Santé / Culture

La Reine des Neiges roule-t-elle pour les laboratoires Boiron?

Temps de lecture : 2 min

Si vous avez vu le film, une partie de sa magie vous a peut-être fait tiquer.

La Reine des Neiges, dans son élément. | The Walt Disney Studios
La Reine des Neiges, dans son élément. | The Walt Disney Studios

Peut-être êtes-vous allé·e voir le second épisode de la Reine des Neiges seul·e, peut-être l'avez vous vu avec un ou des enfants auxquels vous essayez, autant que faire se peut, d'inculquer les rudiments de la pensée scientifique. Peut-être êtes-vous de celles et ceux dont le poil rationnel se hérisse lorsqu'il est question des preuves tangibles et incontestables de l'efficacité de l'homéopathie.

Il est alors fort possible, au creux d'un film plus ennuyeux que son prédécesseur, que vous ayez sursauté lorsqu'a déboulé, de nulle part, le concept de «mémoire de l'eau». Posé par le médecin et immunologiste Jacques Benveniste en 1988, celui-ci stipule que le liquide, mis en contact avec diverses substances, en conserverait une empreinte.

La théorie a, depuis, été l'objet d'une violente controverse, l'écrasante majorité de la communauté scientifique la rejetant comme une imposture voire une fraude, sans fondement ni validation possible.

De la magie à la propagande

Remise sur le devant de la scène dans les années 2010 par Luc Montagnier, codécrouvreur du virus du sida et Prix Nobel de Médecine 2008, elle est pourtant devenue, avec les concepts pas beaucoup moins fantaisistes de Samuel Hahnemann, la pierre «scientifique» angulaire des personnes qui octroient un effet médical aux infinies dissolutions de l'homéopathie. Une coïncidence qui n'est pas le fruit du hasard: les travaux de Jacques Benveniste ont été, jusqu'en 1989, financés par les laboratoires Boiron.

Dans la Reine des Neiges 2, la «mémoire de l'eau» retrouve la place qu'elle n'aurait sans doute jamais dû quitter: celle du fantasmagorique et de la magie, du surnaturel et du métaphysique. On peut donc légitimement voir dans cette importance donnée à un concept scientifique bidonné une manière de l'invalider avec humour.

«L'eau a-t-elle vraiment une mémoire? Je me pose des questions après avoir vu #LaReinedesneiges2 ajourd'hui avec mes enfants. Anna & Olaf ont affirmé à plusieurs reprises que l'eau avait une mémoire et le film tourne autour de cette idée et maintenant les enfants veulent aussi savoir.»

On peut également s'interroger sur la légèreté avec laquelle cet étrange mélange des genres a été touillé par Disney, pourtant légendaire pour le soin qu'elle met à ne froisser aucun membre potentiel de son audience. Le discours d'Olaf mélange faits et fantaisies mais, sur la «mémoire de l'eau», l'insistance et le clin d'œil sont d'une notable lourdeur: «Beaucoup le contestent, mais c'est vrai», explique ainsi l'adorable bonhomme de neige.

La Reine des neiges 2 a déjà rapporté plus de 1,1 milliard de dollars (996 millions d'euros) à la firme et a été vu par des millions de personnes dans le monde. Parce que les mots d'Olaf ont été précédés par des publications et débats scientifiques, parce qu'ils constituent encore le discours de laboratoires pharmaceutiques établis au lobbying efficace, beaucoup pourraient se poser des questions qui laissent confus ou, plus directement, effacer la frontière entre magie et science. La Reine des Neige est peut-être une propagandiste qui s'ignore –ou qui sait ce qu'elle fait.

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