Politique / Santé

Emmanuel Macron positif au Covid-19: quels scénarios au sommet de l'État?

Temps de lecture : 4 min

Plusieurs solutions sont envisageables, selon la gravité de sa maladie.

La Constitution prévoit une disposition particulière. | Christophe Ena / POOL / AFP
La Constitution prévoit une disposition particulière. | Christophe Ena / POOL / AFP

En février 2020, nous examinions les différentes hypothèses d'une contamination du président de la République française au nouveau coronavirus, à la suite d'une poignée de main avec un responsable politique slovaque dont on suspectait qu'il avait été infecté. Nous republions cet article ce 17 décembre, Emmanuel Macron ayant été diagnostiqué positif au Covid-19.

Que se passerait-il si Emmanuel Macron était atteint du coronavirus Covid-19? La question n'est pas si loufoque et la récente annonce de l'infection du vice-ministre iranien de la Santé montre que les hommes politiques n'échappent pas à l'épidémie mondiale. Sachant que le Covid-19 peut se transmettre après un contact étroit avec un malade, comme lors d'une simple poignée de main qui vient d'être contaminée par un éternuement, les chef·fes d'État, qui sont de grand·es adeptes du serrage de paluches, sont exposé·es à une possible infection.

Une poignée de main en particulier a retenu l'attention des réseaux sociaux: celle entre le président Macron et le Premier ministre slovaque Peter Pellegrini, à l'occasion d'un sommet européen qui s'est tenu à Bruxelles les 20 et 21 février dernier. Quatre jours seulement après leur rencontre, Peter Pellegrini a été hospitalisé en urgence en raison d'une infection des voies respiratoires, couplée d'une forte fièvre –ce qui correspond aux symptômes du coronavirus.

Si la rumeur d'une possible infection du Premier ministre au Covid-19 a rapidement été démentie par les autorités slovaques –il s'agirait en fait d'une pneumonie classique– une question persiste: que se passerait-il si le président de la République française attrapait le coronavirus?

Toujours président?

Dans l'hypothèse purement fictive d'une contamination, le président de la République commencerait à ressentir les premiers symptômes de ce virus après une période d'incubation pouvant aller jusqu'à quatorze jours –juste assez de temps pour aller serrer un nombre de main incalculable au Salon de l'agriculture.

Quelques jours après, pris de fièvre et avec des difficultés respiratoires, Emmanuel Macron n'aurait d'autre choix que de chambouler son agenda pour rester cloué à son lit, probablement celui d'un hôpital, où une myriade de médecins se succéderaient pour observer la moindre variation de son état physique.

De quoi mettre sa présidence en danger? Tout dépend de la gravité de la maladie selon Olivier Duhamel, spécialiste du droit constitutionnel et de la Ve République.

«En cas de vacance de la présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou dans le cas d’un empêchement, dû éventuellement à une maladie, les fonctions du président peuvent être provisoirement exercées par le président du Sénat selon une disposition constitutionnelle à l'article 7 de la Constitution. Mais pour cela, il faut que la question de l'empêchement soit posée par le gouvernement. Si le gouvernement décide que la question se pose, il saisit le Conseil constitutionnel qui décidera alors à la majorité absolue de ses membres si un intérim présidentiel s'impose.»

En d'autres termes, l'actuel président du Sénat, Gérard Larcher, assurerait l'intérim d'Emmanuel Macron seulement dans le cas extrême où ce dernier tomberait très gravement malade, au point que le gouvernement déciderait de saisir le Conseil constitutionnel. Le degré ou le type de maladie à partir duquel cette disposition constitutionnelle intervient n'étant pas défini clairement, l'évaluation de la situation se fera en toute logique sur la base d'un constat médical commandé par le gouvernement.

Plusieurs cas de figure

Trois cas de figure sont alors envisageables. Dans l'hypothèse où le président de la République succomberait à cette maladie –ce qui est très peu probable au vu du taux de létalité du virus, qui est d'environ 3%–, l'empêchement est constaté comme définitif et de nouvelles élections présidentielles ont lieu dans les trente-cinq jours qui suivent.

Si l'empêchement est au contraire considéré comme provisoire, le président par intérim gouverne temporairement, le temps que le chef de l'État se rétablisse et retrouve ses fonctions.

Enfin, cas le plus probable selon Olivier Duhamel, «le président sera vraisemblablement mis en quatorzaine comme tous les autres», mais son état ne serait sûrement pas assez grave et prolongé et «ça ne l'empêchera pas d'exercer ses fonctions».

Emmanuel Macron, âgé de 42 ans, ne fait en effet pas partie des personnes les plus prédisposées aux complications mortelles, comme les personnes âgées qui constituent la majeure partie des 2.765 décès liés à cette épidémie.

Ces présidents malades

Reste que, pour le politologue, cette règle constitutionnelle de l'article 7 est «quasiment inapplicable»: le remplacement du président de la République n'interviendrait que s'il devenait «totalement aphasique, pour qui il serait presque impossible de parler, et que cela soit connu et visible» –comme un Bouteflika par exemple. Cette situation n'est encore jamais arrivée sous la Ve République.

Si deux présidents, Georges Pompidou et François Mitterrand, ont été sérieusement atteints par la maladie durant leur mandat, d'autres sont passés brièvement par la case hôpital alors qu'ils exerçaient encore leur fonction de chef de l'État, comme Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac.

Nicolas Sarkozy a en effet connu deux courts séjours à l'hôpital alors qu'il siégeait à l'Élysée. L'un en 2007, pour subir l'ablation d'un abcès à la gorge; l'autre en 2009, après avoir fait un malaise lors d'un jogging. Jacques Chirac a quant à lui été hospitalisé pendant une semaine entière en 2005 pour un AVC. Cet accident l'avait contraint à alléger son emploi du temps, à reporter trois visites à l'étranger et à limiter durant un mois ses activités publiques à des entretiens à l'Élysée.

Pour autant, aucun d'entre eux, même pas Georges Pompidou, atteint de la maladie de Waldenström, ni François Mitterrand, atteint d'un cancer de la prostate, n'ont été empêchés d'exercer leur fonction présidentielle en vertu de cette règle constitutionnelle.

«Pour Georges Pompidou il ne semblait pas que la maladie altérait gravement ses fonctions, ajoute Olivier Duhamel. Pour François Mitterrand, c'était moins un problème de lucidité ou de capacité intellectuelle que des moments d'immenses douleurs dans lesquels il était obligé de se tenir au repos. Disons que l'on était dans la zone grise.»

Il faudra attendre la mort du premier pendant son mandat, en 1974, pour connaître la deuxième présidence par intérim sous la Ve République. Celle de 1969 avait été induite par la démission de Charles de Gaulle.

Si à l'époque, il avait été possible pour ces deux présidents de garder secrète leur maladie malgré la douleur, il est difficile d'imaginer qu'aujourd'hui, à l'ère des réseaux sociaux et de la transparence, qu'un président puisse cacher une hypothétique infection au coronavirus.

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