Mercredi, 5.500 personnes vont se constituer prisonniers volontaires dans plusieurs villes de France. Leur délit: avoir aider des sans papiers.Un collectif d'associations dont Emmaüs, le Secours Catholique et France Terre d'Asile appelle à des rassemblements pour protester contre ce «délit de solidarité». Eric Besson, le ministre de l'Immigration a répondu à cette initiative en précisant que personne ne pouvait être poursuivi sachant que ce délit «n'existe pas».
Le 12 mars nous avions tenté de répondre à cette question, quel risque prend-on à aider un sans papier.
Une de mes amies aide des personnes en situations irrégulières, des “sans-papiers”. En d'autres termes, un sans-papier est une personne qui ne possède pas de carte de séjour ou à qui il manque un certain nombre de documents administratifs pour avoir le droit de séjourner sur le territoire français. Cette amie me propose un soir de la dépanner. Deux petits jeunes viennent d'arriver. Ils sont épuisés et meurent de faim. Peux-tu les inviter à dîner ? J'accepte. Je suis curieuse. Qui sont ces hommes ? Chacun d'eux a une histoire. Les uns fuient leur malheur, les autres rejoignent un proche, un pays, une vie meilleure. La semaine suivante, j'en accueille deux autres; un matelas, un sandwich et une douche. Et sans réfléchir, je prends l'habitude. J'ai envie de comprendre, je me sens utile, moins égoïste. Une manière d'aider, de soutenir les plus faibles, et moi, de me sentir meilleure.
Voici en exemple, une situation presque banale. Et pourtant, sans le savoir, lorsque l'on aide une personne qui ne possède pas de titre de séjour, on est soi-même passible de poursuites judiciaires. L'article L622-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile stipule: «Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier, d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 Euros.» Une loi complexe qui n'est pas toujours respectée : « avec un tout petit peu de bon sens, on peut détourner la loi» nous confie Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile. Aider un sans-papier, c'est possible, mais à condition de le faire discrètement.
Pour mieux comprendre, retraçons le parcours des sans-papiers
Les clandestins attrapés
Lorsqu'une personne arrive clandestinement sur le territoire français et qu'elle est arrêtée, elle est emmenée en «zone d'attente», selon l'article L221-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'Asile. Ces zones d'attente assurent généralement couchages et nourriture aux sans-papiers. Il existe sur le territoire français 85 zones, dont 20 sont gérées par la douane et 65 par la PAF (la police aux frontières). Toutes les personnes arrivant dans cette zone sont en droit d'effectuer une demande d'asile. C'est ainsi, que des organisations, comme France Terre d'Asile, ANAFE ou GISTI, peuvent venir en aide légalement aux sans-papiers. Elles sont autorisées à donner des conseils juridiques. Une fois les situations évaluées, les dossiers sont soumis à l'appréciation des préfectures.
Sans-papiers en liberté
Beaucoup de personnes en situations irrégulières ne sont pas retenues en zones d'attente. Ces sans-papiers peuvent être des personnes dont les droits de séjour en France ont expiré ou des personnes qui n'ont jamais possédé de titres de séjour. Particuliers et associatifs s'organisent pour aider ces sans-papiers.
Ont-ils le droit ?
Juridiquement, il faut comprendre que toute « aide directe ou indirecte » à une personne en situation irrégulière, n'est pas légale. Cette loi signifie que pratiquement tous les cas de personnes venant en aide aux sans-papiers sont condamnables. A quelques exceptions près, notables dans l'article L622-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: les ascendants et descendants de l'étranger (frères et sœurs), le conjoint de l'étranger ou toutes personne physique/morale ayant porté son aide à un étranger en «situation de danger(...) nécessaire à la sauvegarde de la vie».
Néanmoins, dans les faits, les condamnations de personnes ayant aidé un sans-papier, sans en tirer d'avantages à leur propre profit, sont exceptionnelles. Jean-Claude Lenoir, fondateur de Salam, une association d'aide aux migrants basée à Calais, poursuivi en justice, a vu dernièrement reportée son audience au 18 mars, il est accusé «d'outrage» qu'il nie avec force. Le 25 février, Monique Pouille, 59 ans, citoyenne française, a fait neuf heures de garde à vue pour avoir rechargé des portables appartenant à des migrants. Elle a été accusée de flagrant délit d'aide aux personnes en situations irrégulière. Elle a finalement été relâchée.
Aider les sans-papiers, 3 cas de figure, 3 prises de risque
Ceux qui n'ont pas conscience d'aider un sans-papier: par exemple en prêtant un téléphone portable à un inconnu qui est en situation irrégulière et va l'utiliser pour... joindre un passeur.
Ceux qui le font en «humanitaires»: bénévoles et particuliers qui pratiquent «la maraude», missions qui consistent à apporter nourritures, couvertures ou simple réconfort.
Ceux pour qui cela s'inscrit dans le cadre de leur activité professionnelle: assistantes sociales, infirmières, médecins etc. qui sont tenus par leurs responsabilités et le secret professionnel.
Comment aider un sans-papier ?
A la question pratique «comment aider un sans-papier ?», Claire Rodier, membre du Gisti répond : «faire ce qui semble bien dans la limite de votre conscience, en espérant un sursaut de la société, si cela tourne mal pour vous.» Sans oublier quitte à se répéter, que faire le bien, en matière de sans-papiers, est passible de 5 ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
Maintenant le succès du film Welcome invite à réfléchir. Tout comme la polémique autour des déclarations de Philippe Lioret, le réalisateur de Welcome, comparant les personnes qui aident les sans-papiers à ceux qui cachaient les juifs en France pendant l'occupation.
Charlotte Duperray
Remerciements à Claire Rodier, membre du Gisti, Camille Magdelaine, avocat au Barreau de Paris et Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile.