Jusqu’au 30 août 2020 à Paris, le Palais de la découverte propose au public une exposition intitulée De l’Amour, conçue comme une exploration des territoires amoureux. Œuvres d’art et textes d’auteurs et autrices célèbres, nouvelles technologies, typologie de l'amour et du désir sexuel: l’exposition ne cesse de naviguer entre art et science, invitant ses visiteurs et visiteuses à un voyage ludique et sensoriel à travers ses différentes galeries thématiques.
Depuis la nuit des temps, l’amour est le sujet d’inspiration privilégié des artistes de tous les corps. Les affres de la rupture, les souffrances créées par l’amour à sens unique, le bonheur d’être amoureux ou amoureuses à deux: le spectre est tout à fait étendu, permettant aux plus grands talents de toutes les époques d'offrir au public des visions de l’amour toujours singulières, toujours universelles.
L'art, c’est d’ailleurs la première réponse qui vient à l’esprit quand on cherche une définition du sentiment amoureux. On pense au Baiser de Rodin, aux chansons d’Edith Piaf, au Printemps de Botticelli ou à Belle du seigneur d’Albert Cohen. L’art, et les histoires d'amour, contribuent très largement à la définition du sentiment amoureux.
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Euphorie et pression artérielle
Mais les scientifiques arrivent aujourd’hui à définir l’amour selon des symptômes physiques et psychologiques précis. En 2004, dans Love Sick: Love as a Mental Illness, le psychologue clinicien Frank Tallis évoquait plus concrètement cette série de signes caractéristiques de l’amour, où tous les amoureux et toutes les amoureuses pourront apparemment se reconnaître.
En tête de liste: euphorie, sautes d'humeur, redéfinition de l'estime de soi, envie de pleurer, perte de concentration et trouble du sommeil, manque d’appétit, stress se traduisant par une pression artérielle élevée, douleurs dans la poitrine et au cœur, trouble obsessionnel-compulsif (soucis et préoccupations superficielles), réactions psychosomatiques telles que les maux d'estomac, des étourdissements et de la confusion.
Les psychologues Helen Fischer (de l’université américaine de Rutgers) et Anik Debrot (de l’université suisse de Lausanne) ont quant à elles étudié l’amour sous la forme de huit marqueurs réactionnels: authenticité, attention spécifiquement portée sur l’être aimé, appréciation des relations sexuelles, empathie, possessivité, vision de l’autre centrée sur le positif, plaisir en sa compagnie et envie de lui rendre la vie plus douce.
De son côté, Kate Rose évoque dans l'essai You only fall in love three times trois types d’amours vécues tout au long de la vie: l’amour idéaliste, l’amour de nécessité et l’amour inattendu. Pour la journaliste et autrice, ce dernier serait le plus beau et le plus long puisqu’il profiterait de la maturité acquise tout en gardant une part d’innocence.
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Mille histoires
Dans le livre tiré de l’exposition, De l'amour, fragments d’un discours scientifique, ainsi que dans son essai Il n’y a pas d’amour parfait, le philosophe Francis Wolff définit l’amour comme «le moteur tout puissant de nos vies ordinaires et le motif de mille histoires, grandioses ou banales», ajoutant que le sentiment amoureux a «inspiré les chants les plus déchirants, les meilleurs romans ou les pires, des comédies irrésistibles, des tragédies bouleversantes».
Il questionne: «Ella Fitzgerald a chanté "What is this thing called love?" Bonne question! Car l’amour, on le veut, on le vit, on le vante, on ne le définit guère. Définir, dira t-on, quel pensum! N’est ce pas le meilleur moyen de tuer l’amour que de le mettre en concepts? Chacun n’a-t-il pas sa manière d’aimer? Chaque histoire est singulière, n’est-ce pas? Et puis définir l’amour, n’est ce pas enfermer les sentiments et les émotions dans des normes rigides? Ces objections sont légitimes. Pourtant l’exercice définitionnel, pour ingrat qu’il paraisse, peut nous éclairer sur ce que nous vivons et sentons.»
Pour Francis Wolff, «l’amour est donc la fusion intime de ces deux composantes: désir et amitié. Désir de l’autre, en tant qu’autre et amitié comme relation à l’autre. Du premier élément, l’amour hérite d’être essentiellement à sens unique, mais du second il hérite l’aspiration à la réciprocité».
Qu’est ce qu’être amoureux ou amoureuse? Cette vaste question fait s'entrechoquer plusieurs réponses, autant dans le domaine de la fiction qu'en termes de réflexion pure, et aussi bien en art que dans les sciences. Être amoureux ou amoureuse en dit autant sur soi que sur l’autre. L’action d’aimer engage celle de vivre une histoire d’amour et donc d’ajouter son histoire à l’infinité d’histoires déjà vécues, écrites, chantées, analysées.
Fragments du sentiment amoureux
Avec son exposition, le Palais de la découverte apporte des réponses. Les curieux et curieuses, amoureux et amoureuses sont invité·es à rechercher leurs propres définitions, qu’elle se situent du côté de la pathologie (comme dans les écrits de Frank Tallis) ou du romantisme (comme pour ceux de Kate Rose).
Pour l’autrice de cet article, se demander ce qu’est l’amour, c'est aussi l'occasion de regarder derrière soi, dans son propre passé amoureux, et de construire ainsi de meilleures fondations pour les amours futures. S'interroger sur le sentiment amoureux, c’est aussi se demander quel genre d’amoureux ou d’amoureuse on a pu être. C'est aussi se retourner sur les histoires d’amours fictives ou vécues qui ont marqué nos imaginaires respectifs.
Au moment de nous retourner sur nos histoires d'amour ou sur celles des gens qui nous entourent, on finit tôt ou tard par devoir aussi se demander ce qu’est un bel amour, et quels fragments du sentiment amoureux nous emporterons avec nous. Là encore, les réponses devraient s'avérer extrêmement diverses et joliment variées. Si l’amour est aussi vieux que le monde, il reste encore un sujet d’étude et de passion inépuisable, une aspiration pour beaucoup et une réalité pour autant. La moindre question pouvant sembler générale apporte des réponses infinies, multiples et riches. Uniques comme l’amour.