«Les Syriens ont sauvé notre école»: c'est ce qu'a récemment déclaré Frank Schütz, le maire du village de Golzow, dans l'est de Allemagne. Cet enthousiasme n'a pourtant pas toujours été de mise. Recevoir des migrant·es syrien·nes était un pari risqué pour le maire: l'extrême droite est très populaire dans sa commune de 820 âmes.
L'accueil des réfugié·es semblait impossible aux yeux d'une partie des habitant·es, mais il était nécessaire... pour sauver l'école du village. Golzow a perdu un tiers de sa population au cours des années qui ont suivi la chute du mur de Berlin. Lors de l'été 2015, le nombre d'enfants en âge d'être scolarisés avait atteint son plus bas record, alors que des centaines de milliers de migrant·es arrivaient en Allemagne.
Surnommé·es «les nouveaux enfants de Golzow» par le maire, Kamala, Bourhan, Hamza, Nour, Tasnim, Ritaj, Rafeef, Roaa, le grand Mohammad et le petit Mohammad sont arrivés avec leurs parents en 2015 et ont tout changé.
Scepticisme vite surmonté
Au début, la population était réticente: «Ça ne peut pas marcher, ils ont une religion différente, nos enfants ne parleront plus un allemand convenable», pensait Marco Seidelt, dont le fils Davey a soudainement eu trois camarades syriens dans sa classe. D'autres craignaient pour leur tranquillité et leur sécurité.
Halima Taha, âgée de 32 ans et mère de trois enfants, était elle aussi sceptique. «L'est de l'Allemagne? Vous êtes fous? Ils n'aiment pas les étrangers, là-bas. C'est dangereux», l'ont mise en garde ses proches dès qu'elle a annoncé sa venue à Golzow.
Les habitant·es et les réfugié·es se sont néanmoins vite trouvé des points communs: «Les enfants syriens ont la même expérience de vie que les personnes les plus âgées du village, a affirmé le maire. Ils savent ce que ça fait quand une grenade explose.» Plusieurs villageois·es ont en effet rejoint Golzow après avoir fui la Pologne à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Les deux camps ont finalement fait des efforts et ont su s'apprécier. Golzow a changé pour le mieux et a repris vie. Un villageois a appris à nager et pêcher à trois enfants syriens qui l'appellent «Opa», grand-père en allemand, les appartements vides sont comblés, et les pères syriens aident si besoin le concierge de l'école. «Ils sont devenus des éléments importants de notre communauté», a indiqué Gaby Thomas, la directrice de l'école locale.
Halima se souvient du bon accueil qu'elle a reçu à son arrivée. Les habitant·es de Golzow ont fait des dons pour aider à meubler son appartement. Sa famille a su s'intégrer si rapidement qu'aujourd'hui, ses enfants s'insultent en allemand quand ils se battent. «C'est à ce moment-là que vous savez qu'ils ont réussi [à s'intégrer]», s'est enthousiasmée la directrice de l'école.
La famille d'Halima envisage de demander la nationalité allemande dans quatre ans. «Le village est comme une famille, a-t-elle confié, et nous faisons maintenant partie de cette famille.»