C'est à bord d'une Hongqi («drapeau rouge»), cette vaste limousine chinoise réservée aux officiels du régime, qu'Emmanuel Macron et son épouse ont quitté lundi 4 novembre l'aéroport de Shanghai. Ils ont demandé non pas à aller directement à l'hôtel mais à être amenés sur le Bund. Le couple a parcouru près d'une demi-heure ce quai de la rivière Huangpu, situé au centre-ville et bordé d'immeubles construit par les Occidentaux au début du XXe siècle.
Ce moment de détente passé, la soirée du président comportait une priorité: rencontrer les entrepreneur·es français·es et allemand·es qui vont participer du 5 au 9 novembre à la Foire internationale des importations de Shanghai. C'est la deuxième année que cette grande manifestation a lieu. Elle s'adresse aux entreprises étrangères qui souhaitent promouvoir leurs exportations vers la Chine. En 2018, l'invité d'honneur était Vladimir Poutine.
En septembre 2019, le président chinois, Xi Jinping, a téléphoné à Emmanuel Macron en lui indiquant que la France aurait cette année ce rôle d'invité d'honneur et en estimant que la présence de son homologue français serait parfaitement justifiée. Ce dernier a accepté l'invitation. Un de ses proches explique que «tant qu'à soutenir cette foire créée par Xi Jinping, autant être dans les premiers».
Mais Emmanuel Macron ne s'en est pas tenu là. Il a obtenu d'Angela Merkel qu'au lieu de l'ambassadeur d'Allemagne en Chine, elle envoie à cette foire de Shanghai un membre de son gouvernement. C'est Anja Karliczek, la ministre de l'Éducation qui a été choisie. Puis le président français s'est tourné vers la Commission européenne et l'Irlandais Phil Hogan a été désigné. Il est commissaire à l'Agriculture et prendra en décembre le portefeuille du Commerce.
Des intérêts réciproques
Emmanuel Macron établit de la sorte une pratique qu'il a inaugurée en mars dernier lors de la visite en France de Xi Jinping. Après une journée de dialogue franco-chinois, il avait fait venir, pour une matinée de discussion à l'Élysée, la chancelière Angela Merkel et le président de la Commission européenne Jean-Claude Junker. Les dirigeants chinois quelque peu surpris en mars par cette démarche collective semblent désormais s'en accommoder.
Emmanuel Macron cherche donc à l'évidence à renforcer la relation de la France avec la Chine en l'inscrivant dans une coopération avec l'Allemagne renforcée par un soutien européen. En même temps, cela lui permet d'apparaître en Chine comme le leader d'une Europe unie. Tout cela alors que les relations de la Chine avec les États-Unis semblent durablement tendues, Donald Trump ayant la volonté de limiter autant que possible la montée en puissance de l'économie chinoise.
«Plus on joue en franco-allemand et surtout en européen, plus on a de crédibilité et de résultats.»
À Shanghai, dans la soirée de lundi 4 novembre, Emmanuel Macron s'est retrouvé en compagnie d'Anja Karliczek et de Phil Hogan face à des dirigeant·es d'entreprises grandes et petites, françaises et allemandes, qui travaillent avec la Chine et seront présent·es à la Foire internationale des importations. Des patron·nes de chaque nationalité se sont exprimé·es –en anglais. L'un a expliqué la complexité existant dans le domaine alimentaire pour les entreprises non chinoises, en raison de la protection des tarifs agricoles imposée par le gouvernement chinois.
Un autre a demandé: «Allons-nous en Chine pour être compétitifs? Oui. Mais à condition d'avoir les mêmes règles que les entreprises chinoises.» Tandis qu'un autre encore estimait: «Nous avons trouvé en Chine des pratiques nettement plus bureaucratiques qu'en Europe.» En conclusion des questions pratiques exposées, Emmanuel Macron a considéré que «plus on joue en franco-allemand et surtout en européen, plus on a de crédibilité et de résultats».
Quant à la Chine, elle connaît actuellement un tassement de sa croissance et considère qu'elle a intérêt à diriger une plus grande partie de ses échanges vers les pays d'Europe. Et, en Europe, la carte de la France n'est visiblement pas à négliger pour Pékin. Elle ne connaît pas l'impression d'essoufflement politique que peut donner l'Allemagne ni les difficultés de mise en route du Brexit qui existent au Royaume-Uni.
Un certain mécontentement
Pour autant, les autorités chinoises n'hésitent pas à exprimer quelques critiques vis-à-vis de la France. Les quatre jours qu'Emmanuel Macron a passés en Inde en mars dernier n'ont guère été appréciés par les dirigeants chinois. En particulier cette phrase du président français prononcée à New Delhi: «Le sens de mon déplacement est de faire de l'Inde notre premier partenaire stratégique de la région.»
Par ailleurs, à Pékin, un certain mécontentement s'est exprimé sur la visite que vient d'entamer Emmanuel Macron. Zhu Jing qui, au ministère chinois des Affaires étrangères, est vice-directeur du département des Affaires européennes, déclarait le 31 octobre devant des journalistes français: «Le président Macron est toujours le bienvenu en Chine. Mais nous regrettons qu'il passe une journée et demie à Shanghai et une seule autre journée à Pékin. Moins de soixante-douze heures, ce n'est pas une visite très longue vue la grandeur de la Chine.»
Or, il se trouve que la dernière visite de Xi Jinping en France n'était guère plus longue que celle que vient de commencer Emmanuel Macron en Chine. Le président chinois, après quelques heures à Monaco, était arrivé le dimanche 24 mars en fin d'après-midi à Beaulieu où il avait dîné avec Emmanuel Macron. Puis le lundi, il avait entamé une série d'entretiens à Paris avant de repartir en Chine le mardi soir. Tout cela indique des mises en cause sans réel fondement dans la relation franco-chinoise.