Monde / Économie

Emmanuel Macron et Xi Jinping sur la même longueur d'onde économique

Temps de lecture : 5 min

Les accords conclus entre les deux pays et les déclarations des deux présidents le montrent.

Poignée de main entre Emmanuel Macron et Xi Jinping après la signature de plusieurs accords et contrats au Palais du peuple à Pékin, le 6 novembre 2019. | Nicolas Asfouri / POOL / AFP
Poignée de main entre Emmanuel Macron et Xi Jinping après la signature de plusieurs accords et contrats au Palais du peuple à Pékin, le 6 novembre 2019. | Nicolas Asfouri / POOL / AFP

Des contrats pour l'équivalent d'environ 15 milliards de dollars, soit 13,5 milliards d'euros. Trois occasions en trois jours pour les présidents Macron et Xi Jinping de déjeuner ou dîner ensemble. Des déclarations devant la presse où, côte à côte, ils ont affiché une évidente satisfaction. Tout indique que la visite en Chine du président français s'est bien passée. Le premier séjour présidentiel d'Emmanuel Macron en janvier 2018 avait pu paraître moins chaleureux. Les deux dirigeants se découvraient. Et le Français avait semé une certaine perplexité quand il avait déclaré vouloir remettre à plat la relation franco-chinoise «afin de la faire repartir sur un nouveau pied». Aujourd'hui au contraire, la France et la Chine ont visiblement intérêt à une bonne entente.

À l'évidence, un élément important a été l'acceptation d'Emmanuel Macron de participer –avec le titre d'invité d'honneur– à la Foire internationale des importations de Shanghai. Elle se déroule jusqu'au 10 novembre à l'ouest de la ville, dans un centre d'exposition et de convention qui s'étend sur 1.470.000 mètres carrés, ce qui en fait le plus grand bâtiment de ce genre au monde. La France est représentée par soixante-dix entreprises grandes et petites. En 2018, cette foire –dont c'était la première édition– avait accueilli le président russe Vladimir Poutine. Aujourd'hui, la perspective que la relation sino-américaine soit durablement difficile amène bien évidemment Pékin à chercher à développer ses échanges avec d'autres pays. L'économie française est donc la bienvenue.

Mais le 5 novembre, dans le discours qu'il a prononcé, Emmanuel Macron a développé un message: «Nous avons besoin d'une plus grande ouverture de la Chine et de son marché domestique.» Il a tenu à préciser qu'il souhaite que les entreprises étrangères bénéficient en Chine d'un «traitement égal dans l'accès aux subventions et aux marchés publics» et disposent de «voies de recours» en matière juridique. Tout cela est dit par un président français qu'accompagnent une ministre allemande et un commissaire européen. Les deux principales économies d'Europe invitent donc la Chine à tenir compte des positions collectives européennes plutôt que de développer systématiquement des relations commerciales pays par pays.

Les contrats et accords signés

Le 6 novembre, Emmanuel Macron est à Pékin où les dossiers économiques vont occuper sa journée. Tout commence devant la porte est du Palais du peuple où un cérémonial immuable précède les entretiens. Lorsque Emmanuel Macron et Xi Jinping arrivent, des musiciens en uniforme interprètent la Marseillaise puis l'hymne national chinois tandis que retentissent des coups de canon. Puis, avançant sur un tapis rouge, les deux présidents passent en revue des régiments masculins des trois armées, puis des régiments féminins, avant de longer un groupe d'enfants qui tiennent un bouquet de fleurs dans la main droite, deux petits drapeaux chinois et français dans la main gauche et qui scandent en chinois: «Chaleureuse bienvenue à Pékin et en Chine!»

Emmanuel Macron et Xi Jinping passent en revue des régiments lors d'une cérémonie de bienvenue au Palais du peuple à Pékin, le 6 novembre 2019. | Ludovic Marin / POOL / AFP

Après cela, dans une vaste salle où sont disposés de nombreux pots de fleurs, Emmanuel Macron, avec plusieurs ministres à ses côtés dont Jean-Yves Le Drian et Bruno Le Maire, s'assoie face à Xi Jinping entouré entre autres par Yang Jiechi, ministre des Affaires étrangères et He Lifeng, responsable de la Commission nationale du développement et de la réforme. Une heure et demie après, les deux dirigeants se retrouvent côte à côte dans une salle où les premières places sont occupées par des hommes d'affaires, les journalistes étant à l'arrière. Poser une question n'est pas permis. Xi Jinping déclare: «Les portes de la Chine sont ouvertes et la Chine attend, pour les investisseurs chinois, une ouverture équitable des marchés français et européens.»

C'est ensuite le moment où les dirigeants chinois et français se succèdent à une table pour signer les contrats conclus à l'occasion de cette visite d'Emmanuel Macron. Le ministère chinois des Finances évalue leur montant à 13,6 milliards d'euros. Ce que ne confirme pas la partie française car certains accords ne sont pas totalement finalisés. Parmi ceux qui sont définitifs, Engie et Beijing Enterprises Clean Energy annoncent une coopération pour des investissements dans les énergies nouvelles d'un montant de 1,3 milliard d'euros. GTT –une filiale d'Engie– a conclu pour un milliard d'euros un accord avec Beijing Gas Group pour le développement d'un terminal à Tianjin, et d'une canalisation de 230 kilomètres pour acheminer le gaz à Pékin.

Le commissaire européen Phil Hogan et le ministre du Commerce chinois Zhong Shan signent des documents en présence d'Emmanuel Macron et de Xi Jinping, au Palais du peuple à Pékin, le 6 novembre 2019. | Ludovic Marin / AFP

Dans le domaine nucléaire, un protocole a été signé avec Orano (ex-Areva) qui prévoit un accord d'ici le 31 janvier 2020 sur le prix, le site et la «garantie de bonne fin» du projet d'usine de traitement de combustibles usés. Il s'agit, outre la question du coût, de trouver où implanter cette entreprise qui nécessite notamment d'avoir de l'eau à proximité. Orano travaille depuis une dizaine d'années sur ce projet qui devrait rapporter environ 11 milliards d'euros.

Par ailleurs, vingt entreprises agroalimentaires françaises qui produisent de la viande bovine et de volaille ainsi que de la charcuterie ont reçu l'agrément pour exporter en Chine. D'autre part, pour 272 millions d'euros, Danone va pouvoir commercialiser ses produits sur la plateforme de commerce en ligne CFTEC. Et Andros, pour 35 millions d'euros, va ouvrir deux usines produisant confitures et compotes.

Le domaine de l'aéronautique est également concerné: la compagnie aérienne chinoise Colorful Guizhou Airlines va acheter pour un milliard d'euros de moteurs d'avions Safran. L'Élysée fait savoir que des contrats similaires pour 3 milliards d'euros sont «en phase finale de négociation». Pour le spatial, un accord de coopération sur la contribution française à la mission chinoise Chang'e 6, qui doit ramener sur Terre des échantillons de sol lunaire à l'horizon 2023, a été conclu.

Engagement écologique

Ce qui a fait le plus de titres dans la presse économique chinoise, c'est que la Chine a choisi la place de Paris pour sa première émission d'obligations vertes depuis 2004. Elle portera sur 4 milliards d'euros. Au Palais du peuple, Xi Jinping a expliqué ce geste financier du gouvernement chinois «dans le cadre de ses efforts visant à soutenir la construction de la place financière internationale de Paris et approfondir la coopération financière entre la Chine et la France ainsi qu'entre la Chine et l'Europe». Quant à Emmanuel Macron, il a estimé que «c'est une marque de confiance à l'égard de notre place financière».

Les deux présidents ont aussi lancé un «appel de Pékin sur la conservation de la biodiversité et le changement climatique». Il s'agit d'un «ferme soutien» à l'accord de Paris, qualifié de «processus irréversible» et de «boussole». Cette déclaration franco-chinoise intervient deux jours après que les États-Unis ont notifié formellement qu'ils se retirent de cet accord, et donc qu'ils ne réduiront pas de 26% à 28% leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2025 –contrairement à l'engagement qu'avait pris Barack Obama en 2015.

Dans le bilan des rencontres qu'il a présenté au Palais du peuple, Emmanuel Macron a brièvement indiqué avoir eu «des échanges francs et respectueux avec le président Xi Jinping sur les droits de l'homme et les libertés». Aucun détail n'a été donné sur la teneur de ces échanges. Le temps n'est plus où la France tenait à faire savoir ce qu'elle disait aux dirigeants chinois sur ces sujets, où elle soulevait notamment des cas d'emprisonnements arbitraires. Même avec un ralentissement de sa croissance, la Chine, deuxième économie au monde, est désormais traitée avec précaution. Et la France évite soigneusement de pratiquer ce qu'en Chine on dénonce comme «la diplomatie du mégaphone».

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