Le grand chef savoyard a-t-il une chance de récupérer sa troisième étoile supprimée en janvier dernier?
Pour l'homme au chapeau noir, idole d'une génération de chefs savoyards comme Laurent Petit à Annecy (trois étoiles en 2019), la perte de la troisième étoile a été un affront, une blessure morale pire que la mort de son père –il en a pleuré!
L'inventeur du foie gras poêlé à la myrrhe odorante, chef-d'œuvre, n'a pas admis d'être rétrogradé à la seconde étoile, une sanction imméritée infligée après la conquête de la troisième étoile en 2018. Et sans motif annoncé. Le litige porterait sur une composition fromagère à base de cheddar, un fromage anglais (et non savoyard), mais rien n'est sûr. Le Michelin conserve un mutisme incompréhensible qui lui fait un tort considérable.
C'est donc devant la justice que Marc Veyrat a décidé de porter l'affaire: son avocat a annoncé lundi 23 septembre assigner le guide Michelin en référé devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour connaître les raisons de cette punition.
Foie gras poêlé à la myrrhe odorante. | Sylvain Tillon
S'il y a déclassement, comme pour Alain Dutournier au Carré des Feuillants à Paris et Pascal Barbot à l'Astrance, il faut dire pourquoi. Le guide rouge s'est enfermé sur le non-dit, l'ukase non expliqué, le verdict à la soviétique –tout le problème vient de là.
Les chefs sanctionnés veulent des explications de la part des inspecteurs anonymes qui n'ont de comptes à rendre qu'à leur hiérarchie, à Gwendal Poullennec, patron de l'équipe des mangeurs salariés: l'homme reste muet.
Si Marc Veyrat, admirable cuisinier, seul à avoir obtenu 20/20 dans le Gault & Millau durant des années, savait ce qu'on lui reproche, si le guide donnait ses remarques, ses critiques, tout serait clair, admis et consensuel.
Le guide reviendra-t-il sur sa décision en 2020?
Hélas, le guide rouge s'est fossilisé. Il vit sur des normes d'hier dépassées, obsolètes et injustifiées. Les inspecteurs, souvent de très bons palais, souhaitent en secret avoir une liberté d'explication et indiquer le pourquoi des sanctions. Il s'agit d'honnêteté, de partage.
En 2003, Bernard Loiseau, trois étoiles à Saulieu, avait eu à connaître les commentaires négatifs de la direction du guide, il avait corrigé ses erreurs et l'étoile, la troisième, avait été préservée. Bon travail.
Marc Veyrat, cuisinier botaniste des prés et des champs, a fait progresser la cuisine française, c'est indéniable. Il reste un maître des saveurs et des compositions fines, enchanteresses. Il est toujours complet, même si les prix sont cinglants, il y a des gourmets pour les accepter: se régaler a un coût chez les maîtres à cuire.
La Maison des Bois. | Marc Veyrat
En 1951, Claude Terrail, héritier et patron de la Tour d'Argent, avait perdu la troisième étoile, d'où un procès, des dégustations de plats, le tout supervisé par le célèbre ténor du barreau Maître Floriot. En 1952, La Tour avait retrouvé la troisième –une seule en 2019.
Qu'en sera-t-il pour le Savoyard passionné, une grande gueule qui s'est répandue dans les médias?
Le guide reviendra-t-il sur sa décision en 2020? C'est tout le problème. Les cadres du Michelin sont très affectés par cette polémique bien française qui devrait remettre les pendules à l'heure l'an prochain.
Marc Veyrat est l'un des leaders de la haute cuisine française et le Michelin doit le respecter.