«Energy shot», c'est la dernière trouvaille de la marque de boissons énergisantes Red Bull. Cette minuscule canette de 6cl seulement est la version concentrée du produit vendu habituellement en boîte de 25cl mais avec la même quantité de caféine et d'ingrédients censés décupler votre tonus. Les deux principaux concurrents du fabricant autrichien, Coca-Cola et Pepsi, ont dû trouver l'idée géniale puisqu'ils ont sorti dans la foulée «Shot» et «Shooter», les formats concentrés de leurs boissons Burn et Dark Dog.
Shot, Shooter ... ça ne vous rappelle rien? En fait, les marques d'«Energy drinks» cultivent sciemment une image sulfureuse. Dans sa dernière campagne de com mondiale, Red Bull se veut «la boisson qui donne des ailes». Une gorgée et hop je me sens plus tonique, plus vi ... je deviens presque quelqu'un d'autre. Ça plane pour deux à trois euros la dose (le prix du Shot Red bull). L'analogie avec l'alcool ou la drogue est claire. D'ailleurs, en pratique, ces boissons sont souvent mélangées à un alcool fort, type vodka. Des cocktails qui accentueraient les effets habituels de l'alcool. Au lieu de piquer du nez après plusieurs verres, on redoublerait d'énergie, comme avec certaines drogues.
Puissante et invisible
Avec ces «shots», les marques continuent à jouer sur leur registre favori, celui de la transgression. En y ajoutant en plus une dose de mystère. Comme le relève l'agence de design Black&Gold, ces mini formats «activent un imaginaire de puissance induit par la concentration du produit tout en nourrissant un fantasme du secret. Petite, la canette est presque invisible aux yeux des autres. On peut en boire sans se faire remarquer. Puissante et invisible: la potion magique n'est pas loin».
Pour Red Bull et ses concurrents, peu importe si les associations de consommateurs, comme CLCV, dénoncent publiquement la banalisation de ces produits bourrés de caféine et d'ingrédients excitants dont une surconsommation n'est pas sans danger. Au contraire, les marques se nourrissent de ces protestations officielles pour renforcer leur côté «rebelle». Plus le produit paraît sulfureux et fait fantasmer sur ses pouvoirs électrisants et mieux c'est. Une stratégie qui percute bien auprès d'une cible de jeunes adultes, en majorité masculins, adeptes de sensations fortes et qui veulent tenir le coup toute la nuit.
Le succès de Red Bull (4 milliards de canettes par an vendues dans 148 pays) est en grande partie dû à la «légende» qui entoure l'un de ses ingrédients, la taurine. Beaucoup croient encore qu'on la trouve dans les testicules du taureau. En fait, non. C'est un dérivé d'acide aminé naturellement présent dans le corps humain et dans la bile du taureau (d'où son nom).
Troubles neurologiques
C'est cette taurine qui a longtemps empêché la boisson de débarquer en France. Tous les doutes sur son innocuité n'ont pas été levés. On la soupçonne toujours de provoquer des troubles neurologiques et on ne connaît pas son impact sur la santé à long terme. Mais comme Red Bull était déjà commercialisé dans 25 autres pays européens et que sa toxicité n'avait pu être prouvée scientifiquement, la France a dû s'incliner pour ne pas violer le principe de la libre circulation des produits en Union européenne. L'administration lui a finalement donné son feu vert au printemps 2008.
La polémique n'a nullement pénalisé la marque. Bien au contraire! Auréolée par son bannissement prolongé, elle s'est rapidement imposée dans les bars, les boîtes de nuit et les supermarchés français entrainant dans son sillage de nouveaux prétendants attirés par un marché juteux. Dans l'Hexagone, les ventes de boissons énergisantes, toutes marques confondues, décollent. Le business a du potentiel pour au moins cinq ou six ans: le temps peut-être de rattraper nos voisins britanniques qui consomment 50 fois plus d'Energy Drinks que nous.
Bruno Askenazi
Photo: Red Bull cancan / Flickr coda