Le documentaire de France 2, Le Jeu de la mort, diffusé mercredi soir n'a pas fini d'alimenter la polémique. Comment en effet ne pas être mal à l'aise devant un programme qui flatte les instincts les plus primaires alors même qu'il est censé les dénoncer? Le documentaire met en scène l'expérience de Milgram dans le cadre d'un faux jeux télévisé et le téléspectateur est confronté à ces images de candidats qui infligent de supposés châtiments électriques à d'autres candidats.
André Gunthert, chercheur en études visuelles et maître de conférences à l’EHESS, s'interroge sur son blog sur le malaise qui l'a saisi en regardant le programme:
Au-delà de la manipulation des cobayes, et du paradoxe de produire une véritable situation de télé-réalité (autrement dit une mise en scène de la “vraie vie” avec des sujets consentants destinée à produire du spectacle), il y a me semble-t-il plusieurs erreurs de démonstration. [...] L’expérience de Milgram portait sur l’autorité. Or, sa transposition télévisée ne démontre pas l’existence d’une “autorité” télévisuelle, mais plutôt la soumission au dispositif. [...] Une émission est une machine dont le déroulement réglé s’impose, non sans violence, au participant. Elle implique la mobilisation d’un appareillage coûteux, d’une équipe de plusieurs personnes, de locaux spécialement disposés réservés à cet effet, etc. Bousculer ce dispositif, une fois qu’on a accepté d’y prendre part, n’est guère envisageable, et reviendrait approximativement à prendre les commandes d’un Boeing après le décollage.
Le chercheur conclut comme de nombreux observateurs que le documentaire ne nous a finalement pas appris grand chose sur la télévision: «rien de plus que l’idée reçue».
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(photo de Une: France 2)