Parents & enfants / Santé

Faut-il encore emmener son bébé atteint de bronchiolite faire une séance de kiné?

Temps de lecture : 5 min

Alors que l'épidémie annuelle de bronchiolite s'installe en France, le recours à la kinésithérapie pour traiter cette infection propre aux nourrissons continue de diviser.

Chaque année en France, 480.000 enfants en bas âge sont touchés par la bronchiolite. | Brandless via Unsplash
Chaque année en France, 480.000 enfants en bas âge sont touchés par la bronchiolite. | Brandless via Unsplash

L'épidémie de bronchiolite progresse en France: à l'exception de la Corse, en phase pré-épidémique, toutes les régions de France métropolitaine sont désormais en phase épidémique.

Comme chaque hiver, la question de prise en charge de la bronchiolite fait l'objet d'un débat passionné entre pro- et anti-kinésithérapie. Des articles de presse clouent au pilori la «kinésithérapie respiratoire», y compris dans des revues spécialisées telles que le mensuel médical Prescrire, tandis que d'autres en font au contraire la promotion, dont certains rédigés par des confrères.

Alors, que penser de cette pratique, courante dans plusieurs pays francophones européens mais peu employée ailleurs?

Comme souvent, la passion des débats relègue au second plan la précision de l'information. Les arguments relayés sont scientifiquement imprécis et débouchent sur des conclusions inexactes.

Généralement sans gravité

Nez qui coule, toux, sifflement, difficultés respiratoires, difficultés alimentaires… Chaque année en France, 480.000 bébés (soit 30% de la population des nourrissons) sont touchés par la bronchiolite, infection respiratoire aiguë entraînant une inflammation du nez et de la gorge, puis des bronches et des bronchioles chez les enfants de moins de 12 mois. Au-delà de cet âge, un tableau clinique équivalent sera qualifié d'asthme du nourrisson.

Le pic épidémique de cette maladie virale, causée dans 60% à 90% des cas par le virus respiratoire syncytial (VRS), est généralement atteint entre décembre et janvier.

D'évolution favorable au bout d'une dizaine de jours dans la grande majorité des cas, la bronchiolite représente tout de même 7% des consultations auprès de SOS Médecins et 13% des passages aux urgences (lesquels sont suivis dans 36% des cas d'une hospitalisation).

Heureusement, dans notre pays, la mortalité liée à cette affection est extrêmement faible (2,6 décès pour 100.000 cas) et concerne des sujets vulnérables présentant souvent d'autres maladies associées.

Il est cependant important de savoir identifier les signes de gravité, car dans la bronchiolite, l'état clinique peut s'améliorer ou se dégrader rapidement.

Alors que l'inflammation des voies respiratoires conduisant à la toux et à une gêne respiratoire est systématiquement présente, l'examen clinique ne révèle pas toujours d'encombrement bronchique lié à des sécrétions.

Comment traiter la bronchiolite? La réponse tient en cinq mots: on ne la traite pas. En effet, dans la majorité des cas, l'enfant guérira seul. C'est pourquoi, lors d'un premier épisode, il n'est pas recommandé de prescrire d'antibiotiques, d'anti-inflammatoires ou d'autres médicaments.

Certains cas particuliers, par exemple la présence d'une infection bactérienne, pourront entraîner la prescription d'un traitement, mais ils sont rares. Si c'est le cas, il s'agit d'une décision médicale qui varie selon la situation.

Nouvelles recommandations

En France et dans quelques autres pays européens francophones comme la Belgique et la Suisse, les enfants chez qui le médecin diagnostique une bronchiolite peuvent se voir prescrire plusieurs séances de kinésithérapie respiratoire.

Cette approche est si répandue que dans ces pays, la kinésithérapie respiratoire est enseignée en formation initiale aux futur·es kinésithérapeutes.

Ailleurs, elle ne fait pourtant pas partie des pratiques recommandées: aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, en Italie ou encore en Australie et en Nouvelle-Zélande, on ne conseille pas son utilisation. Et pour cause: bien que la kinésithérapie respiratoire soit usuellement prescrite en France, sa pertinence repose sur un cortège de preuves relativement pauvres.

Les dernières recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé (HAS) concernant la prise en charge de la bronchiolite dataient de l'an 2000. On pouvait notamment lire dans le document concerné que «l'indication de la kinésithérapie respiratoire dans les bronchiolites aiguës du nourrisson est basée sur la constatation de l'amélioration clinique franche qu'elle entraîne et repose sur un avis d'experts».

Or, à cette époque, les preuves scientifiques manquaient cruellement. Au cours des dix-neuf années qui se sont écoulées depuis l'écriture de ce texte, plusieurs essais cliniques ont permis d'étoffer les données scientifiques.

Si elles restent encore relativement faibles (et concernent principalement les nourrissons hospitalisés), elles ont toutefois permis d'édicter des recommandations beaucoup plus claires.

En résumé, en cas de premier épisode de bronchiolite:

  • Le désencombrement des bronches par kinésithérapie n'est généralement pas recommandé, mais il peut être envisagé si l'enfant présente d'autres pathologies (par exemple une pathologie respiratoire chronique ou une pathologie neuromusculaire);

  • Les techniques anciennes de désencombrement bronchique dites «anglo-saxonnes» (vibration, clapping et drainage postural), déjà exclues des recommandations de 2000, sont définitivement proscrites et ne doivent plus être utilisées;

  • Il est nécessaire de désobstruer les voies aériennes supérieures (nez et gorge) pour optimiser la respiration du nourrisson. Si aucune technique n'a démontré une supériorité par rapport à une autre, les aspirations nasopharyngées ne sont en revanche pas recommandées.

Rôle de suivi et d'éducation

Les recommandations de la HAS ne veulent pas dire qu'il faut entièrement abandonner la kinésithérapie dans la prise en charge de la bronchiolite. En effet, elles ne concernent pas la kinésithérapie au sens large mais bien le seul désencombrement bronchique (qui n'est plus recommandé, sans être pour autant systématiquement contre-indiqué).

La kinésithérapie ne se résume pas uniquement au désencombrement bronchique, et les kinésithérapeutes utilisent bien d'autres techniques que celle visant à désencombrer les bronches!

En tant que professionnel·les de premier recours, les kinésithérapeutes sont des acteurs importants de l'organisation des soins en ville. À ce titre, la profession s'inscrit pleinement dans la prise en charge pluridisciplinaire décrite par la HAS pour le suivi des enfants et l'éducation des parents.

Pour cette raison, les agences régionales de santé financent depuis de nombreuses années des «réseaux bronchiolite» pour faire face aux épidémies saisonnières. Leur objectif est de mettre en relation parents, médecins et kinésithérapeutes 7 jours sur 7, afin de faciliter l'accès aux soins.

Au cours d'une séance de kinésithérapie, les praticien·nes sont en mesure de réaliser un interrogatoire complet et une évaluation clinique systématique qui leur permettront de retrouver d'éventuels critères de vulnérabilité du nourrisson et d'évaluer le niveau de gravité de la bronchiolite.

Cette séance sera l'occasion de désobstruer les voies aériennes supérieures pour optimiser la respiration du nourrisson, chez qui la respiration nasale est prédominante. Après avoir pratiqué au préalable un lavage du nez au sérum physiologique, il pourra employer une technique de drainage rhinopharyngé (qui consiste à faire renifler l'enfant ou, à l'inverse, le faire se moucher).

Surtout, les kinésithérapeutes répondront aux questions des parents et leur indiqueront les conduites à tenir pour améliorer l'évolution de l'enfant et diminuer les risques de survenue d'un autre épisode de bronchiolite.

Ce rôle est d'autant plus important que la prise en charge de la bronchiolite est avant tout une question de surveillance, de suivi et d'éducation. Votre kiné vous donnera des conseils et vous indiquera quels sont les signes à surveiller –ce qui pourrait vous éviter une visite superflue aux urgences.

Pour en savoir plus: quelques conseils de surveillance pour les parents et comment laver le nez d'un nourrisson pour l'aider à mieux respirer.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.

The Conversation

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