La fonction de maire fait aujourd'hui face à une transformation du paradigme qui fondait l'action publique locale: les collectivités territoriales sont passées de l'administration de la chose publique à une gouvernance de l'action publique, détournant le rôle d'administrateur des maires vers un rôle de manager.
Certes, la casquette d'administrateur subsiste. Il s'agirait plutôt d'évoquer une hybridation du statut de maire, qui concilie aujourd'hui la traditionnelle mission de service public, avec les nouvelles manières de gouverner l'espace public.
Notions de performance et d'efficacité
Ainsi, les maires font cohabiter un rôle public, qui nécessite de respecter un cadre juridique drastique tel que prévu par le code général des collectivités territoriales ou encore les règles textuelles et jurisprudentielles, avec un environnement de plus en plus managérial intégrant les notions de performance, d'efficacité et tous les indicateurs d'actions provenant du secteur privé.
Les maires ne peuvent endosser ce rôle de manager correctement qu'en nouant des collaborations à l'intérieur de la collectivité et à l'extérieur de la collectivité. Les collaborations peuvent se faire aussi bien lorsque les maires agissent pour le compte de la collectivité en faisant des partenariats public-privé, qu'en mettant en place des mécanismes de décision publique intégrant les administré·es. C'est le produit d'un management de nature externe favorisant une inclusion économique et citoyenne.
Cette inclusion économique permet de réduire les coûts de l'action publique territoriale en ayant recours à des marchés publics faisant appel au secteur privé. Les maires vont ainsi prendre en compte le critère du mieux-disant pour retenir l'offre de service ayant le meilleur ratio coût/efficacité pour la collectivité. Concernant l'inclusion citoyenne, elle permet une démocratie de proximité favorisant une prise de décision collective des administré·es sur des problématiques les concernant directement.
Cette collaboration a un second volet beaucoup plus concret pour traduire la fonction de manager des maires: la collaboration interne intégrant des personnes extérieures à l'intérieur de la collectivité.
Des maires DRH
Dans le secteur public, les maires, fixant la politique de recrutement de la collectivité, jouent ainsi un rôle de responsable des ressources humaines. Le recrutement se fait sur la base du statut de la fonction publique territoriale, mais la possibilité de recruter des contractuel·les existe également. Cette deuxième option permet aux maires d'avoir plus de flexibilité car elle leur enlève le souci de respecter scrupuleusement le cadre statutaire de la fonction publique. Par ailleurs, leur gestion doit permettre de trouver un équilibre entre les ressources et les dépenses de la collectivité. Cela implique de veiller à ne pas avoir une masse salariale trop conséquente.
Ajoutons que les maires, dans leur fonction managériale, peuvent mettre en place des dispositifs de travail innovants empruntés au secteur privé, comme le télétravail, pour permettre au personnel municipal d'avoir un équilibre vie privée/vie professionnelle. Il leur est aussi possible de mettre en place des mécanismes incitatifs de lutte contre l'absentéisme par l'allocation de primes, ou encore des primes aux résultats pour favoriser l'implication des fonctionnaires territoriaux.
La taille de la commune est un critère important dans cette notion de maires managers, puisque plus une commune est grande, plus les espaces de collaborations seront manifestes dans l'espace interne et externe. De même, plus une commune sera implantée dans un territoire urbanisé, plus cette dimension managériale s'imposera, car l'urbanisation produit un échange des pratiques du secteur privé avec le secteur public créant de fait une interdépendance des deux secteurs.
Réalité politique
Un autre critère permet aussi de situer les maires dans une configuration managériale, c'est la configuration politique. En effet, les communes, dans l'organisation décentralisée française, unissent leurs actions dans des structures de coopération intercommunales. Ces entités sont les nouvelles arènes de gouvernance, puisque la mutualisation de l'action des communes implique une pluralité des sources pour certains financements stratégiques. Dans ces structures, les maires doivent savoir gérer de manière efficace les intérêts de leur commune en faisant des compromis.
Toutefois, le rôle de maire garde une dimension politique évidemment plus prononcée que celui de manager. Ce rôle implique notamment de gérer sa majorité, de sorte qu'elle fasse passer des délibérations municipales en conseil municipal. Il faut donc susciter l'union sacrée dans ses rangs politiques, et parfois avec l'opposition en nouant des coalitions ou des alliances de circonstances.
Surtout, si le fruit de ce travail peut être évalué par des tableaux de bord sociaux, des chiffres, des actions concrètes, le scrutin reste la seule évaluation qui vaille. C'est souvent lors d'une élection municipale que les maires peuvent présenter les résultats de leur action pour la commune, et c'est le vote qui va déterminer le bien-fondé de leur bilan politique.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.