Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d'autres, spécialistes du sujet, leur répondent.
La question du jour: «Comment évaluer efficacement le degré d'empathie d'un·e candidat·e lors d'un entretien?»
La réponse de Karen Arluck, psychothérapeute exerçant en cabinet privé:
Les personnes qui savent faire preuve d'empathie envers les autres ont tendance à avoir d'autres compétences positives dans le domaine de l'intelligence émotionnelle: elles savent notamment être à l'écoute, reformuler les sentiments des autres de façon empathique (plutôt que leur donner d'emblée des conseils), poser des questions qui invitent à réfléchir (plutôt que de simplement donner leur opinion), accepter les sentiments négatifs (comme la colère) plutôt que d'y réagir immédiatement ou encore aider des collègues à se sentir compris, pris en charge et estimé·es.
Ces compétences ne sont pas seulement utiles dans les rapports sociaux, elles peuvent aussi affecter considérablement la réussite professionnelle d'une personne, y compris sa capacité à gérer efficacement des situations difficiles au travail et à aider les autres à se motiver et à participer.
En toute discrétion
Cela étant dit, évaluer le degré d'empathie (et/ou d'intelligence émotionnelle) d'un·e collègue potentiel·le se sachant en situation d'évaluation peut se révéler délicat. Dans les auto-évaluations écrites, la plupart des personnes surestiment leurs qualités et sous-estiment leurs défauts, en partie car elles aiment s'imaginer d'une certaine façon, essaient de donner les réponses qu'elles pensent être socialement acceptables et, dans le cas d'un entretien professionnel, souhaitent plaire à la personne susceptible de l'employer pour décrocher le poste.
Pour toutes ces raisons, il peut être utile de tester le degré d'empathie d'une personne qui candidate en employant des méthodes plus subtiles, qui ne lui donneront pas l'impression d'être observée et qui n'impliquent pas de bonne réponse évidente.
Trois façons d'évaluer le niveau d'empathie
1. Faites attention à la façon dont l'aspirant·e traite les personnes dont la fonction au sein de l'entreprise est «peu importante», avant et après l'entretien.
Il peut, par exemple, être utile d'interroger l'agent de sécurité du bâtiment, le ou la réceptionniste, le personnel d'entretien des toilettes, les assistant·es et toute personne ayant interagi avec la personne reçue en entretien le jour où il a lieu, ou à tout autre phase du processus de recrutement (par téléphone, par e-mail ou en personne).
Voici des exemples de questions: «Comment cette personne vous a-t-elle traité·e? Si vous lui avez souri ou si vous l'avez saluée, comment a-t-elle réagi?»
L'objectif est de jauger la façon dont cette personne se comporte avec celles qu'elle ne considère pas comme supérieures à elle ou à même de l'aider à se faire embaucher, et de voir si elle se montre impolie ou méprisante à leur égard.
2. En fonction du type de poste auquel l'individu postule, demandez-lui comment il gérerait une situation à forte charge émotionnelle dans le cadre de ce poste.
Le but est de choisir des questions qui n'appellent pas de bonne ou de mauvaise réponse évidente, mais qui invitent plutôt cet individu à réfléchir à ce qu'il ferait (tout en sachant qu'il cherchera à adapter sa réponse à ce qu'il pense être correct aux yeux de la personne faisant passer l'entretien). Les individus présentant un faible degré d'empathie seront moins à même de proposer une réponse empathique.
Par exemple, pour un poste de cadre, vous pourriez demander à l'individu qui candidate: comment réagiriez-vous si une personne se présentait dans votre bureau à 19 heures en pleurant de façon hystérique car elle se sent trop stressée?
Les réponses démontrant un degré d'empathie élevé incluront probablement plusieurs ou l'ensemble des éléments suivants:
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Prendre le temps (même si c'est la fin de la journée et même si ce ne sont que quelques minutes);
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écouter la personne (plutôt que de lui faire la leçon ou de ne pas tenir compte de ce qu'elle ressent);
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reformuler avec empathie les émotions et les pensées que la personne exprime;
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élaborer une stratégie avec la personne pour l'aider à gérer ses émotions, même si ce n'est que le lendemain;
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utiliser des adjectifs qui montrent que la personne briguant le poste reconnaît l'importance des sentiments de la personne en face d'elle (même si elle est gênée qu'un·e employé·e pleure au bureau ou la retienne à la fin de la journée);
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utiliser le pronom «nous» afin que la personne ne se sente pas seule;
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retourner voir la personne une fois qu'elle aura fait face à la situation, à intervalles réguliers (une fois par semaine ou par mois, ou en fonction du problème rencontré ou du poste de la personne), afin de vérifier si elle a le sentiment que le problème a été résolu ou au moins qu'elle va mieux et qu'elle gère efficacement la situation.
Exemple de réponse: «Il semble que vous soyez complètement submergé en ce moment. Regardons nos agendas et voyons si nous pouvons organiser une réunion demain pour en discuter plus longuement, car vous soulevez des questions importantes sur lesquelles j'aimerais que nous travaillions ensemble afin d'y remédier, peut-être en vous délestant de certaines tâches et/ou en voyant comment prioriser vos projets en cours, afin de rendre la situation plus gérable.»
3. Examinez sa capacité à écouter plutôt qu'à simplement attendre son tour pour parler:
Lors d'un entretien, il est normal que la personne qui cherche à obtenir un travail soit nerveuse et ait beaucoup de choses à dire. Tâchez de déterminer si elle a l'air intéressée lorsque vous parlez ou si elle attend simplement de pouvoir parler.
La capacité d'un individu à écouter est tout aussi importante pour faire preuve d'empathie vis-à-vis des autres.
Interagit-elle avec ce que vous dites ou se contente-t-elle de dire ce qu'elle a préparé? Comment exploite-t-elle la conversation? Bien que cette tactique soit moins centrée sur l'empathie, elle peut fournir à la personne en quête de nouvelles collaborations des informations plus subtiles sur la capacité d'un individu à bien écouter et communiquer, ce qui est tout aussi important et permet souvent à une personne de faire preuve d'empathie vis-à-vis des autres.
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En résumé
L'empathie est une qualité émotionnelle importante, souvent étroitement liée au niveau d'intelligence émotionnelle de la personne. À mon sens, la façon la plus réaliste d'évaluer le degré d'empathie d'une personne consiste à s'attarder sur des indices plus subtils (comme la façon dont elle traite des personnes qu'elle pourrait considérer comme moins importantes au sein de l'entreprise), lui poser des questions ouvertes n'ayant pas de bonne réponse et observer son langage corporel et sa capacité à vraiment écouter dans une conversation plutôt que de simplement attendre pour dire ce qu'elle a à dire.
Bien sûr, il est plus facile d'évaluer ce trait de caractère compliqué une fois que l'on connaît mieux la personne, mais ces stratégies peuvent être utiles lorsque le temps est compté.