L'année dernière, les grandes entreprises de la tech ont compté 45 millions d'images et vidéos d'enfants agressés sexuellement diffusées sur leurs plateformes. Dans une longue enquête pour le New York Times les journalistes Michael H. Keller et Gabriel J.X. Dance, tentent de comprendre pourquoi.
En 2008, alors que le nombre d'images et vidéos signalées n'atteignait pas encore le million, le gouvernement américain votait le «PROTECT Our Children Act» –loi pour «protéger nos enfants»– actant la lutte contre la création et diffusion de ces images. Depuis, elles ont proliféré. Les enquêteurs du Times l'expliquent par un manque de coopération des entreprises de la tech avec les autorités, ces mêmes autorités qui, elles, manquent de moyens humains et financiers.
L'évolution des pédocriminels
Avant internet, les pédocriminels dépendaient du système postal pour échanger des images, aujourd'hui, en quelques clics, des centaines d'images et vidéos peuvent être partagées.
Grâce aux systèmes de messagerie chiffrée ou cryptée et au dark net –partie du web inaccessible via les moteurs de recherche et les logiciels habituels– les échanges les plus immondes sont facilités. Et les pédocriminels, à la pointe de la technologie, connaissent et se transmettent toutes les méthodes pour passer sous le radars des autorités.
Les crimes sont commis sur des victimes de plus en plus jeunes et de manière de plus en plus violente. «Par le passé, vous ne seriez jamais allé sur le marché noir pour demander "je veux du hard-core avec un gamin de trois ans", explique Yolanda Lippert, une procureure de l'Illinois au New York Times, mais maintenant, vous pouvez être assis, en sécurité, et chercher sur votre ordinateur ce genre de choses, les échanger.» Sur certains forums, les enfants agressés sont forcés de tenir des panneaux avec le nom du groupe de discussion pour prouver que les images sont «fraîches», expliquent les journalistes.
Le manque de moyens
En 2008, la loi américaine promettait soixante millions de dollars par an pour lutter contre ce fléau. Les bonnes années, la moitié a été débloquée, sachant que le budget initial était déjà insuffisant. Aujourd'hui, un agent du département de sécurité intérieur (Homeland Security) sur dix travaille sur des cas d'agression sexuelle d'enfants mais «on pourrait être deux fois plus qu'on serait quand même dépassé», confie l'un d'eux au New York Times. Une autre agent explique devoir tenter de prioriser la lutte. Elle se focalise sur les crimes commis sur les plus jeunes victimes.
Parfois, la coopération avec les grandes entreprises telles que Facebook et Google est complexe. Selon la loi, leur seule obligation est de signaler les contenus aux autorités. Quand il s'agit de maintenir l'échange pour trouver les responsables, la communication est mauvaise. Tumblr étant, d'après l'enquête, de loin le plus mauvais élève.
Facebook et messenger ont produit les deux tiers des rapports émis l'année dernière (soit 12 millions), pourtant, en mars 2019, son fondateur, Mark Zuckerberg, a annoncé vouloir crypter son service de messagerie. Un changement qui risque de ne pas faciliter le travail de la police.