Pouce en l'air, bouche qui fait un bisou, personnage qui hausse les épaules: nous ne sommes pas en train de décrire la panoplie d'émojis disponible sur les réseaux sociaux, mais bien d'énumérer les hiéroglyphes qui ornent l'intérieur des pyramides égyptiennes.
Dans l'exposition «Emoglyphs: l'écriture idéographique, des hiéroglyphes à l'émoji», le musée d'Israël à Jérusalem juxtapose ce système d'écriture figurative antique aux moyens de communication de l'ère numérique. Et chaque hiéroglyphe semble trouver son pendant moderne.
Celui du canard de profil prend un coup de jeune sur la toile –en couleur cette fois-ci–, mais est tourné, comme son aîné, vers la gauche; l'Égyptien au corps à l'envers est remplacé de nos jours par l'émoji tête à l'envers; et celui de l'homme ou de la femme qui danse se retrouve presque à l'identique dans un hiéroglyphe, le costume disco en moins, note le New York Times.
If King Tut could text, what would he say ⁉️@israelmuseum's latest exhibition, "Emoglyphs: Picture-writing from Hieroglyphs to Emoji," explores the relationship between our beloved emojis and ancient Egyptian hieroglyphs. Read more via @NYTIMES ⬇️ https://t.co/1aA31ChQdf
— Resnicow and Associates (@ResnicowCulture) January 23, 2020
Le quotidien new-yorkais constate également que ces systèmes de communication, bien que séparés par près de 5.000 ans, ont tous deux perçu la puissance des pictogrammes. Leur utilisation permet de réduire la violence des mots et des faits par le biais d'images.
Par exemple, pour faciliter le voyage des morts dans l'au-delà, les Égyptien·nes gravaient des oiseaux sans patte sur des amulettes taillées en forme de scarabées, pour montrer qu'ils ne pouvaient s'envoler loin de leur fin inévitable. Aujourd'hui, Apple a également conscience du sens qui se cache derrière ces pictogrammes. La multinationale américaine a par exemple remplacé en 2016 son émoji revolver réaliste par un jouet pistolet à eau vert vif.
La forme diffère du fond
Pour autant, des différences de taille existent entre les deux systèmes. La principale, c'est que les émojis servent souvent de raccourcis émotionnels. Un cœur pour notifier l'amour; un smiley pour adoucir la fin d'un texto (pour éviter un simple point en fin de phrase d'un SMS qui fait très mal au destinataire) ou encore un visage pas content pour exprimer la colère.
Dans l'Égypte ancienne, quand on voulait écrire un message, tout n'était pas si simplifié, mais beaucoup plus imagé. Un scarabée ou un bousier pouvait par exemple signifier «devenir», et un javelot faisait référence aux étrangers, précise le New York Times.
Mais ces hiéroglyphes avaient leurs limites. À eux seuls, ils ne pouvaient pas aller aussi loin dans la transmission d'idées abstraites que ce que permet l'alphabet. Aujourd'hui, les émojis sont utilisés comme suppléments de langage et semblent combler un vide, souligne le magazine.
En 2015, l'Oxford dictionaries a même choisi de désigner comme mot de l'année l'émoji «visage avec des larmes de joie», en disant qu'il représentait le mieux «l'ethos, l'humeur et les préoccupations» de notre époque.
Chaque année, de nouveaux hiéroglyphes modernes sont disponibles. En 2019, 59 émojis sont arrivés sur nos écrans (230 au total en comptant les variations de couleurs de peau et de genre). Et malgré ce large choix, les quadragénaires préféreraient toujours utiliser les points de suspension à la fin de leur phrase. Comment dit-on «OK Boomer» en hiéroglyphes?