie, inspiré par la thalasso de Louison Bobet. De là est créée la table de pierres phéniciennes chauffées, idéales pour les massages, c'est la grande spécialité de Rochevilaine (une heure, 92 euros), tous les résident·es s'offrent ce soin bienfaisant pour le corps et la relaxation.
C'est Jean-Pierre Liégeois, une tête pensante, qui recrutera comme directeur Bertrand Jaquet, propriétaire du Grand Hôtel de Solesmes dans la Sarthe. C'est ce personnage distingué, d'une intelligence supérieure, ex-cuisinier étoilé qui invente le terme de «spa marin» pour un établissement huppé dont il devient propriétaire en 2004.
Il construit une seconde piscine extérieure, les chambres sont toutes différentes, avec la vue sur la mer: le plus de Rochevilaine, ce sont le rêve, les songes, le voyage permanent.
Là encore, c'est une famille unie, l'épouse, deux filles et Bertrand Jaquet, le concepteur du Relais du XXIe siècle, qui gèrent Rochevilaine, et non un groupe hôtelier aux objectifs serrés de rentabilité –un Relais est une œuvre humaine chargée de sens et d'harmonie.
Et ici, dans ce panorama ancestral peuplé de mouettes, Bertrand Jaquet ne ferme jamais Rochevilaine, une exception notable. Ces maisons ancrées sur les rochers, le restaurant et le spa reçoivent des client·es toute l'année, d'une superbe fidélité –le Relais est un vrai paradis terre-mer. On y revient!
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La cuisine marine du breton Maxime Nouail, étoilé en 2014
Ce chef au physique athlétique, regard vif et langage châtié, a pris la succession de Patrice Caillault, grand cuisinier étoilé, parti à la retraite en 2006.
Au restaurant du Domaine de Rochevilaine, tout est bon dans le cochon! | © Olivier Marie
Formé par Claude Deligne, ex-grand maître du Taillevent à Paris, trois étoiles pendant 25 ans, Caillault a enraciné son œuvre culinaire dans ce territoire marin et agricole rythmé par les cadeaux de la nature: les huîtres de Pénerf et de la baie de Quiberon, le homard dans tous ses états en plusieurs services, des poissons sauvages de proximité.
Au restaurant du Domaine de Rochevilaine, les couteaux de nos baies bretonnes cuisinés en persillade | © Olivier Marie
Et les plats de toujours issus de la campagne bretonne (légumes). Toutes ces réjouissances de bouche ont été transmises à Maxime Nouail, son bras droit, passé par le Château de Treyne à Lacave (Dordogne) et promu second par le maestro Caillault, très apprécié du Michelin.
Au restaurant du Domaine de Rochevilaine, les pétales de Saint-Jacques marinées aux agrumes, cocktail de choux et caviar Petrossian | © Olivier Marie
«Il a été mon père spirituel, c'était un as du poisson qui se fournissait en matières premières tout près de Rochevilaine afin de conserver toute leur fraîcheur, les pigeons du Morbihannais, les framboises Tulameen de Damien Rio et la tomme de Madon près de Muzillac. J'ai repris ses principes de respect des produits», confie Maxime Nouail, le regard posé sur les eaux mouvantes.
La salle du restaurant au Domaine de Rochevilaine | © Christian Vallée
Bien conscient de ses responsabilités, Maxime Nouail a réfléchi sur les aléas de son métier de cuisinier de la mer. Comme Christophe Coutanceau, le nouveau trois étoiles de La Rochelle (bien récompensé par le guide rouge), il conteste l'appellation de «poissons nobles» si prisés par d'excellents restaurateurs. Il n'y a pas que la sole, le turbot, les langoustines et les crustacés dans le répertoire d'un cuisinier pêcheur, comme le soutiennent le Rochelais et le bon chef de Rochevilaine pilotant et pêchant sur son kayak.
Au restaurant du Domaine de Rochevilaine, le caquelon de homard et ses petits légumes | © Olivier Marie
La vieille est un poisson extraordinaire au barbecue par sa chair, la vive, le grondin sont excellents, l'ormeau ferme aussi –et l'on sait où les pêcher.
De même, Maxime Nouail a sélectionné un choix de maraîchers qu'il connaît parfaitement, refusant les sollicitations nombreuses de livreurs de poissons sans origine ni date de capture. Des langoustines d'où? De Thaïlande, d'Espagne, de la mer du Nord? «Le respect des clients commence par la qualité certifiée des matières premières à transformer», souligne Maxime Nouail, jamais absent de Rochevilaine.
Au restaurant du Domaine de Rochevilaine, le ris de veau braisé, déclinaison de betterave | © Olivier Marie
De la campagne bretonne, il travaille le lapereau farci à la truffe, cuisses en effiloché, escorté d'asperges (37 euros) et la volaille blanche de la ferme du Rahun est rôtie, servie en deux services (39 euros). Exquis velouté de champignons blonds et œuf bio cuit parfait (20 euros).
Au restaurant du Domaine de Rochevilaine, le carpaccio de homard et le sorbet de homard rôti | © Olivier Marie
Disons-le, ce chef d'une grande rigueur, perfectionniste en diable est le prince du homard breton, auteur d'un admirable menu en quatre services (113 euros) qui draine toute la population des bons gourmets d'ici et d'ailleurs. Le voici:
• Le salpicon de homard en vinaigrette de miel
• La bisque de homard crémeuse (chef-d'œuvre)
• Les pinces de homard servies chaudes et cucurbitacées
• Le homard rôti au beurre de baratte demi-sel et sauce coraillée (parfait)
• Les ravioles passion, fruits exotiques infusés au Kari Gosse, sorbet passion
Au restaurant du Domaine de Rochevilaine, les ravioles passion, fruits exotiques infusés au Kari Gosse, sorbet passion | © Olivier Marie
Oui, c'est le must d'un séjour à Rochevilaine, un enchantement de saveurs, de textures –quels parfums! Maxime Nouail passe cinq tonnes de homard par an. Il sait où sont les criées de saison au Croisic, à Roscoff... Les homards de 650 grammes à 1,3 kilo sont servis crus, pochés, rôtis, chauds et froids, jamais issus d'un vivier. Les goûts varient, riches de notes sucrées, iodées, fondantes, et la divine gelée d'un cuisinier très doué. Une table sur cinq veut des crustacés bretons.
Au restaurant du Domaine de Rochevilaine, le soufflé au Grand-Marnier traditionnel | © Olivier Marie
À brève échéance, les homards seront bagués, numérotés comme les canetons de Challans à La Tour d'Argent. Un Bourgogne blanc séveux est proposé par le sommelier expert, Hervé Guinoiseau, connaisseur de Muscadets minéraux.
Et puis Rochevilaine est aujourd'hui un Relais breton modèle. Directrice du restaurant ouvert sur la mer, Cécile, la fille de Bertrand Jaquet, a épousé le beau Maxime. Rien de tel qu'une famille unie pour charmer les visiteurs et affronter l'avenir en toute sérénité. Allez-y! Une destination hors du commun.
Sur la photo, Cécile Nouail à gauche, Bertrand Jaquet au milieu et Maxime Nouail à droite, chef du restaurant au Domaine de Rochevilaine | © Olivier Marie
Pointe de Pen Lan 56190 Billiers. Tél.: 02 97 41 61 61. Menu du Marché au déjeuner à 44 euros sauf le dimanche et les jours fériés, de Saison à 80 euros (4 plats), Confiance à 113 euros (7 plats). Carte de 60 à 130 euros. Pas de fermeture. Spa à partir de 50 euros, 7 soins à 310 euros, nombreux forfaits. Voiture à la gare de Vannes. Chambres à partir de 199 euros.
À lire: Sous les vents de Pen Lan : Le Domaine de Rochevilaine, un livre-album en couleurs sur l'histoire du Relais & Châteaux par Bertrand Jaquet. Plume élégante. En vente à la réception (38 euros).
Six Relais & Châteaux en Bretagne
Castel Clara Thalasso & Spa à Belle-Île-en-Mer
Érigé sur un promontoire de rochers, deux bâtisses imposantes au-dessus de la baie de Goulphar accueillent les amoureux de l'île chère à Gustave Flaubert, à Claude Monet et Sarah Bernhardt. Un écrin enchanteur et dépaysant. Soins d'eau de mer, cuisine élégante de Frank Moisan au restaurant 180°. On y revient toute sa vie.
Au Castel Clara, le poulpe juste snacké, gaspacho de tomates en deux textures et sorbet roquette du chef Frank Moisan | © Relais&Châteaux
Port Goulphar 56360 Bangor. Tél.: 02 97 31 84 21. Menus Saveurs de Belle-Île à 95 euros et Homard à 120 euros. Le restaurant est ouvert tous les soirs excepté les dimanches et lundis (en basse saison). 63 chambres à partir de 180 euros. Embarquement à Quiberon pour 20 minutes de mer jusqu'au port de Belle-Île.
Le Castel Marie-Louise à La Baule
Beau manoir Belle Époque face à la mer refait par Jacques Garcia, terrasse, jardin et soins au centre de thalasso. Cuisine étoilée d'Éric Mignard, pigeon de Mesquer (plat signature), homard, poulpe et crémeux d'araignée. Le confort bien vu.
Au Castel Marie-Louise, coques et algues du chef Éric Mignard | © Fabrice Rambert
1 avenue Andrieu 44500 La Baule-Escoublac. Tél.: 02 40 11 48 38. Menu Marie-Louise à 85 euros (6 plats). Pas de fermeture. Chambres à partir de 194 euros.
Anne de Bretagne à La Plaine-sur-Mer
Sur la côte de Jade, un cadre de choix sur la mer. Excellente carte poissonnière du chef Mathieu Guibert, double étoilé: araignée du Croisic, cabillaud de ligne au caviar, sole. Promenades sur la Côte Atlantique dans l'air marin.
À restaurant de l'Hôtel Anne de Bretagne, la sole meunière aux noisettes torréfiées du chef Mathieu Guibert | © Anne-Emmanuelle Thion
163 boulevard de la Tara 44770 La Plaine-sur-Mer. Tél.: 012 40 21 54 72. Menu au déjeuner à 39 euros sauf le dimanche, et 77 euros (4 services). Pas de fermeture. Chambres à partir de 149 euros.
Château de Locguénolé
Demeure historique sur un bras de mer mis en valeur par la famille de La Sablière. Site de toute beauté, tapisseries, cheminée en granit superbe, maison de maître. Cuisine étoilée de Jérémie Louis au restaurant Le Maubourg, un as du beurre blanc.
Au Château de Locguénolé, la poire Comice rôtie du chef Jérémie Louis | © Hervé Cohonner
56700 Kervignac. Tél. 02 97 76 76 76. Restaurant fermé lundi et mardi midi. Chambres à partir de 97 euros.
Manoir de Lan Kerellec
Sur les rochers de la côte de granit rose, une étonnante demeure familiale du XIXe siècle. Au loin, les trois îles de Milliau, Molène et Losquet de l'archipel, un site classé Réserve naturelle d'oiseaux depuis 1976. Cuisine dans un décor de bateau renversé du chef étoilé Anthony Avoine. Langoustines, homard breton sauce à la truffe, Saint-Jacques de la baie.
Au Manoir de Lan Kerellec, la langoustine du chef Anthony Avoine | © Relais&Châteaux
9 allée centrale de Lan Kerellec 22560 Trébeurden. Tél.: 02 96 15 00 00. Menus à partir de 45 euros. Restaurant ouvert pour le dîner, et du vendredi au dimanche pour le déjeuner. Chambres à partir de 212 euros.
Les Maisons de Bricourt, le Château Richeux à Saint-Méloir-des-Ondes
Face à la baie du Mont-Saint-Michel, la demeure patricienne des Roellinger. Le père, premier chef breton triple étoilé, a laissé les fourneaux à Hugo son fils, un cuisinier qui prend des risques, l'as des algues et des épices, une expérience hors du commun. Cadre verdoyant digne d'un beau Relais breton.
Au restaurant Le Coquillage du Château Richeux, le petit maquereau de la baie à la poudre de braise et cueillette de druide | © Hugo Roellinger
Le Buot 35350 Saint-Méloir-des-Ondes. Au restaurant Le Coquillage, menus à 72, 75 et 139 euros. Tél.: 02 99 89 64 76. Pas de fermeture. Chambres à partir de 285 euros.