Pour la première fois de sa longue histoire, le karaté fera son entrée en août aux Jeux olympiques de Tokyo et des coups de génie sur tatamis pourraient bien advenir. Justice est enfin rendue dans le cénacle olympien: après l'escrime, la lutte, la boxe anglaise, le judo et le taekwondo, le karaté est admis dans la cour des grands. «Puisque le taekwondo fait partie des disciplines olympiques, il n'y avait pas de raison pour que le karaté en soit exclu, souligne Stéphane Mouchabac, psychiatre sportif et ceinture noire de krav maga. Le karaté est un sport haut de gamme agréable à regarder. Les JO vont lui donner une meilleure lisibilité et c'est une bonne nouvelle puisque les valeurs du karaté et celles de l'olympisme sont pleinement compatibles: travail, rigueur, respect de l'adversaire et compétition.»
Avec l'étonnante équipe de haute volée des trois frères Da Costa (Steven et Jessie, 23 ans, Logan, 27 ans) et d'autres combattant·es dont Alexandra Recchia, avocate en droit du travail et karatéka détonante âgée de 31 ans, la France a de vraies chances de médailles. Au menu des combats, coups de pieds et de poings souples et bien sentis.
Dans la catégorie «katas», les combats contre des adversaires imaginaires, la France pourrait également se hisser dans le haut du classement. Tous nos athlètes sont jeunes, et leur vélocité est impressionnante: «La nouvelle génération privilégie le mouvement et la vitesse alors que l'ancienne misait davantage sur la stabilité et la puissance d'un coup donné au bon moment», explique Éric de Gavre, professeur de karaté deuxième dan dans les Yvelines. Deuxième meilleure nation mondiale dans la discipline avec, mine de rien, 172 médailles internationales et 437 européennes, la France pourrait bien rayonner dans les sphères olympiques.
Dominer l'autre et soi-même
Le karaté en France, c'est environ 250.000 licencié·es –dont plus de 35% de femmes–, et près de 5.000 clubs. Et les bienfaits du karaté sont nombreux pour les champions comme pour les débutants, tant au niveau musculaire que sur le plan mental: présence, sens de l'observation, mémoire corporelle, contrôle de soi.
Car le karaté est un art martial avec une éthique singulière, jolie comme tout. «En combat, au cours de l'entraînement, ce qui importe n'est pas de gagner des points, mais la qualité de la domination de soi-même et de l'adversaire. Ne gagne pas après avoir frappé, mais frappe après avoir gagné», souligne ainsi Kenji Tokitsu, docteur en sociologie et maître de sabre enseignant les arts martiaux.
Problème: le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (COJO) a décidé de ne pas proposer au Comité international olympique (CIO) le karaté parmi les disciplines additionnelles pouvant figurer au programme. Pourquoi une telle décision? Mystère et kimono blanc. Le COJO a préféré choisir quatre autres sports additionnels: le breakdance, le skateboard, l'escalade et le surf.
Bouderie incompréhensible
On comprend que de tels sports à dominante urbaine et solaire, estampillés «jeunesse», puissent trouver une place d'honneur aux JO de Paris, mais pourquoi les opposer au karaté dans une étrange course à l'échalote olympienne? Même les sénateurs ne l'ont pas compris et ont demandé à Roxana Maracineanu, ministre des Sports, de rectifier. En vain.
Cette affaire est d'autant plus insolite que les compétitions de MMA –pour Mixed martial arts– devraient être bientôt légalisées en France. Les combats d'arts martiaux mixtes et le business correspondant sont ainsi soutenus par le ministère des Sports, qui propose à la Fédération française de boxe d'encadrer la discipline. Alors que le MMA autorise la frappe au sol, le corps à corps violent et les étranglements, la distance intelligente et le respect d'autrui inhérents au karaté viendraient à manquer si le ministère des Sports et le COJO n'en défendaient pas la candidature ultime pour les JO de 2024, dans l'élan bien compris du dernier combat.