La tension est montée d'un cran ces dernières semaines entre le Hezbollah, puissant mouvement chiite libanais pro-Iran, et Israël, laissant craindre une nouvelle confrontation entre les deux parties similaire à la guerre destructrice ayant opposé ces deux ennemis jurés en 2006.
Plusieurs incidents survenus à la frontière libano-israélienne, voire au cœur de la capitale Beyrouth, ont relancé le spectre d'un conflit, ou du moins redéfini les règles et limites du «jeu», dans un contexte de tensions régionales croissantes entre l'État hébreu et l'Iran.
Escalade inquiétante
Le 25 août, deux drones israéliens chargés d'explosifs sont abattus par le Hezbollah alors qu'ils survolaient la banlieue sud de Beyrouth, fief du «parti de Dieu». Le lendemain, le président libanais Michel Aoun qualifie l'incursion de «déclaration de guerre».
L'organisation chiite réplique une semaine plus tard. Le 1er septembre, un missile antichar est tiré vers le secteur d'Avivim, dans le nord d'Israël, détruisant un véhicule de Tsahal. En représailles, cent obus israéliens sont lancés le jour même sur le Sud-Liban.
Près du village libanais de Maroun al-Ras après des échanges de tirs entre Israël et le Hezbollah, le 1er septembre 2019. | Mahmoud Zayyat / AFP
Cette escalade est la plus grave depuis la guerre de 2006, qui avait fait plus de 1.200 victimes côté libanais, essentiellement des civils, et 160 dans le camp israélien, en majorité des soldats.
Un calme relatif prévalait jusqu'ici à la frontière libano-israélienne, confortée par la résolution 1701 de l'ONU et les patrouilles de la Force intérimaire des Nations unies (Finul), censée garantir la cessation des hostilités entre les deux pays –toujours techniquement en état de guerre.
Le déploiement ces dernières années sur le théâtre syrien de milliers de combattants du Hezbollah et d'autres milices pro-iraniennes aux côtés de l'armée de Bachar el-Assad a néanmoins ravivé les inquiétudes israéliennes. L'État hébreu craint une expansion de l'influence et de la menace iraniennes jusqu'à sa porte.
Débordement du conflit syrien
Jusqu'à présent, Tsahal n'intervenait militairement qu'en Syrie, où elle a mené des centaines de frappes contre des positions militaires des Gardiens de la révolution iraniens ou de milices alliées de Téhéran, qu'il s'agisse du Hezbollah ou d'autres factions chiites.
De son côté, le Hezbollah n'avait pas pour habitude de répliquer à ces attaques depuis le territoire libanais, sauf exceptionnellement: en janvier 2015, il avait attaqué un convoi militaire israélien en réponse à la mort d'un général iranien et de plusieurs de ses membres dans un bombardement israélien sur le Golan syrien.
En envoyant un drone armé sur la banlieue sud de Beyrouth, Israël «a voulu changer les règles du jeu», a récemment affirmé le Hezbollah. L'hypothèse d'un débordement au Liban de la guerre par procuration que se livrent Israël et l'Iran en Syrie n'est donc plus à exclure.
Israël accuse le Hezbollah de détenir un réservoir de 150.000 roquettes. Début septembre, l'armée israélienne a annoncé avoir identifié un site de développement et d'amélioration de missiles de précision dans la vallée de la Bekaa, dans l'est libanais.
Image aérienne dévoilée par Tsahal le 3 septembre 2019, montrant ce qu'elle pense être un site de fabrication de missiles de précision du Hezbollah, près de la ville de Nabi Chit. | Israeli Defence Forces / AFP
Selon Tsahal, le parti chiite serait en train de transférer les équipements de ce site vers «des zones résidentielles à Beyrouth» par crainte de frappes.
L'État hébreu pourrait décider de cibler au Liban des installations militaires du Hezbollah, qui a quant à lui déjà prévenu qu'il ne resterait pas les bras croisés en cas d'«agression de l'ennemi».
Conflit ouvert écarté
En dépit de la récente poussée de fièvre à la frontière libano-israélienne, la probabilité d'un conflit de grande ampleur reste faible. Les deux camps ont d'ailleurs affirmé à plusieurs reprises qu'ils n'en voulaient pas.
L'État hébreu sait que le Hezbollah a les moyens de le frapper au cœur et n'est pas prêt à payer le prix du sang de civils israéliens.
Quant au poulain de Téhéran, certes aguerri par sept années de combat en Syrie, il accuse pour sa part une certaine fatigue. Outre les milliers de combattants tués sur le terrain syrien, l'afflux de fonds iraniens s'est tari sous le coup des sanctions occidentales, fragilisant notamment le système d'indemnisation des familles des «martyrs». Dans ce contexte, il semble peu réaliste que la milice veuille s'aventurer dans une nouvelle campagne militaire.
Une reprise des hostilités risquerait enfin de perturber la course à l'exploitation de gaz offshore dans laquelle se sont lancés le Liban et Israël ces dernières années et sont impliquées des compagnies américaines, française et russe.
Preuve de l'importance de ce dossier, les États-Unis mènent actuellement une médiation entre les deux pays pour amorcer des pourparlers destinés à résoudre le contentieux sur le tracé de leurs frontières maritime et terrestre.
Ces négociations, qui auraient lieu sous les auspices des Nations unies, permettraient de régler le litige concernant un triangle de 860 km2 que se disputent Israël et le Liban au large de leurs côtes et qui renferme d'importantes ressources gazières.
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Pour l'instant, le scénario d'une guerre ouverte reste donc peu plausible, d'autant que la politique va-t-en-guerre des États-Unis, allié inconditionnel d'Israël, paraît s'estomper, comme en témoigne le récent limogeage par Donald Trump de son conseiller à la sécurité nationale John Bolton, un faucon de l'administration américaine.
Washington semble vouloir essentiellement privilégier l'arme économique pour affaiblir son ennemi juré au Moyen-Orient et ses supplétifs. Les sanctions financières prises contre Téhéran visent non seulement à étrangler l'économie iranienne, mais aussi à couper les vivres aux milices financées par Téhéran, au Liban comme en Syrie, en Irak et au Yémen.