Gérard Collomb mène sa campagne pour l'élection métropolitaine de Lyon en marchant sur un fil. L'ancien ministre de l'Intérieur d'Emmanuel Macron a fait le choix de ne pas se représenter à la ville pour briguer la métropole, l'interdiction du cumul des mandats lui interdisant de candidater pour les deux.
Le 16 janvier, un sondage commandé par les médias Lyon Capitale et Sud Radio à Ifop-Fiducial donnait les listes Europe Écologie-Les Verts et La République en marche en tête, à égalité dans les intentions de vote, pour l'élection municipale de Lyon (22% chacune).
En décembre 2019, une étude OpinionWay pour Lyon Mag, concernant cette fois la métropole, avait placé la liste de Gérard Collomb juste devant les écologistes (27% contre 25%).
Installé depuis 2001 à la mairie de Lyon, hormis sa parenthèse au ministère de l'Intérieur dans le gouvernement d'Édouard Philippe, Gérard Collomb va-t-il chuter face aux écologistes, qui s'imposent comme les premiers outsiders des deux élections?
Bouclage du périphérique
Le bassin lyonnais apparaît comme très dynamique en matière d'emploi. En 2019, il est classé pour la troisième année consécutive à la première place du classement des métropoles françaises les plus attractives selon le cabinet Arthur Lyod, qui met en avant sa capacité d'accueil des entreprises et la création d'emplois, avec «un taux de chômage au plus bas depuis dix ans».
Mais il y a un revers de la médaille: Lyon souffre de plusieurs maux. La seconde aire urbaine de France voit se multiplier les pics de pollution, ses axes routiers sont embouteillés et les vagues de chaleur étouffent de plus en plus souvent la ville et sa banlieue à la période estivale.
Le cabinet Arthur Lyod souligne ainsi qu'«un cadre environnemental perfectible» et «le coût du logement à l'acquisition relativement élevé» pourraient à l'avenir nuire à la ville.
Conscient de ses réussites à l'hôtel de ville, mais aussi des critiques qui lui sont adressées, Gérard Collomb tente d'évoluer sur une ligne de crête, en répétant son nouveau leitmotiv: «Faire l'alliance de l'économie et de l'écologie.» Seulement, la cohérence écologique de son programme semble parfois difficile à suivre.
Le 15 janvier, le candidat LREM était devant la Fédération du bâtiment et des travaux publics du Rhône pour réaffirmer sa volonté de réaliser le projet d'autoroute urbaine de l'Anneau des sciences, censé boucler le périphérique lyonnais à l'horizon 2030, qu'il est aujourd'hui le seul à défendre dans la campagne métropolitaine.
Ajouter des kilomètres à un périphérique? Un choix difficile à assumer face à un électorat de plus en plus séduit par les propositions écologistes. À Lyon, lors des dernières élections européennes, EELV s'est hissé au deuxième rang derrière la liste En marche, en recueillant 20,92% des suffrages.
Les marches pour le climat ont également connu un franc succès localement, avec 5.000 à 15.000 personnes dans le cortège du 21 septembre 2019, selon les estimations.
DIRECT | Nous sommes 15.000 dans la rue à Lyon
— Lyon Climat (@LyonClimat) September 21, 2019
Écoutez cette foule immense qui vous exhorte de changer de politique ! @gerardcollomb @DavidKimelfeld ! Nous voulons de la Nature pas du Béton !#SèveLaPlanète #maniforestation #marchePourLeClimat pic.twitter.com/eQmOJ2Hc6f
Sondages peu fiables
Le leader d'Europe Écologie-Les Verts, Yannick Jadot, a bien compris qu'un basculement du Grand Lyon dans son escarcelle était devenu du domaine du possible.
Le 6 janvier, il s'est déplacé à Villeurbanne pour soutenir Béatrice Vessiller, la candidate écologiste à la mairie de la deuxième ville de la métropole (150.000 habitant·es, ce qui en fait la vingt-et-unième ville française).
«Je suis déjà venu et je reviendrai, car je suis convaincu qu'on peut gagner», a déclaré à cette occasion Yannick Jadot. Encore plus que Lyon, Villeurbanne s'affiche comme une grande ville gagnable, alors que le maire socialiste sortant ne s'y représente pas.
La bataille s'annonce néanmoins ardue pour faire chuter Gérard Collomb, qui reste le personnage dominant de la scène politique lyonnaise. «Le problème des sondages pour l'élection municipale de Lyon, c'est la même chose qu'avant les élections américaines de 2016», analyse Romain Meltz, chercheur en sciences politiques à l'université Lumière Lyon 2.
«Les sondages ne testent pas les électeurs par arrondissement mais sur l'ensemble de Lyon. Si l'on observe les dernières élections européennes, les écologistes ont réalisé de très bons scores, mais leurs votes sont aussi très concentrés dans certains arrondissements, comme le Ier, le IVe ou le VIIe. Il leur faudra plus que ces trois arrondissements pour gagner la ville», poursuit ce spécialiste de la politique locale.
Deuxième limite: le manque de notoriété des candidat·es écologistes face à leur rival. «Gérard Collomb est très connu y compris dans la métropole, alors que les autres candidats sont méconnus du public, si l'on prend le cas de David Kimelfeld, l'ancien adjoint de Gérard Collomb à la mairie qui mène une liste indépendante pour le scrutin métropolitain, voire carrément inconnus, pour les candidats écologistes ou Les Républicains. Il y a quelque chose qui rassure les électeurs, c'est de connaître la personne pour qui ils votent. Est-ce cela ne va pas jouer en faveur de Gérard Collomb dans l'isoloir?», s'interroge Romain Meltz.
Mobilité douce
Dans son bureau de campagne perché au-dessus des grands travaux qui transforment la gare Part-Dieu, Bruno Bernard, le candidat EELV à la métropole, cherche à convaincre. Il prend un malin plaisir à souligner que «Gérard Collomb a apporté des choses positives à Lyon depuis 2001, mais sa politique est aujourd'hui obsolète. On est à bout de souffle d'un modèle».
Quand l'ancien maire défend son Anneau des sciences, Bruno Bernard met en avant les projets de mobilité douce des Verts, avec en tête un réseau express vélo, qui rendrait plus faciles et sécurisés les déplacements des cyclistes à travers l'agglomération. «Notre ambition est de tripler les déplacements à vélo», indique le candidat, un café à la main.
EELV compte également végétaliser les grands axes de l'agglomération, pour rendre la ville plus vivable pendant l'été et pour encourager la population à se déplacer à pied ou à vélo.
«Gérard Collomb a apporté des choses positives, mais sa politique est aujourd'hui obsolète. On est à bout de souffle d'un modèle.»
«Nous proposons de créer un ticket de transport unique au prix de 1,80 euro, que ce soit pour prendre le métro ou le train entre Lyon et les villes plus éloignées au sein de la métropole, comme Givors. Pour aller là-bas depuis la gare Part-Dieu, le trajet coûte actuellement plus de 5 euros. Les habitants qui logent en périphérie ne doivent pas être pénalisés dans leur mobilité», insiste Bruno Bernard, qui défend son passé de chef d'entreprise pour prouver qu'écologie et économie peuvent faire un bon mariage, «mais pas au sens où l'entend Gérard Collomb».
«L'Anneau des sciences défendu par Gérard Collomb coûterait 4 milliards d'euros, et on sait aujourd'hui qu'ajouter de l'autoroute amène toujours plus de voitures, alors que la logique est de renforcer la mobilité douce», argue-t-il.
Victoire incertaine
Ce discours sera-t-il suffisamment audible pour transformer des sondages prometteurs en une victoire dans les urnes? Le politologue Romain Meltz reste prudent sur la suite de la campagne électorale. «Actuellement, les habitants disent qu'ils vont voter pour les Verts car l'ambiance générale est très anxiogène pour l'environnement, avec une actualité comme les feux en Australie. Mais en février ou en mars, lorsque la campagne va s'accélérer, les gens vont davantage se connecter à un vote programmatique dans leur arrondissement ou leur commune», prédit-il.
«Les Verts proposent un réseau de deux fois deux voies à vélo? Très bien. Mais les déplacements à vélo dans la métropole représentent 3% des trajets entre le logement et le travail. Pour beaucoup de personnes, ça ne sera pas un sujet-clé. Les habitants voudront davantage savoir s'il y aura une crèche pour leurs enfants, de la sécurité dans leur quartier», continue le spécialiste.
Après la ville voisine de Grenoble en 2014, une victoire EELV à la ville ou à la métropole de Lyon marquerait une nouvelle étape vers la conquête du pouvoir des écologistes.
«La ville est symbolique de la prise de conscience de l'urgence climatique [...]. Lyon est déjà impactée par le dérèglement climatique. Malheureusement, il s'agit de l'une des villes les plus polluées de France, avec des pics trop fréquents et des réponses insuffisamment calibrées», affirmait Grégory Doucet, tête de liste EELV à l'élection municipale, dans une interview publiée dans le dernier numéro de l'hebdomadaire La Tribune de Lyon. On ne saura que le 22 mars en soirée si ce message a véritablement été entendu par l'électorat.