Le 24 janvier dernier, l'activiste climatique ougandaise Vanessa Nakate constatait non sans amertume que l'agence Associated Press l'avait purement et simplement fait disparaître d'une photographie prise à Davos, sur laquelle elle posait en compagnie de quatre autres militantes écologistes, européennes et de peau blanche. La photo faisait suite à une conférence de presse tenue collectivement.
Sur Twitter, Vanessa Nakate a apostrophé l'agence de presse avec ces simples mots: «Pourquoi m'avez-vous enlevée de la photo? Je faisais partie du groupe!»
Plus tard, rapporte le Guardian, Vanessa Nakate est revenue sur cet affront commis par Associated Press: «Quand j'ai regardé la photo, je n'ai vu qu'une partie de ma veste. Je n'étais pas sur la liste des participant·es. Aucun de mes commentaires faits lors de la conférence de presse n'avait été conservé». L'affaire ne concerne pas une simple photo recadrée, mais bel et bien l'invisibilisation d'une militante pas moins importante que ses congénères.
Même si le mal était fait, Associated Press a fini par procéder aux modifications d'usage, faisant notamment réapparaître Vanessa Nakate aux côtés de Greta Thunberg, Loukina Tille, Luisa Neubauer et Isabelle Axelsson.
Vendredi, Nakate a participé à une conférence de presse donnée par Fridays For Future, le mouvement écologiste fondé par Greta Thunberg en août 2018. Elle n'était pas présente physiquement à Stockholm, mais a pu s'exprimer par écran interposé, en profitant pour revenir sur cette expérience très révélatrice: «C'est le genre de chose qui se produit depuis bien longtemps: les activistes d'Afrique font énormément d'efforts pour qu'on les entende. C'est si frustrant que personne ne semble s'en soucier».
L'Afrique inaudible
Relayée par le Guardian, Vanessa Nakate raconte avoir reçu des messages d'autres activistes africain·es ayant vécu des expériences similaires mais n'ayant pas eu le courage ou la possibilité de s'en offusquer publiquement lorsque cela s'est produit. Pour elle, un tel incident doit être pris de façon positive et vu comme une occasion de permettre enfin aux militants et militantes d'Afrique de faire enfin entendre leurs histoires.
Greta Thunberg en a profité pour afficher tout son soutien à sa camarade: «La moindre de mes phrases fait les gros titres des journaux. Bien sûr, ce n'est pas le cas de la plupart des autres activistes, notamment celles et ceux de l'hémisphère sud».
Également conviée à cete conférence de presse, l'activiste kenyane Makenna Muigai a rappelé que l'Afrique était très affectée par le changement climatique, citant l'exemple des infestations acridiennes: la prolifération de criquets ou de sauterelles met gravement en danger les réserves alimentaires de certains pays. «Le plus triste, c'est qu'en Occident, les gens ne savent même pas que ça existe.»
La climatologue sud-africaine Ndoni Mcunu confirme, affirmant qu'«en raison de la sécheresse et des autres effets du changement climatique, 52 millions de personnes ont été frappées par l'insécurité alimentaire» rien qu'en Afrique. «L'Afrique ne représente que 5% des émissions de gaz à effet de serre, et c'est pourtant le continent le plus fortement impacté.»